[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ffcc99″]L[/mks_dropcap]a réédition de À dos de dieu de Marcel Moreau est un événement qu’il faut saluer. Cet auteur très prolifique se faisait rare dans les librairies ces derniers temps. Il est pourtant l’auteur d’une œuvre dense et puissante, saluée par nombre de personnes allant de Noël Godin à Amélie Nothomb. L’écrivain belge pourra être ainsi (re)découvert et le lecteur y fera une expérience jubilatoire. Quidam éditeur a eu la bonne idée de faire ce travail qui inaugure la collection Les indociles.
Dans À dos de dieu, on découvre un monstre nommé Beffroi. Au-delà des monuments du nord de la France et de Belgique, Beffroi est le rapprochement du B de bête et d’effroi. Il est le héraut d’un tremblement libertaire et le texte le fait ressentir. C’est sa cavalcade que l’on suit à grands coups de « Ahon », cri qu’il pousse régulièrement. Cet être épouvantable ne cesse de dire aussi qu’il est « à dos de dieu », comme une preuve de plus de sa liberté.
Il évolue dans un pays jonché d’ordures et s’en réjouit d’ailleurs. Il est accompagné d’une femme, Laure, avec laquelle il s’accouple n’importe où et n’importe quand. Un mouvement social des éboueurs rejoint par les étudiants se transforme en folie sexuelle. L’auteur se met en scène dans son texte, profitant de cet espace libéré pour y participer.
Beffroi semble être l’égal de la langue utilisée pour nous raconter cette histoire. Elle est puissante, triture et malmène la phrase, restant libre de toute injonction académique. Marcel Moreau s’y dévoile amoral ou même immoral, attaquant la bonne conscience de l’époque corsetée du milieu du XXème. Et encore aujourd’hui, nous pourrions affirmer que ce livre est dangereux et à ne pas placer entre toute les mains, surtout celles qui pourraient y voir uniquement la provocation d’un homme lubrique. L’aventure de Beffroi et de Laure est bien plus que cela, c’est un geste littéraire appelant à délivrer la langue et à briser toutes lois liberticides.