La couverture est floue, rougeoyante, l’œuvre de James F. Johnston, artiste peintre par ailleurs membre du groupe Gallon Drunk (et connu également pour avoir intégré de 2003 à 2009 les mauvaises graines d’un certain Nick Cave). L’œuvre s’intitule Master performer portlaying death . Une représentation picturale qui augure d’un contenu sonore des plus mortifères. Prévue initialement le 10 avril dernier, la sortie de Sous La Peau a été repoussée au 24 du même mois, le spectre du virus rodant et chamboulant les données calendaires. Le disque est le troisième album de Versari, trio plus que jamais orienté en direction d’un rock agité et incandescent. Ajoutons à l’ornement une calligraphie en référence à l’artwork du LP A Kiss In The Dreamhouse de Siouxie and The Banshees et vous imaginez ce qui se trame.
Un resserrement axé sur huit titres et une adrénaline qui balance ses terribles crochets dès les premières secondes de l’ouverture baptisée Des Images, une déflagration magnifiée par Renaud de Foville dont la vidéo empreinte d’une vérité crue met en lumière la digne exposition de portraits touchants. Au rayon des décibels, la verve n’est pas mise sous cloche, bien au contraire ! L’humeur est lourde, intense, cisaillée par les cordes qui s’enflamment à chaque saillie de Jean-Charles Versari, auteur et artificier de cette entame au trouble épique. Les grincements se mêlent alors au tapage pour un florilège d’explosions que nous aurions presque eu tendance à oublier.
L’ensemble est de cette cohérence avec une ligne conductrice qui nous laisse entrevoir nos ombres au bord du précipice, une puissance qui vient bousculer le chaland de passage comme les disciples les plus acharnés. C’est la pertinence d’un chant en français, posé et nourri du charisme grave de son interprète, c’est l’effusion affiliée à l’exigence des racines post-punk, une musique qui porte la tunique de pompiers pyromanes, la délivrance qui se combine avec ce brin de mélancolie aiguisée, celle qui vient cogner à la porte de Brûlure, seconde piste de l’ouvrage dont les déchirements vocaux agonisent au contact des stridences en pleine osmose pantagruélique.
Au travers de Rose c’est la fièvre qui hypnotise, les roulements de la basse étourdissante de Laureline Prod’Homme accentuant l’impression d’assombrissement de paroles de plus en plus venimeuses. Dans un registre bien plus noisy, Reviens se veut la déclinaison d’une accélération des mouvements : La rythmique impulsée progressivement par Cyril Bilbeaud est fracassante et nous emporte au sein d’une rudesse qui alterne avec un discours aux accents chargés de fiel.
Les évidences se révèlent plus criante à l’écoute de La Peur Au Ventre, véritable perle sertie d’une attraction immédiate malgré son inspiration d’obédience froide… Cette vague qui nous submerge et nous entraine sur les rives d’une mélodie imparable. Les riffs y sont obsédants et le refrain s’impose en gageure d’une qualité retentissante bien que corrompue (de manière jouissive) par quelques distorsions abyssales venues traduire, en guise d’hyperboles, une certaine idée du malaise. L’exécution est une nouvelle détonation au cœur de cette intime cohérence dévoilée au grand jour. C’est nul doute ce qui confère à Sous La Peau sa magnifique singularité, ce réel brossé par le biais de métaphores brutes, le besoin vital de chasser le démon, transcender l’expérience nouvelle en lui agrémentant la fascination d’un contraste venu brandir un exutoire teinté de noir avant de dissoudre le tout par le jeu de flammes purificatrices.
Les instants larmoyants de Plus de Tristesse en seront l’épilogue pourvu de sensibilité profonde. La pesanteur est toujours mise en exergue mais c’est bien un larsen qui en sera le point d’orgue, tel le fatal constat d’une violence permanente.
De manière impressionnante, Versari nous balance en pleine face un condensé de ce qui se fait de mieux actuellement (et depuis des plombes) en matière de rock tempétueux. Il aura fallu sept années pour succéder à Ostinato, déjà remarqué à l’époque par les critiques les plus affutées. Le résultat aujourd’hui impressionne grâce à sa fière carrure qui étouffe nullement la spontanéité bruitiste et romantique du groupe, bien aidé en sa tâche par Adrian Utley, échappé une nouvelle fois de Portishead afin d’épauler la formation tant à la production qu’à l’application même des strates (synthés + guitares additionnelles). Notons aussi la présence non négligeable de Jonathan D Mayer pour ce qui concerne le design sonore et la composition.
Sans plonger dans le surréalisme exacerbé de Lautréamont, la tonalité maladive de Sous La Peau peut s’afficher comme le reflet traversé par le poète dans Les Chants de Maldoror, monument littéraire dont la bande son s’apparente à sa transfiguration au travers de quelques éminents brulots incantatoires déclinés au début des années 80, notamment par Bauhaus (In The Flat Field) puis de manière épidermique et cataclysmique avec The Cure (Pornography)… Dans cette veine marquée durement au fer, la tradition perdure et Versari en est désormais l’un des plus convaincants porteurs de flamme.
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Sous la Peau – Versari
chez T-Rec / Inouïe Distribution – est disponible depuis le 24 avril 2020
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Image bandeau : Photographie de Renaud de Foville