[dropcap]C[/dropcap]’est déjà la rentrée et comme souvent, elle s’accompagne d’une bonne dose de nostalgie : adieu les vacances, les barbecues, la mer, l’insouciance, la douceur de vivre… la fin de l’été n’est pas loin et en ces temps difficiles, le retour à la réalité peut sembler compliqué à gérer. Pourtant, cette période est aussi synonyme de sorties littéraires et musicales salvatrices, comme pour nous aider à passer le cap. En ce sens, le cinquième album du duo Widowspeak arrive à point nommé : Plum, sorti le 28 août dernier chez Captured Tracks est un petit bijou de pop lumineuse et ensoleillée qu’il serait dommage de ne pas écouter !
En dix ans d’existence, Molly Hamilton (chant, guitare) et Robert Earl Thomas (guitare) n’ont pas démérité depuis leur premier opus éponyme, Widowspeak paru en 2011, déroulant leurs influences teintées de dream pop, jangle pop, folk, lo-fi, en passant par les 60’s et les 70’s avec ce son très Laurel Canyon… la liste est belle sans pour autant être une pâle copie des aînés. Ainsi, malgré une facilité apparente, Plum n’est pas un album léger, explorant nos angoisses existentielles les plus profondes : le capitalisme qui nous broie, l’asservissement au travail, l’amour, l’argent… Une société dans laquelle tout est donnant-donnant, laissant peu de place à l’essentiel, un rapport aux autres et au monde faussé par les notions de productivité et de rendement.
Malgré une incartade en solo pour Robert Earl Thomas en 2018, Another Age, le duo a pris son temps pour sortir ce nouvel album : trois ans, ce qui au regard de leurs précédentes productions représente une année de travail supplémentaire. Loin du tumulte des tournées, Molly Hamilton s’est posée pour observer ses pairs et nous livrer ainsi son regard sur notre siècle avec une justesse qui prend tout son sens à l’aune des derniers événements.
Produit par Sam Evian (Cass McCombs, Kazu Makino, Hannah Cohen…) et mixé par Ali Chant (PJ Harvey, Aldous Harding, Perfume Genius…) – le déroulé des références donnent le ton – Plum est un album qui s’égare par certains côtés sur des sentiers un peu plus étoffés, avec, pour enrichir la palette sonore, Andy Weaver à la batterie, Michael Hess au piano et Sam Cohen à la basse et aux synthés.
L’album s’ouvre avec la chanson titre, Plum, prune en français. Que viennent faire les prunes et les pêches dans l’histoire ? Étrange ? Pas tant que ça puisque la chanson est une référence à la philosophie japonaise wabi-sabi, un retour à la simplicité et à la beauté imparfaite et éphémère des choses… comme les fruits qui flétrissent dans le temps, perdant leur fraîcheur… en cherchant un peu, le message est clair, rien n’est éternel mais il faut savoir profiter de l’instant : No one is old and nothing is young. Merveille rehaussée par la guitare très jangle de Thomas : en fermant les yeux, on peut encore profiter d’une douce soirée d’été insouciante.
Le second titre, The Good Ones, nous enveloppe de sa basse bourdonnante et sa rythmique nonchalante. La vibration est addictive et la palette sonore inédite chez Widowspeak. A titre personnel, gros coup de cœur pour ce morceau qui provoque un sentiment de bien-être parce que la lumière y est intense, une polyrythmie des sens : And the light always shines on everything you do.
Money explore les méandres du capitalisme en rapport avec l’écologie, à l’instar du clip qui a été tourné dans un parc à Kingston, dans l’État de New York, monté avec des images d’archives extraites de films destinés à des employés ou actionnaires de différentes industries. Une recherche permanente de bénéfices qui se moque des conséquences sur le long terme, même si celles-ci sont connues depuis des années, le seul mot d’ordre étant le profit au détriment de la nature, de l’homme et de notre avenir : Tune out platitudes like these: / Money doesn’t grow on trees. Hamilton scande cette phrase pour nous rappeler que même si l’argent ne pousse pas sur les arbres, les déraciner, c’est nous condamner, l’ironie est belle et terrifiante à la fois !
Le titre suivant, Breadwinner, reste sur la même thématique, en se concentrant sur le travail, celui que l’on subit pour littéralement « mettre le pain sur la table », avec un clip figurant le propos réalisé en stop-motion par le groupe, chez eux à Brooklyn. Dans une veine dreamy, Hamilton se pose des questions en résonance avec cette période troublée : comment réussir à s’en sortir sans se fourvoyer, car souvent le travail est alimentaire et qu’il est difficile de concilier ses passions avec les réalités financières : Always, always / Bringin’ your work home. Le travail qui prend la place de toute une vie.
Sur Even True Love, il est question d’amour, le vrai, qui doit être réciproque et non possessif : Even true love / You can’t take it with you. Une ritournelle de fin d’été aux relents psych-folk que la guitare de Thomas illumine de douceur. Sur la dernière partie de l’album, Widowspeak nous emmène sur des routes musicales inconnues chez eux : Amy, morceau lo-fi, éthéré, sur lequel le synthé est roi, la basse imposante et la guitare dissonante sur la fin du refrain… mais qui est cette âme perdue qu’Hamilton appelle en vain ?
Sure Thing me rappelle Mazzy Star et la voix de Hope Sandoval, car oui, le parallèle n’a pas encore été posé mais la tessiture de Hamilton n’est pas sans évoquer la belle californienne. Un morceau sur lequel la guitare de Thomas prend presque toute la place, avec ce riff appuyé en forme de rythmique, le plus brut de l’album.
Le morceau Jeanie est assez troublant. Hamilton chante aussi bien en français qu’en anglais, un mantra introspectif sur son incompréhension face au monde et à ceux qui l’entourent : Je ne comprends pas / I don’t understand. Un titre qui selon leurs dires est un hommage à Terry Riley, le minimalisme et la répétition du motif en attestent. Nous glissons doucement vers le dernier titre de l’album, Y2K, au titre énigmatique, et là encore je pense fortement à Hope, la teinte psych-folk n’étant pas étrangère à ce ressenti, un appel à vivre pleinement sa vie pour conclure un album questionnant notre place dans ce monde où tout va trop vite au détriment de l’humain : Is life still overflowing? / They say that we should live it up.
Le cinquième album de Widowspeak, Plum, semble prendre, à mon sens, plus de risques que ses prédécesseurs, tant sur le plan musical que sur les textes. Cependant, c’est aussi une belle surprise : sous une apparente désinvolture, Hamilton nous invite à nous questionner sur notre condition et le sens de la vie sans émettre de jugements, des réflexions personnelles en forme de miroir sur nos angoisses existentielles. Une douceur pop que je vous invite à découvrir pour prolonger encore un peu l’été ! Un gros coup de cœur de cette année 2020 qui restera encore un bon moment sur ma platine !
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Plum – Widowspeak
Captured Tracks – 28 août 2020
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