Il a beau avoir gardé sa bouille de gamin, tel un Harry Potter née dans une banlieue américaine, Will Toledo, le petit génie derrière Car Seat Headrest a dorénavant largement passé la trentaine et voit les choses en grand en se lançant dans le projet un brin casse-gueule de l’opéra rock, avec l’ébouriffant The Scholars.
En 9 chansons et 70 minutes, Car Seat Headrest nous narre les aventures de quelques personnages fictifs dans une université imaginaire à partir de personnages créés par la dessinatrice Cate Wurtz, puisant ses influences du côté du Tommy des Who ou The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de Bowie, rien que ça….
C’est déjà le 13ème album de Car Seat Headrest, qu’on a d’abord découvert en diablotin boulimique sur une série d’albums sortis en rafale au début des années 10, jusqu’à atteindre des sommets avec Teens Of Denial paru en 2016 et sa nouvelle version du fantastique Twin Fantasy sorti deux ans plus tard. A l’origine projet solo de Will Toledo, originaire de Leesburg et aujourd’hui installé à Seattle, Car Seat Headrest s’est transformé en véritable groupe avec l’intégration permanente du guitariste Ethan Ives, du batteur Andrew Katz et du bassiste Seth Dalby.
Leur précédent album, Making A Door Less Open, marquant un virage électronique et expérimental, date de 2020, The Scholars marque donc un retour d’un groupe habitué à mener un train d’enfer mais qui s’est heurté à quelques situations personnelles compliquées, à commencer par le COVID. Cette période d’abstinence semble avoir boosté l’imagination et l’ambition de Toledo, par ailleurs producteur du disque pour s’embarquer sur une œuvre gargantuesque comme celle-là.
Car Seat Headrest place de suite la barre très haut avec le foisonnant CCF (I’m Gonna Stay With Home), première pièce maitresse d’un album qui n’en manquera pas, production énorme, grosses guitares, il est loin le temps où Toledo composait ses petites chansons lo-fi sur le siège arrière de sa voiture. Devereaux vient confirmer cette première impression avec puissance, voilà du rock classique à la limite du progressif.
Même le plus dépouillé et acoustique Lady Gay Approximately ne peut s’empêcher quelques envolées lyriques et passionnées, Car Seat Headrest étire chaque morceau à sa limite, les yeux remplis d’étoiles, prêt à bouffer la terre entière, comme sur le très spingsteenien Catastrophe (Good Luck With That, Man).
Equals est ce qui se rapproche le plus du Car Seat Headrest des débuts, avant que le quatuor lâche définitivement les chevaux, avec une triplette infernale, le génial Gethsemane, Reality et l’immense Planet Desperation, dont les longueurs respectives (entre 10 et 19 minutes) donnent l’impression de découvrir un nouvel album. C’est ici que le terme Opéra Rock prend toute sa dimension, The Scholars part dans toutes les productions, le chant de Toledo s’affirme encore plus et s’affranchit de toutes limites à l’instar de ses compères tout aussi aventureux.
Un tel foisonnement donne parfois le vertige, les rares moments de pause suffisent à peine à reprendre notre souffle jusqu’aux dernières secondes de Planet Desperation, sur lequel Ethan Yves semble prendre le lead avant le retour du patron, pour un jouissif grand n’importe quoi, entre solos de guitare hard rock et percussions aborigènes, pianos délicats et synthés déchainés.
Une dernière salve avec le sautillant True-False Lover est nous voilà au bout de The Scholars, dont l’ambition démesurée en laissera plus d’un pantois mais qui confirme que Car Seat Headrest a le talent nécessaire pour s’embarquer dans une telle odyssée.

Car Seat Headrest · The Scholars
Matador Records – 02 mai 2025