[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#404085″]B[/mks_dropcap]ertrand Schefer revient avec Série Noire édité par P.O.L.
Bien plus qu’un récit sur les années 60, le cinéma et le premier rapt français, le livre est une pièce à double face : l’une étant le réel et l’autre la fiction. L’écrivain se base uniquement sur les faits, mais leurs puissances fictives semblent être le moteur d’une réflexion sur la narration, une méta-narration à deux tranchants.
Les faits se déroulent dans la France de 1960, époque que Bertrand Schefer n’a pas connue. Ainsi, il se dédouble en un Modiano restituant une période inconnue et utilisant une onomastique chère au prix Nobel 2014. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, nous ne sommes pas dans une copie d’un livre de Patrick Modiano.
Le livre démarre par la projection de L’Avventura d’Antonioni au festival de Cannes de 1960 pour arriver aux faits divers : le rapt du fils de Roland Peugeot riche patron de la firme. Cette affaire ébranla la France de cette époque et semble pourtant oubliée aujourd’hui. Bertrand Schefer raconte ce qui arriva avant. Puis en deuxième partie, il sonde ce qui transcende cet événement.
Ce qui inspira les kidnappeurs Pierre-Marie Larcher et Robert Rolland pour leur fait délictueux n’est pas réel. À l’origine, il y a un livre de la série noire Rapt de Lionel White. Pour une fois, c’est un livre qui inspire le fait divers dit la quatrième de couverture du livre de Bertrand Schefer. Mais Lionel White est aussi l’inspirateur de Jean-Luc Godard. Tout se recoupe finalement dans cet échange entre la fiction et le réel. L’écrivain met en avant cette dualité et l’utilise également dans sa narration.
Ingénieux, le livre n’est vraiment plus une copie de Modiano ou un simple bond dans le passé. Bertrand Schefer y manie l’art délicat du labyrinthe narratif. Il revient en mémoire, pour ceux qui l’ont vu, le film d’Antonioni auquel le livre semble lié bien plus que par son évocation.