[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]orti depuis quelques mois maintenant, j’ai mis le temps pour poser quelques mots sur Don’t Get Lost, le nouvel album de Brian Jonestown Massacre. Pour toute excuse, j’argumenterai que ce seizième LP de la bande à Anton Newcombe est un sacré foutoir, dans lequel il est bon de se perdre, quitte à y laisser quelques neurones.
A l’instar de Primal Scream et Flaming Lips au hasard, Brian Jonestown Massacre perpétue, entre folie et tradition, la longue histoire du rock’n’roll depuis maintenant plus de 20 ans, sex & drugs & rock’n’roll, sûr de son génie, sans frontières ni limites.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l faut en effet être un peu zinzin pour sortir aujourd’hui un album de 72 minutes, convoquer le Dee-Lite de Groove Is In The Heart et Throbbing Gristle en l’espace de 2 morceaux et inviter la terre entière à cette nouvelle partouze psychédélique. Le plus dingue de cette histoire c’est que cela marche parfaitement et que notre boulimique Anton Newcombe nous offre son meilleur album depuis des lustres.
Enregistré dans son propre studio (Cobra Studio) entre mars et octobre 2016, Don’t Get Lost voit Anton, seul maître à bord, poursuivre son œuvre avec quelques vieux fidèles (Ricky Maimy ou Daniel Allaire), de plus récents dont l’omniprésente et ensorcelante Tess Parks et quelques prestigieux invités comme Tim Burgess des Charlatans, qu’on est heureux de retrouver aussi en forme sur l’excellent Fact 67, Emil Nikolaisen de Serena Maneesh ou bien encore Pete Fraser des Pogues.
A l’approche de la cinquantaine, Anton Newcombe n’a jamais semblé si actif, empilant disque sur disque, quelques projets parallèles et tournées permanentes en sus, depuis 2014 et la sortie de l’excellent Revelation, Third World Pyramid, son précédent album sortant à peine les enregistrements de Don’t Get Lost terminés.
Le groupe retrouve la frénésie de ces débuts où en l’espace de quelques mois, il était capable de nous sortir quelques-uns des meilleurs disques de l’époque, de Take It From The Man! à Give It Back! en passant par Thank God For Mental Illness, le bien nommé, tant Anton laissa quelques compagnons sur le bord de la route, rincés, lessivés et lui-même dans un sale état. Le début des années 2000 fut la décennie de la reconstruction, de la survie, albums plus épars, moyens limités, avant de repartir de plus belle jusqu’à l’apothéose actuelle d’un musicien revenu de tout et de rien.
Quand on compose comme on respire, les Beatles, les Stones et le Velvet pour modèles, on risque le trop-plein et une œuvre dense à la limite de l’overdose. Brian Jonestown Massacre a ainsi toujours raté le succès que son talent aurait dû lui autoriser, comme le cultissime DIG ! nous l’avait prouvé il y a quelques années face aux pâles Dandy Warhols, pourtant bien plus célèbres à l’époque.
On ne nomme pas son groupe du plus maudit des musiciens du plus gros groupe de tous les temps par hasard, Anton Newcombe privilégie son art avant tout et grand fan lui-même se permet de balayer tous les styles, rock psychédélique, krautrock en tête, quitte à changer de partenaire comme de chemise. Sur Don’t Get Lost, il tente même de nous faire revivre les années baggy, comme si l’acide avait continué à couler à flots dans les boîtes de Manchester, l’exceptionnel Acid 2 Me Is No Worse Than War, en fier étendard.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C'[/mks_dropcap]est du BJM pur jus qui nous attend dès l’ouverture de Let’s Get Lost, avec le démoniaque Open Minds Now Close, longue piste psychédélique de plus de 8 minutes, dans les traces de Spacemen 3, les synthés et les voix distordus, la rythmique hypnotique. La boucle psychée sera définitivement achevée sur le dernier morceau Ich Bin Klang, pièce aussi charmante que venimeuse, sorte de comptine sous ecstasy, le tout chanté dans la langue de Goethe. Dans la même veine, la voix diabolique de Tess Parks sur l’hallucinant Throbbing Gristle risque de provoquer quelques dégâts chez les plus émotifs de ses fans.
Entre-temps, Brian Jonestown Massacre ose tout, sans jamais se prendre les pieds dans le tapis, moque gentiment les nombreux suiveurs moins talentueux (Melodys Actual Echo Chamber, hum hum…) et réussit un album parfaitement cohérent, justifiant au fil des écoutes un titre qu’on aurait pu croire de prime abord complètement ironique.
L’électronique a la part belle tout le long de ces 14 morceaux, même si Resist Much Obey Little ou Nothing New To Trash Like You envoient du bois en bottant au passage les fesses de The Black Angels. Ailleurs, le rythme se ralentit, l’ambiance se fait moite et chaude sur le reptilien Groove Is In The Heart, titille le jazz, par l’entremise du saxophone de Pete Fraser sur Geldenes Herz Menz et semble nous offrir la BO de quelque film expérimental sur les étranges et fascinants One Slow Breath et Charmed I’m Sure.
C’est un plaisir de retrouver Brian Jonestown Massacre à un tel niveau. Même si ses disques précédents étaient déjà plutôt très bien foutus, là, le groupe se transcende et nous sert un disque sexy et mélancolique, inventif et addictif, un des tout meilleurs de l’année, tout simplement.
Don’t Get Lost est disponible depuis le 24 février chez A Records