[dropcap]L[/dropcap]e 11 novembre 2014, votre webzine préféré publiait, non sans une certaine émotion de votre serviteur, l’un de mes premiers articles. J’avais été recruté pour une série de chroniques islandaises, pensant une fois la tache exécutée que j’allais tranquillement reprendre mes habitudes solitaires loin de la frénésie du microcosme artistique indépendant. C’était sans compter le désir manifeste d’intégrer une équipe dont le credo était (et reste encore) de vous faire part de ses coups de cœurs. Il faut dire qu’une longue escapade sur l’île m’avait profondément marqué.
J’avais rapporté dans mes bagages la sensation Ásgeir, captivé par ce grain de voix si singulier, certes nappé de miel mais explorant surtout toutes les parcelles des finesses boréales. Il faut dire qu’après une première œuvre Dýrð í dauðaþögn déclinée en anglais pour les besoins de l’exportation, le jeune espoir de la scène nordique n’était nullement passé inaperçu. A la fois contemporain dans les rouages et infiniment classique dans l’esprit, In The Silence était une parfaite carte de visite gonflée de belles perspectives.
Or, la suite ne fut pas forcément à la hauteur des attentes escomptées. Afterglow frisait la déroute. La magie s’était éclipsée au profit d’expérimentations parfois douteuses et affublées de titres manquant cruellement de spontanéité. Les tics modernistes n’emballaient pas l’affaire. J’étais décontenancé, au point de plus espérer un retour à la simplicité et l’attachement de son auteur. Je percevais le désarroi d’une absence de surprise à l’écoute d’un timbre si particulier, rêvant même d’une crise d’amnésie histoire de savourer mon étonnement à l’écoute de cet incroyable don du ciel.
Avec Bury The Moon, Ásgeir vient remettre l’église au centre du village : un nouvel album qui signe son retour en direction d’un naturel galopant, totalement inséré dans les larges couloirs de cette pop fourre-tout et convenue mais ici, brillamment stylisée. Une production millésimée 2020 qui ne souffre que d’infimes errances (je note sur la liste des doléances la légère faute de goût découlant des effets tordus d’Until Daybreak).
Question fidélité, nous retrouvons aux crédits du disque les écrits du poète Einar Georg Einarsson, père de l’intéressé et véritable passeur de sensations et bons mots. Pour la traduction de ceux-ci, c’est à nouveau l’indispensable John Grant qui fait figure de soutien sans faille. Notons au passage la philosophie du titre Youth, authentique révélateur d’une réminiscence d’enfance insouciante, le tout mis en exergue grâce à la limpidité d’une écriture sur laquelle se pose un air quasi translucide. Bref, une efficacité regagnée à la force brute d’un talent mêlant les accointances aussi bien folk qu’électro, sans renier toute une cargaison d’autres inspirations avenantes.
Précédemment à cette mise en bouche promotionnelle, le fil conducteur nous ramène à l’équilibre parfait des premiers frémissements de Pictures, composition combinant (sans jurer) les coups de basses, les cuivres en sourdine pour un contraste avec une mélodie qui coule de source. Avec Evertide c’est une tendresse qui s’empare de l’espace-temps, telle l’intuition passée d’une étreinte avec une réconfortante peluche. Il y a ici ce piano laissant songer à la contemplation d’une peinture naïve. Dans un autre registre, Lazy Giants déploie son rythme quelque peu soutenu, un flow au diapason et, en bout de piste, un refrain foncièrement entraînant.
En guise de subjectivité, j’admets ressentir un gros faible pour Overlay dont la poussée sans doute trop courte est compensée par une voix de tête angélique, outre un ruissellement majestueux qui file vers l’exquise osmose de claquements tranchant quelques souffles enivrants.
Ásgeir n’efface pas du tableau son penchant pour les pulsions dansantes. Pour autant, celles-ci se fondent au raffinement d’envolées pouvant s’avérer bouleversantes (Rattled Snow). De même, l’auditeur pourra dénicher des aspirations blues (Turn Gold To Sand) ou empruntes de légères amertumes (Living Water).
Finalement, entre la réapparition de flux organiques et le maintien d’effusions bien ancrées dans leur époque, Bury The Moon ne vient pas déboussoler la ligne de conduite de l’Islandais. La nouvelle livraison remet juste à sa place l’aiguille orientée sur le cap de ballades aussi efficaces que vivifiantes.
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Bury The Moon – Ásgeir
Sortie le 7 février 2020 – One Little Indian Records
Ásgeir sera en concert
le 14 février à Bruxelles (Le Botanique),
le 15 février à Genève dans le cadre du festival Antigel
et le 17 février à Paris (Le Trianon).
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Image à la une : Ásgeir / DR