[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]orsqu’on évoque le nom de cet immense écrivain, on pense aussitôt à L’île au trésor (1883), un de ses romans les plus célèbres, ou à sa nouvelle L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886), pour ne citer qu’eux. Robert Louis Stevenson est sans doute un des plus grands auteurs écossais de son temps, sinon le plus grand : né le 13 novembre 1850 à Édimbourg et mort le 3 décembre 1894 à Vailima (Samoa), Robert Lewis Balfour Stevenson naît dans une famille bourgeoise presbytérienne. Son père, Thomas, est un constructeur de phare de réputation internationale. Sa mère, Margaret Balfour, lui lègue sa santé fragile et il passe l’essentiel de son enfance dans sa chambre.
Étudiant en sciences dans les années 1870, il n’a pourtant qu’une passion en tête : la littérature. Il mène une vie de bohème dans les bas-fonds d’Edimbourg, fréquentant artistes et écrivains, et abandonne ses études scientifiques au grand dam de son père pour se diriger vers le droit. Il publie ses premiers essais, accueillis favorablement par la critique, en 1873. Nommé avocat en 1875, il renonce presque aussitôt à exercer et, dès 1876, entame un premier voyage en canoë. Il rencontre en chemin Fanny Osbourne (mariée et mère de 2 enfants) dont il tombe amoureux et qui deviendra son épouse et le suivra toute sa vie durant.
Continuant à mener une vie de bohème entre l’Angleterre et la France, où il retrouve Fanny, il publie Un voyage intérieur, par les canaux et les rivières en 1878, année du départ de la jeune femme pour l’Amérique avec ses enfants. En septembre de la même année, il séjourne en Auvergne au Monastier-sur-Gazeille puis voyage à pied dans les Cévennes. C’est en mai 1879 que paraît le récit de ce voyage, Voyage avec un âne dans les Cévennes, qui deviendra un de ses textes les plus célèbres.
En août 1879, Stevenson embarque dans un bateau d’émigrants en partance pour la Californie à l’insu de ses parents, et traverse le continent américain en train. Sans argent, gravement malade et abandonné par sa famille et ses amis qui désavouent ce voyage, il attend le divorce de Fanny, qu’il épouse enfin le 19 mai 1880 avec l’accord de sa famille, très inquiète pour sa santé.
En juillet 1880, Robert et Fanny rentrent en Ecosse dans les Highlands. Les problèmes de santé de Stevenson s’accentuent et l’obligent à faire des cures à Davos, en Suisse. L’été suivant, de retour dans les Highlands, il rédige les 15 premiers chapitres de L’île au trésor. Il passe un second hiver au « mouroir » de Davos, où il finit la rédaction de L’île au Trésor. A l’automne 1882, il s’installe à la Campagne Delfi, dans la banlieue de Marseille. Sa santé ne cesse hélas de se détériorer. L’île au trésor paraît en mars 1883, suivie de Les Squatters de Silverado début 1884.
De retour en Angleterre, où il s’installe à Bournemouth, les années 1885 à 1887 le laissent épuisé par les hémorragies, fièvres et bronchites. Malgré ce, il écrit sans relâche essais et romans. En 1885 paraissent ainsi Jardin de poèmes pour un enfant (poèmes) et en 1886 Le cas étrange du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde et Kidnappé !
A la mort de son père en 1887, Stevenson emmène sa famille en Amérique, où un éditeur lui commande une série d’essais. La famille s’installe sur les rives du lac Saranac, dans les Adirondacks. Il rédige alors le début de Le Maître de Ballantrae, qui paraît en 1889. Après un retour à New-York, il embarque pour les mers du sud à bord du voilier Casco avec Fanny, Lloyd, sa mère et 6 hommes d’équipage. Ils font escale dans les îles Marquises, Tuamotu, à Tahiti, à Hawaï. Toujours entre deux voyages et deux romans, il achète un domaine dans l’archipel des Samoa. Au cours d’un voyage jusqu’à Sydney, Stevenson tombe malade et son état va tant se détériorer qu’il ne pourra bientôt plus quitter les mers du Sud.
Installé à Vailima, dans des conditions assez difficiles, il publie Dans les mers du Sud et s’engage en 1892 en faveur des Samoans face aux Allemands, Anglais et Américains présents. Il manque d’être banni de l’île. Fin juin 1893, la guerre qui couvait dans l’île éclate. Mataafa, le chef des rebelles, ami de Stevenson, est déporté dans les îles Marshall.
En août, Stevenson s’effondre, victime de violentes hémorragies. Désormais incapable de quitter Vailima, il continue d’écrire : Saint Ives, roman historique et Hermiston le juge pendeur paraissent en 1894. Emporté par une embolie cérébrale, il est enterré le lendemain au sommet du mont Vaea, face à la mer, comme il l’avait souhaité. Aux Samoas, sur sa tombe, une épitaphe émouvante le rappelle au souvenir des siens.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]i Stevenson est souvent considéré comme un auteur de romans d’aventures ou de récits fantastiques pour les adolescents, son œuvre a une tout autre dimension : il a d’ailleurs été salué par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs. Ses nouvelles et romans manifestent une profonde intelligence de la narration, de ses moyens et de ses effets. Il exploite tous les ressorts du récit comme la multiplication des narrateurs et des points de vue, et pratique en même temps une écriture très visuelle, propice aux scènes particulièrement frappantes.
Écrivain prolixe, capable de jongler entre tous les registres, de l’essai à la nouvelle, du roman à la poésie, de la correspondance au récit de voyage, il laisse une oeuvre remarquable et foisonnante. La popularité de ses récits n’a jamais baissé et nombreuses sont les adaptations qui en ont été faites et continuent à être réalisées, aussi bien sous forme de textes (éditions pour jeunes lecteurs, nouvelles traductions, bande-dessinées…), qu’au cinéma.
Essayiste reconnu, il ne s’imposa comme romancier que passé la trentaine. Brillant, paradoxal, moraliste dans l’âme mais irrévérencieux tout autant, le jeune Stevenson multiplie les essais, s’interroge sur le sens de la vie et l’urgence d’une morale. Et, au delà de ses problèmes de santé et de finances, se demande en réalité comment échapper aux carcans de la société victorienne et tracer sa propre voie. Il le fera en osant « l’expérience du Dehors », en choisissant la liberté malgré toutes les difficultés, en fuyant loin des siens et en sortant des chemins balisés « pour éprouver le monde. »
Il rêve d’une société nomade où l’homme serait sans attache, sans maison, « où chacun sait pouvoir, dès le lendemain, être ailleurs, et du même coup ose, se révèle à soi-même », et pense que la connaissance des autres peuples, la reconnaissance de leur existence et de leurs différences, est une extrême richesse et une absolue nécessité. Esprit avant-gardiste et rebelle, Robert Louis Stevenson est un auteur à (re-)découvrir tant pour ses qualités d’écrivain que pour sa personnalité : celle d’un homme passionné amoureux des mots, épris de liberté et soucieux de l’humanité.
« Je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour voyager; je voyage pour le plaisir du voyage; car l’essentiel est de bouger, d’éprouver d’un peu plus près les nécessités et les aléas de la vie, de quitter le nid douillet de la civilisation, de sentir sous ses pas le granit terrestre et, par endroits, le tranchant du silex. »
(extrait de Voyage dans les Cévennes avec un âne).