[dropcap]À [/dropcap]trois reprises déjà, depuis le décès de son auteur Hugo Pratt en 1995, le personnage de Corto Maltese a fait l’objet de nouvelles aventures signées du scénariste Juan Diaz Canales(Blacksad) et du dessinateur Ruben Pellejero. La sortie chez Casterman de Océan Noir, où l’on retrouve une nouvelle fois le célèbre marin, s’inscrit dans l’héritage précédent tout en étant à marquer d’une pierre blanche.
En effet, BastienVivès et Martin Quenehen ont épousé le vent de la liberté pour produire un ouvrage dont la facture et la temporalité s’exonèrent avec finesse des codes habituels. Exit le 20e siècle et la fameuse casquette vissée sur la tête. Le look de Corto, cheveux flottants dans les embruns, s’avère plus cool.
L’histoire, quant à elle, se situe au début des années 2000. Il est ainsi fait mention des attentats du 11 septembre aux États-Unis, ce qui donnera l’occasion à notre héros, dans une scène quelque peu surréaliste, de discuter opportunément avec Colin Powell, le secrétaire d’État à la Défense, pour mieux prendre la poudre d’escampette ! Car, ne l’oublions pas pour autant, Corto Maltese reste un feu follet, toujours sur le qui-vive et à la recherche de secrets bien cachés. Sa différence avec les pirates du bateau sur lequel nous le retrouvons dès le début de l’ouvrage ? Il ne tue pas pour l’argent…
Voilà pourquoi il se retrouve embarqué dans une longue course-poursuite à travers l’Amérique du Sud, sur les traces d’un trésor inca. Services secrets japonais, agents de la CIA, pilleurs de tombes, ultra-nationalistes en quête de pouvoir mais aussi éco-warriors à l’abordage de bateaux de pêche et de leurs filets assassins… Les ennemis ou les surprises ne manquent pas pour rendre la vie difficile à notre marin ! Heureusement, Corto sait se ménager quelques bons moments. Ainsi rencontre-t-il par hasard Freya, l’un de ses amours de jeunesse, ainsi que Raspoutine, son ami parfois… repoussoir !
Le récit conduit par Quenehen se révèle très emballant, passant rapidement d’une situation à une autre et mêlant des scènes d’action fortes à des moments plus cocasses ou émouvants. Globalement d’ailleurs, ce qui se dégage d’Océan Noir, c’est un incroyable souffle romanesque. Le dessin de Vivès véhicule une poésie et un érotisme à peine voilé, contribuant à ancrer la bande dessinée dans un univers à la fois connu et osé. L’exercice de style pourra en étonner plus d’un mais il s’avère convaincant et prenant !
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Corto Maltese, Océan Noir de Bastien Vivès et Martin Quenehen