Bohane, ville irlandaise en 2053, n’est que violence, quartiers dominés par les gangs.
Quand le roman démarre, une trêve dure depuis quelque temps déjà. Si les bagarres sont toujours là, ainsi que les affaires et la corruption, une certaine paix règne. Paix menacée soudainement car un homme est tué. Son clan réclame réparation et selon les traditions de la ville, lance une attaque qui est alors relevée.
Logan Hartnett patron du plus gros clan de la ville se retrouve alors cerné de toute part. Une guerre sur les bras et surtout le retour de son grand rival qui revient en ville après trente ans d’absence et menace à la fois la ville et surtout son couple.
Kevin Barry, pour ce premier roman, après deux recueils de nouvelles, se lance dans l’histoire d’une ville animée par la violence, les petites frappes, les hommes de mains et ceux de confiance. Tous sont étouffés par cette ville qu’ils refusent pourtant de quitter. Notamment la mère de Logan, 90 ans et toujours vaillante, toujours à donner des conseils à son fils et à mener plus ou moins des conseils de guerre en sa compagnie.
Il y a aussi Macu, la femme de Logan depuis tant d’années, Wolfie et Fucker les hommes de mains, ceux du sale boulot et Jeni Ching, femme de pouvoir également, qui convoite le poste suprême et manipule les hommes grâce à ses charmes. Tout ce petit monde se débat dans une urbanité sale, jouant avec ses codes et ses souvenirs, laissant souvent la brume du fleuve Bohane prendre le dessus sur les humeurs.
Sorte de roman policier ou de thriller un peu bâtard mais aussi et surtout formidables histoires d’amour entre un homme et sa femme, ce même homme et sa mère, un ancien amant qui rêve toujours trente années plus tard de la même femme, entre un tueur à sang froid de pas encore vingt ans, obsédé par une femme de son gang pour qui il est prêt à la trahison.
Et il y a donc ce Logan, homme jaloux, plus ou moins perdu dans sa ville et dans sa vie, ne sachant plus vraiment ce qu’il veut, jouant sur un coup de dé le tout pour le tout. Homme pivot du roman par lequel tout passe et trépasse souvent. Homme fini qui se refuse à abandonner. Homme qui souffre du début à la fin et qui regrette chacune de ses violences, chacune de ses décisions.
Kevin Barry a su tresser dans ce roman une galerie de personnages étonnants, à la fois forts et fragiles. Un auteur à suivre attentivement dans les années futures.
Bohane, sombre cité, de Kevin Barry, traduit de l’anglais par Pierre Girard, Martin Tatum ; Editions Actes Sud.