[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#04196d »]O[/mks_dropcap]n retrouve dans ce livre paru aux éditions P.O.L. intitulé Voguer, les corps désirants et désirables que loue Marie de Quatrebarbes.
Les corps qui se déploient en mouvements chorégraphiques comme un écho à l’art poétique. « Comme la poésie est une danse parlée, de même la danse est une poésie muette (Simonide) » écrit-elle à la fin du recueil. La poète attribue cette citation à Simonide, alors que c’est Plutarque qui reprend une citation de Simonide. Ainsi le livre va au-delà de la dernière phrase du recueil :
« Peut-être ne danse-t’on qu’à partir des fils qui nous retiennent et n’écrit-on que depuis les lambeaux d’une mémoire que l’on récite comme un perroquet ».
Cela illustre l’intelligence de la structure de Voguer.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]ais il se trouve que la lecture de ce livre réveille une émotion plus profonde, une catharsis que l’on peut trouver dans l’exercice de la prière. Marie de Quatrebarbes prie pour 5 personnalités dont le point commun est le désir qui rayonne en eux. Ces prières leur donnent la parole, les laissent s’exprimer sur leur existence. L’auteure commence par deux personnages du documentaire Paris is burning de Jennie Livingston, chronique de la ball culture New-yorkaise où le mouvement de Voguing est apparu.
Ainsi Voguer s’entend être un témoignage d’un mouvement populaire tout comme un hommage au corps désirant. On retrouve aussi Pier Paolo Pasolini et Heinrich Von Kleist qui ne sont pas cités nommément. Le livre se débarrasse ainsi de l’éloge au passé et garde un pied dans l’écriture présente.
Les personnes auxquelles Marie de Quatrebarbes fait à chacun une prière sont certes mortes mais le livre s’écrit dans le présent de la vitalité donnée en héritage. Le lyrisme de la poète n’est pas issu de l’ancienne littérature. C’est une danse parlée « pour conjurer le sort et faire vivre un désir plus grand » comme il est écrit dans la prière pour Venus, transsexuelle new-yorkaise assassinée dans sa chambre d’hôtel en 1988.
Dans chacun des portraits apparaît la figure de l’oiseau, mort ou vivant, figure plus puissante encore qu’une allégorie. Elle démontre la fragilité de ces êtres et du désir qui les portent. Voguer se fait la trace vivante de cet équilibre instable et permet au lecteur d’en ressentir l’intensité.
Voguer est un livre qui laisse une empreinte forte dans l’esprit de son lecteur. Il se lit avec douceur mais son rayonnement va plus loin. Il fait émerger des interprétations et des envies mais ne se laisse pas totalement dévoiler.
Voguer est aussi beau qu’un geste chorégraphique, insaisissable mais à faire vivre en soi comme la beauté du désir
Voguer de Marie de Quatrebarbes
paru aux éditions P.O.L., mai 2019