[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#90D9E6″]C[/mks_dropcap]édric Villani, Nobel 2010 des mathématiciens, et Edmond Baudoin, maître dessinateur d’une cinquantaine d’ouvrages, nous convient à une rêverie : « Ballade d’un bébé robot » (Gallimard). La BD prend place dans un univers lointain où se croisent la cryptographie quantique, Betty Boop et la chanteuse Mama Béa ! Exigeant et déroutant mais intéressant.
Un ouvrage de science-fiction qui parle de chanson, voilà qui n’est pas commun. Mais une BD qui, en plus de tout ça, interroge l’essence de l’humanité et cite les recherches de Carl Friedrich Gauss, mathématicien, astronome et physicien allemand, c’est encore plus rare ! De quoi nous perdre ? Non ! Fruit d’un travail de deux années et portée par d’astucieux coups de pinceau en noir et blanc, cette « Ballade pour un bébé robot » se révèle suffisamment bien construite pour nous happer sur les traces d’un monde « parfait » mais en proie au doute.
Dans une société autoritaire régie par le Système, « une intelligence artificielle fédérative, faite des esprits de robots sélectionnés parmi une caste de questeurs », deux androïdes prénommés North 2 et Quang 1 sont missionnés pour traquer des rebelles qui menacent un processus électoral. Ils mènent donc une enquête complexe à partir d’un seul indice : la photographie en noir et blanc d’une chanteuse de l’ère « pré-digitale », connue pour son style et sa voix rebelle tourmentée, « Mama Béa Tekielski ».
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Pour la petite histoire, dixit Wikipédia, Mama Béa « aura marqué le rock français de la fin des années 1970 avec sa voix, profonde, rauque et fluide à la fois, et ses textes rebelles et déchirants »… La BD mêle en effet fiction et réalité, mêlant des portraits de vrais scientifiques au destin de North 2 et Quang 1, croisant l’héritage culturel et historique de notre ère avec la description d’une société futuriste, opposant les ondulations d’un monde passé à la logique d’une ligne droite imposée aux robots.
Il n’en demeure pas moins que le perfectionnement a ses limites et c’est bien ce qui va perturber nos deux enquêteurs, progressivement confrontés à leurs propres doutes et devant choisir leur camp au péril de leur vie.
La clef de résolution de l’énigme étant fondée sur une erreur humaine de calcul, Baudoin et Villani plaident ni plus ni moins pour une société moins verrouillée où la poésie, où l’émotion et où la part de malchance seraient garantes d’une plus grande humanité.
Si la BD ne se laisse pas décrypter facilement, exigeant un peu de concentration pour entrer dans l’univers proposé et se familiariser avec le langage « mathématico-philosophique », elle offre néanmoins une expérience de lecture originale et intéressante.