Avec “Calico Review”, leur troisième album les Allah Las signent leur album le plus complexe. Leurs influences garage et psychédélique sont toujours bien présentes mais le groupe a cherché à s’en affranchir à travers plus d’expérimentations. Même si le groupe nous avoue ne pas en avoir la moindre idée, on sent que cet excellent album ouvre des pistes pour le futur des Allah Las. Nous avons eu la chance de rencontrer le groupe au complet au lendemain de leur concert à guichet fermé au Cabaret Sauvage à Paris. Sans doute pas encore remis de l’after show et n’aimant pas particulièrement parler de leur travail, nous avons dû batailler pour leur arracher des réponses de plus de dix secondes. Ils nous parlent de la création de « Calico Review », de leurs influences extra-musicales et de la difficulté d’être un groupe à l’heure où beaucoup écoutent de la musique sur Spotify.
La popularité du groupe est grandissante depuis votre premier album.
Ressentiez-vous une pression particulière avant de rentrer en studio ?
Miles Michaud : Moins que pour le deuxième album qui avait été réalisé un peu dans l’urgence. Nous avons pris notre temps pour celui-ci, surtout au niveau de l’écriture. Des démos ont été enregistrées pour la majorité des titres. On se sentait beaucoup plus à l’aise techniquement. Mais la pression était tout de même sous-jacente.
Pour avoir eu l’occasion d’assister à un concert récent du groupe, on ne peut que remarquer que “Calico Review” est un véritable album de studio plutôt qu’un album qui cherche à reproduire le son live du groupe.
Avez-vous beaucoup expérimenté ?
Matthew Correia : Tu as raison, on sentait plus que l’album précédent capturait le son live du groupe. Tout simplement parce que nous avions beaucoup joué les titres de “Worship The Sun” en concert avant d’entrer en studio. Pour “Calico Rewiew” ce n’était pas le cas.
Pedrum Siadatian : C’est aussi parce que nous avons utilisé beaucoup plus d’instruments que d’habitude. Nous avons voulu renouveler la formule guitare, basse, batterie et occasionnellement orgue. Notre son a évolué.
Votre méthode de travail a t-elle été différente pour ce troisième album ?
Étant devenus plus confiants et meilleurs musiciens, avez-vous laissé un espace pour de l’improvisation en studio, ou bien au contraire répétez-vous beaucoup avant d’enregistrer ?
Matthew : Non, à part expérimenter avec de nouveaux instruments, rien de nouveau.
Miles : Nous cherchons à expérimenter toujours un peu plus pour chaque album. Notre son évolue car nos méthodes d’écriture ne sont pas figées. Il faut s’adapter musicalement à nos nouvelles idées et apporter à chaque titre ce dont il a besoin.
Plus on avance dans votre discographie, et plus vos disques demandent de l’attention à l’auditeur.
Les détails se révèlent petit à petit. Ce qui est souvent signe d’albums de qualité qui se dévoilent sur la longueur.
En êtes-vous conscients ?
Miles : C’est ce que nous avons cherché à produire. Et tant mieux si tu le ressens comme ça, car notre objectif était de sortir un disque qui vieillisse bien. Si tu vis un disque comme une expérience et que tu arrives à le visualiser sur la longueur, c’est généralement un signe de qualité.
Tout en restant cohérent, “Calico Review” semble emprunter de nouvelles directions, il est même plus varié musicalement.
Le considérez-vous comme un album de transition qui vous ouvre les portes de nouvelles pistes à emprunter ?
Matthew : Je n’en ai aucune idée. Il n’y a en tout cas aucun message allant en ce sens. Nous n’avons pas vraiment de plan de carrière.
Spencer Dunham : Nous arriverons peut être à le savoir dans quelques mois, mais pour l’instant, c’est impossible de le deviner .
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″] « Pour moi, les meilleures chansons sont bourrées de contrastes. Quand tu écoutes les Beach Boys sans y prêter attention, tu as l’impression que c’est de la “feel good music”. Alors que les paroles sont d’une tristesse ! » Matthew Correia [/mks_pullquote]
Je trouve que l’approche du chant a changé sur “Calico review”. Il fait moins référencé.
Y avez-vous porté une attention toute particulière ?
Miles : Oui le chant sonne moins “garage”. Nous y portons toujours une grande importance, mais cette fois nous avons plus raisonné en termes d’esthétique. On s’est moins laissé influencer par la musique que nous écoutons à la maison.
Vous avez enregistré le disque au mythique “Valentine Studio”, qui a été fermé pendant trente ans avant de rouvrir en l’état. On n’y trouve aucun ordinateur. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce lieu où les Beach Boys ont enregistré et votre expérience personnelle dans ce lieu ?
Miles : (excité) Oui !
Matthew : (le coupant) Ce n’est qu’un studio comme les autres. Nous avons eu de la chance d’y jouer, mais il n’y a rien d’autre à ajouter. Nous n’avons pas cherché spécifiquement à y enregistrer.
