Quatre ans que nous attendons le retour de John Burnside. Quatre ans depuis le magnifique L’Été des Noyés qui prenait place en Norvège. Avec Le Bruit du Dégel, l’auteur exporte son histoire sur un nouveau continent. Nous sommes aux États-Unis cette fois et deux personnages principaux nous occupent, deux femmes : Kate jeune étudiante et Jean, vieille femme à la retraite.
Quels liens vont les unir ? C’est tout le sel et l’intérêt de ce roman. Car, si elles se rencontrent par hasard, Jean prend tout de suite Kate en affection (elle lui révélera à la fin pourquoi) et lui propose un étrange pari : lui raconter son histoire, ses histoires, sa vie, à condition que Kate cesse de boire.
Il faut préciser que la rencontre a lieu à un moment particulier pour Kate. Son père, décédé il y a quelques mois, lui a caché sa maladie, et sa relation avec son petit ami bat de l’aile. Sans trop savoir pourquoi, Kate accepte ce marché et le déclic a lieu. Fini la boisson.
À partir de là, John Burnside nous propose une alternance de moments de la vie de Jean, de celle de Kate, de leur passé et aussi du présent et de leurs aspirations.
C’est d’abord une épopée américaine à travers les mots de Jean et notamment l’histoire de sa nièce, les droits civiques, le Vietnam. On pense évidemment à Une Pastorale Américaine de Philip Roth, ou encore à Le Temps où Nous Chantions de Richard Powers. Le parallèle est frappant.
Mais Burnside ne s’arrête pas à l’Histoire. Il conte aussi une magnifique liaison amoureuse entre Jean et son amie, amour qui se terminera mal dans l’Amérique des années 60/70. Il décrit également la vie amoureuse de Kate. Les différences font d’ailleurs que cette dernière se pose beaucoup de questions.
Burnside aborde les secrets de famille, l’alcoolisme, de belles pages sur le cinéma et son influence dans notre vie. Et surtout le deuil, celui d’un père, d’un frère, d’un pays, d’une famille.
Le Bruit du Dégel est aussi un livre sur les histoires qu’on se raconte et pourquoi. Une œuvre sur le pouvoir des histoires et pour cela, John Burnside est un maître.
– Vous savez pourquoi je vous ai raconté toutes ces histoires ? demanda-t-elle.
J’acquiesçai.
– C’était une ruse. Vous vous êtes dit que c’était un moyen de m’empêcher de boire, dis-je.
– C’est vrai. Mais il n’y avait pas que ça. – Elle retira sa main et se redressa. – Je vous ai raconté toutes ces histoires et vous m’avez écouté. Vous n’avez rien mis en doute, alors que vous n’aviez aucun moyen de savoir si je n’étais pas tout bêtement en train de vous embobiner avec un tas de salades tout droit sorties de mon imagination.