[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]epuis la séparation en 2014, après deux albums remarqués, de la pourtant prometteuse formation rémoise The Bewitched Hands, le guitariste-chanteur Anthonin Ternant a déployé toute la palette de ses ambitions artistiques sous la forme de trois projets en (plus ou moins) solo : le spectacle musical The Wolf Under The Moon, fantaisie médiévale colorée, le plus intimisme Angel, entre folk rêveur et introspection émouvante, et enfin Black Bones, formation atypique qui tient autant du véritable groupe de rock que de l’équipe de baseball fantasmée, avec ses costumes de zombies coincés dans une faille spatio-temporelle, quelque part entre le psychédélisme acide des années 70 et l’éclectisme débridé des années 90.
C’est sous cette dernière identité que le rémois a livré en octobre dernier avec Kili Kili un album à la fois outrageusement festif et subtilement addictif, sur lequel il a délibérément laissé libre court à son imagination débordante : entre pop rock fantasque et dansante, électro déjantée mais accrocheuse et humeur mordante et potache, ce disque témoignait d’une nécessité pressante de déchirer le voile de la grisaille contemporaine, sous couvert de second degré faussement désuet et d’humour noir réellement grinçant.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n dix titres posés comme autant de jalons dessinant un fascinant jeu de piste, slalomant entre influences évidentes et réinventions inattendues, l’album s’avère être un détonnant cocktail euphorisant et élégiaque, qu’il fasse la part belle aux grooves insistants du single Deathco et du redoutable hymne I’m Gay, troué par une guitare acérée, ou qu’il délivre des morceaux plus puissants encore comme Black Bones, saisissante ouverture d’outre-tombe idéale pour planter le décor, ou le final Kili Kili, à la scansion obsédante et hypnotique.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]u’ils partent en délicieuse sucette rockabilly (comme sur le bondissant I’m Just Waiting For My Love) ou en disco-rock crâneur (sur le sautillant I Like To Do It), s’offrent une excursion caribéenne (sur le chaloupé You’re The Tomb) ou même une ballade à la légèreté trompeuse (avec Desert Eye, au refrain taillé pour allumer les briquets dans les stades), Anthonin Ternant et sa bande ne se départissent jamais d’un sens aigu de la mélodie qui fait mouche et du gimmick qui reste incrusté dans le crâne sans aucune autre forme de procès.
Une salutaire folie douce qui, plus encore que sur disque, prend tout son sens sur scène, dans le cadre de prestations à chaque fois plus démentes et explosives, au fur et à mesure que les Black Bones prennent de la bouteille et maîtrisent leur répertoire certes protéiforme mais tout entier tourné vers une générosité communicative et une énergie ravageuse.
Entre cercle ouvert d’allumés (pas assez) notoires et drolatique secte libertaire pré-apocalyptique, ce quintet livre en tout cas l’une des musiques les plus enthousiasmantes du moment : à chaque fois qu’ils semblent avoir vidé leur sac, un nouveau tour en sort, tel un diable de sa boîte (de nuit).
Black Bones – Kili Kili
disponible en CD, vinyle et digital depuis le 13 octobre 2017 via le Bandcamp officiel du groupe (label The Wolf Under The Moon / distribution Believe).
Black Bones seront en concert le vendredi 15 décembre 2017 à Paris (Petit Bain), avec The Frank & Walters.