Pedrum : (gêné) C’est un studio vraiment cool et nous avons eu de la chance de nous trouver au bon endroit au bon moment pour y être booké. L’équipement d’époque est d’une qualité incroyable.
En plus de la musique 60’s on vous associe sans cesse à votre ville, Los Angeles que certains ont tendance à considérer comme une ville où l’on peut vivre son rêve. Montrer la face cachée, plus sombre de votre ville avec “Calico Review” était-il pour vous un moyen de remettre les pendules à l’heure ?
Matthew : Nous avons toujours fonctionné comme ça. C’est ce qui donne son côté mélancolique à la musique des Allah Las. Pour moi, les meilleures chansons sont bourrées de contrastes. Quand tu écoutes les Beach Boys sans y prêter attention, tu as l’impression que c’est de la “feel good music”. Alors que les paroles sont d’une tristesse ! Nous utilisons des thèmes sous-jacents qui n’ont parfois rien de spécifique avec Los Angeles. Les artistes font la même chose à Londres ou à Paris sans forcément parler de leur ville. Les gens ont beau penser que nous parlons de LA, nous ne le voyons pas de cette façon.
Pedrum : C’est une chose de se sentir triste dans une ville comme Londres où il fait souvent gris, mais c’en est une autre dans une ville comme Los Angeles dans laquelle il fait toujours beau. Je trouve ça encore pire d’être déprimé dans une ville sans saisons.
J’ai tenté le coup avec ma question précédente, même si je sais que vous refusez souvent de donner des explications sur vos textes.
Est-ce parce qu’en tant que fans de musique vous voulez que chaque auditeur s’y retrouve d’une façon différente en gardant une part de mystère leur permettant de mieux s’approprier vos chansons ?
Matthew : Nous voulons que les gens interprètent nos textes en y apportant leurs propres explications. Je ne vois aucun intérêt à expliquer à quelqu’un ce qui se cache derrière nos textes.
Spencer : Nous avons imprimé les textes des paroles pour la première fois pour “Calico Review”. Si les gens s’y intéressent suffisamment, ils pourront deviner de quoi on parle.
Pedrum : Parfois il est difficile de disséquer tes paroles. Car certaines nous paraissent abstraites. Nous ne cherchons pas particulièrement à toujours apporter une signification.
Quelles références autres que musicales ont influencé les morceaux de “Calico Review” ?
Matthew : On absorbe tout ce qui nous entoure, mais ce sont surtout des films qui ont donné sa couleur à l’album. Principalement du Werner Herzog.
Miles : Mais aussi les voyages. Nous avons beaucoup tourné ses dernières années et ça a eu un impact énorme sur notre façon d’aborder la vie. Tu remets tout en perspectives. L’endroit d’où tu viens, ce que tu possèdes.
Justement, écrivez-vous beaucoup en tournée ?
Miles : Très peu. Juste des bribes d’idées que nous enregistrons sur notre téléphone ou notons sur un carnet. Mais le gros du travail se fait à la maison.
Certains d’entre vous travaillaient à Amoeba, le célèbre disquaire de LA. Les locaux ont été mis en vente il y a quelques temps et ce lieux culte est voué à disparaître. Étant passés de fans absolus de musique à musiciens reconnus, comment vivez-vous la disparition de plus en plus de disquaires et le fait qu’il est aujourd’hui difficile de vivre uniquement de la vente de disques ?
Spencer : Je suis attristé par le fait qu’écouter de la musique sur internet soit devenu la norme. La dynamique a changé. Spotify est devenu un magasin de disques en quelque sorte. Mais un magasin de disques qui méprise les artistes en ne leur reversant quasiment rien.
Pedrum : Il y a du bon car grâce à internet tout le monde a accès à ta musique. Mais d’un autre côté, il y a tellement de choix d’artistes disponibles que la valeur de la musique a baissé. La majorité des gens qui viennent te voir en concert ne possède même pas ton album.
Matthew : Comme David Crosby disait : “Si tu écoutes mon nouvel album 10 000 fois en ligne, je serais peut être en capacité de t’inviter à déjeuner” (rire).
Vous êtes un des groupes qui maîtrisent le mieux votre image. Matt et Miles, vous entretenez un lien fort avec la photo.
Matt a pris par exemple toute une série lors des Calico sessions au studio Valentine.
Quels photographes vous ont marqué le plus ?
Matthew : Il y en a tellement. Paul et John Witzig, deux frères australiens. L’un prends des photos et l’autre filme. Ils ont documenté la scène surf de là bas. J’aime aussi Charles Brittin qui a pris beaucoup de portraits en noir et blanc d’artistes de Los Angeles dans les années 50 et 60. Dennis Hopper est très doué dans le genre également. Mais mon livre de chevet est un ouvrage de Slim Aarons qui après avoir été photographe de guerre a décidé de ne plus prendre en photo que des gens menant la belle vie.
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