[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]ouvenez-vous, il y a deux ans nous avions laissé Big Brave, trio Canadien pratiquant le doom atmosphérique bien pesant, dans l’Au De La.
Cette année, le trio fait son retour en nous présentant ses ardeurs. Bon, on se calme. Ne croyez pas que Big Brave arrive dépenaillé, la chemise ouverte sur un torse velu musclé, façon BHL bestial, le pantalon en skaï moulant mettant en valeur certains attributs. Nope, c’est pas le style de la maison.
Les Canadiens reviennent mais toujours avec le même concept, creusant inlassablement le même sillon tout en élaguant le plus possible (pour preuve, Ardor ne contient plus que trois morceaux contre cinq pour Au De La).
Bien sûr, ce ne sont pas non plus les grandes chaleurs chez Big Brave, tout au plus peut-on observer sur Sound une coulée de lave en fusion plus proche d’un Bardo Pond que d’un Sunn O))), mais le principal intérêt d’Ardor est ailleurs, et notamment de voir les Canadiens sculpter des paysages sonores à la fois inédits et communs.
Communs dans le sens où Sunn O))), Earth ou encore Sleep ont déjà foulé ces terres-là avec plus de conviction, inventant au passage une nouvelle forme de langage ; inédits parce que Big Brave ressemble à ce que pourrait donner Sunn O))) s’il était infecté par le virus Constellation.
Un disque dont les velléités métalliques seraient mises de côté au profit d’une mélancolie exprimée au travers des instruments à vent ou des chœurs masculins hantant ces compositions.
Un disque au bord du doom, tendant vers le drone (le bourdonnant Borer), où la tension ne serait pas exclue, mais souvent rattrapée par les silences ou les violons et autres violoncelles. Et où, dans tout ce fatras, la voix de Robin Wattie, toujours aussi proche de Kazu des Blonde Redhead, sert de repère, apporte une humanité, une force, un semblant de vie dans un paysage la plupart du temps dévasté.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ependant n’allez pas croire qu’Ardor est un disque ardu, difficile d’accès. Non. Enfin, si. Mais non. Enfin si, mais moins que le précédent, serais-je tenté de vous dire.
Ici, la force de Big Brave, réside dans cette façon de mélanger le post-rock de Constellation à son drone, le rendant par la même occasion plus abordable.
Le groupe, en utilisant à chaque fois le savoir-faire de leur producteur (chacun issu du label Canadien : Efrim Menuck pour le précédent disque, Radwan Ghazi Moumneh de Jerusalem In My Heart pour celui-ci), compose une musique vénéneuse, séduisante à l’usure.
Sauf que sur Ardor, l’application de la formule propre à Godspeed You ! (introduction/montée/accalmie/montée/bouquet final) en plus d’être vénéneuse, en devient par moment fascinante.
C’est dans cette confrontation entre l’essence du groupe (le drone, le doom, cette pesanteur, le sur-place plombé de Southern Lord) et le post-rock de Constellation (les montagnes russes propres à ce label) que se créent les tensions les plus fortes (Lull) ou les atmosphères les plus oppressantes (le final de Borer), dans ces accalmies que les fêlures se font plus émouvantes (la césure à 7 mns de Lull, comme échappée d’un disque de Labradford), ou que les silences deviennent assourdissants (le drone bourdonnant de Borer).
Bref, si Ardor paraît moins impressionnant au premier abord que Au De La, moins tendu, il n’en reste pas moins une très belle réussite, car s’appréciant sur la longueur, dévoilant ses failles, sa force au fil des différentes écoutes, et s’avérant être bien plus passionnant au final que son prédécesseur.
Ne vous y trompez pas, ne restez pas sur une première impression mitigée, laissez décanter et vous verrez, la persévérance peut s’avérer payante.
Sortie le 15 septembre dernier en CD/vinyle/numérique chez Southern Lord et chez tous les disquaires Constellationnaires de France et de Navarre.