Écrire des romans ce n’est pas que servir une thématique ou raconter une histoire géniale; c’est aussi inventer, mobiliser des manières d’écrire . Une très intéressante table ronde en ce dimanche et dernier jour du Festival America s’est attaquée à la passionnante question des formes du roman. Il y fut question des procédés narratifs et de comment les écrivain(e)s les choisissent, les façonnent pour servir leur propos. Travailler la langue pour différencier des personnages ou matérialiser leurs identités respectives (avec les difficultés de traduction que cela pose) comme chez Jonathan Escoffery qui raconte dans son roman Si je te survis (Albin Michel) le questionnement d’un jeune JamaÏcain qui se doit de porter une histoire familiale issu d’un pays où il n’est pourtant pas né. Cela peut aussi passer par écrire dans une langue qui n’est pas la sienne comme Katharina Volckmer , allemande qui écrit en anglais, et qui trouve dans cette distance à la langue maternelle une liberté pour parler sans filtre, mettre en scène des personnages transgressifs ou parler crument d’une sexualité qui envahit notre quotidien mais dont la littérature fait peu écho. Une distance qui nous avait livré un exceptionnel texte coup de poing Jewish Cook (Grasset) tandis qu’elle fait paraître un nouveau roman, Wonderfuck au délicat parfum de dynamite ! Particulièrement pertinent pour finir les réflexions de Stephen Markley, militant de la cause climatique, qui explique son utilisation des connaissances scientifiques les plus actuelles pour décrire notre futur proche et refuse de ranger son roman sous l’appellation dystopie. En effet il explique donner à son livre Le Déluge la forme la plus proche de la vraisemblance non pas pour écrire de l’anticipation ( le livre se passe pourtant entre 2013 et 2040) mais pour que le lecteur prenne la mesure du présent quasi certain qui l’attend. Ca donne vraiment à réfléchir…
America ce sont aussi des expos ( et malheureusement je n’ai pas eu le temps, là non plus, de tout voir) mais je voudrais signaler cette dimension du festival qui est construit comme une manifestation vraiment complète, et où on pouvait voir notamment Miles Hyman un artiste dont vous avez peut-être vu la production (puisqu’il a signé depuis deux éditions les irrésistibles affiches du Festival Étonnants voyageurs) et qui exposait ici quelques unes de ces œuvres en couleurs et en noir et blanc. Bel accrochage aussi, en extérieur cette fois, des photos de Jean-Luc Bertini extraites d’un livre à paraître ( Amérique, des écrivains en majesté) et devant lesquelles il était possible de flâner autour des lieux de rencontre. Durant son odyssée à travers l’Amérique il a capté les grands noms de la littérature dans leur ville et l’accrochage mettait en regard l’auteur et un cliché de la ville où il vit. C’est le deuxième volet que ce photographe consacre à la côte Est et au Sud des États-Unis après une première série dans le Missouri et le Mississippi en 2016.
Voilà, la fête était belle mais c’est fini!
C’est l’heure pour moi de regagner mon « home sweet home » , riche de la variété de ces voix littéraires, de la force de leurs engagements et de la perspective de merveilleuses pages à lire. Voici donc ma valise idéale « retour de Festival America 2024« ! J’y ai mis 12 titres, choix plus que cornélien ! Des livres dont je vous ai déjà parlé sur Addict-Culture ou sur les RS, des livres lus pour préparer ma venue à America et enfin ceux que les auteurs, les libraires, les modérateurs et tous les passionnés passeurs de livres rencontrés sur ces quatre jours m’ont donné très envie de lire. Il n’y a que que du bon, piochez sans hésiter !!
America ce n’est malheureusement que tous les deux ans, donc RDV en septembre 2026!
Nathan Hill et son « Bien-être »chez Gallimard; Laird Hunt et son « Zorrie » chez Globe; Sébastien Dulude et son « Amiante » chez La Peuplade ; Joe Sacco et son « Guerre à Gaza » chez Futuropolis; Jordan Tannahill et son « Infrason » au Seuil; Dawnie Walton et son « Le dernier revival d’Opal & Nev » chez Zulma; Sandra Newman et son « Julia » chez Robert Laffont; Graig Tompson et son « Ginseng Roots » chez Casterman; Iain Levison et son « Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques » chez Liana levi; Birgit Weyhe et son « Rude girl » chez Cambourakis; David Joy et son « Les deux visages du monde » chez Sonatine et pour finir « Ce que je sais de toi » d’Éric Chacour chez Philippe Rey.