Forcément, quarante ans ça se fête ! Avant de dérouler l’édition 2023 d’Art Rock, c’est évidemment avec un brin de nostalgie que s’impose une pensée pour le co-initiateur du festival, Jean-Michel Boinet dont un vibrant hommage sera rendu au cours du week-end.
Démarrage en douceur mais non sans brillance avec la pop inspirée, chaloupée et le plus souvent planante des locaux de Skopitone Sisko. Nous sommes au Bistrot de la Poste pour le off du festival (Artbist’Rock) et elle est sans doute là, cette capacité de l’évènement à fédérer au gré d’une adjonction de sens, au cœur de la cité briochine, là où le festivalier peut jongler entre les disciplines, les genres et les places.
Bifurcation justement en direction de la grande scène pour le ressort redoutable d’Izïa. Le concert sous le soleil est très catchy et généreux. La « fille, sœur et nièce de… » déroule son rock et la foule déguste pleinement son énergie gorgée de sex appeal. Deux heures plus tard, les anglais d’Alt-J jouent avec les ombres, un chant pincé et les changements de rythme pour une folk électronique qui combine à merveille autant le redoutable premier album An Awesome Wave (plus de 10 ans déjà !) que des compositions plus récentes. C’est indubitablement soigné et efficace. Les natifs de Leeds ont fortement progressé sur les planches depuis la dernière fois que je les avais rencontré du côté d’Hérouville-Saint-Clair. Par contre, la déception de la soirée sera sans nul doute pour la prestation pourtant attendue de la légende vivante Jeff Mills. Son dj set n’accroche pas l’once d’un frémissement malgré la lourdeur répétitive des battements techno. Maigre consolation avec les remplaçantes de Lambrini Girls. Je suis à présent au forum, habituel spot bien achalandé des noctambules. La délivrance est très girl power, très bouillonnante mais surtout très (trop ?) courte.
Ma deuxième journée débutera au musée de Saint-Brieuc afin de profiter des trois installations pour le moins magnétiques et intrigantes de l’exposition Megadeath montée par l’artiste Guillaume Marmin. Dans la foulée, je retrouve les premiers rangs de la scène B. S’y trouve le collectif Astéréotypie devant quelques curieux mais aussi des fans déjà conquis d’avance. Là, je prends une véritable claque ! La prestation est intense, sans filtre, aussi énervée qu’émouvante. Les quatre chanteurs autistes répondent d’un projet (initié par un Institut Médico Educatif) où la musique d’obédience post-punk les propulse sur le devant du podium pour une expérience à part, chacun avec sa singularité et sa propre sincérité. J’avoue avoir été chamboulé autant par la colère scandée dans un slam libérateur que par la poésie qui ressort des larmes et des sourires qui en disent long, méritant grandement les applaudissements nourris de la foule.
Difficile d’en sortir totalement indemne et pourtant j’enchaine avec le hip-hop de lover plutôt convainquant de l’expérimenté Disiz. Autre ambiance avec le rock de Cancre illuminé de rouge et noir. Le trio venu de Morlaix n’échappera pas aux comparatifs mais ceux-ci ne risquent pas d’être les derniers de la classe. Après un coup d’œil rapide au show pensé par le visionnaire chorégraphe Philippe Decouflé, je prolonge le plaisir grâce à la très chouette performance de Porridge Radio. Le quatuor de Brighton est ultra percutant grâce au son aiguisé d’un indie-rock qui gravit les étages de crescendo incisifs en crescendo variés, trimballant une pop habile où le charisme de Dana Margolin est capable de vous happer d’un coup sec dans la poitrine.
Troisième et dernier jour de festivité. Les jambes commencent à être lourdes mais le baromètre est toujours au beau fixe. Après un rapide coup d’œil vers Imany (belle voix chargée de grain et reprises de standards finement interprétés en compagnie de huit violoncellistes) je me presse pour la délivrance d’Editors. L’entame est musclée et si j’ai pu ergoter vis-à-vis d’un dernier album un poil trop « pompier », la combinaison avec les vieilleries ne gâche pas la machine qui s’enflamme grâce à la présence lyriquement irréprochable de Tom Smith. Notons au passage une excellente réinterprétation du Killer de Seal avant l’emballement final : Munich et ses riffs secs qui nous rappelle au bon souvenir de l’année 2005 puis Ocean Of Night dont les notes de clavier doivent encore hanter la place Poulain Corbion avant l’irrésistible Papillon venu se poser sous une pluie de claquements de mains.
Pour la suite, j’avais misé en faveur d’une certaine curiosité à l’égard de Zaho de Sagazan. Il faut dire que le buzz autour de l’interprète avait eu pour effet de me demander ce que sa symphonie des éclairs avait véritablement dans le ventre. Globalement. Reconnaissons que ses textes intimes alliés aux nappes technoïdes de ses deux acolytes ne manquent pas de sel et l’intéressée (plutôt bavarde) m’a semblé pour le moins sympathique. Sur les recommandations de cette dernière, je file dans un canapé confortable du forum afin de rêvasser avec l’électro hypnotique de Koudlam.
Parfait moyen de recharger les batteries car la suite s’annonce épique. La réputation du quatuor français The Psychotic Monks n’est ô combien pas usurpée. Entre expériences décadences et furies animales, l’instant est à couper le souffle. Assez vite je suis pris comme le reste de la fosse dans le tourbillon d’une essoreuse. Un moment charnel et fortement intense qui achève une édition 2023 d’Art Rock où le public venu en nombre aura pu piocher allégrement selon ses affections et envies. Vous connaissez à présent les miennes. Vivement le 41ème anniversaire !
Petit aperçu de l’ambiance de cette 40ème édition à travers un diaporama des photos de Titouan Massé :
Tout nos remerciements à Titouan Massé pour son aimable autorisation.
site officiel Titouan Massé Photography