[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l y a 35 ans, sortait sur les écrans Français Big Trouble In Little China (Les Aventures De Jack Burton Dans Les Griffes Du Mandarin), de John Carpenter. Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter Carpenter réalisateur culte d’Halloween, The Thing ou New York 1997, qui, pendant les 80’s, filmait plus vite que son ombre (pour rappel 8 films en 9 ans). Big Trouble, arrivé après un échec cuisant (The Thing, en 1982) et deux succès plus que modestes ( Christine en 1983 et Starman en 1984 ), devait être le film qui allait remettre Carpenter sur les rails du succès en surfant sur les récentes productions d’aventure grand public (Buckaroo Banzaï, Golden Child, A La Poursuite Du Diamant Vert, Alan Quaterman, etc …). Sauf que, plutôt que de se fondre dans le moule Hollywoodien et proposer un produit relativement formaté, Carpenter va imposer sa vision du film d’aventures. Et autant le dire, elle est peu commune.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]éjà, il va réussir l’exploit de faire un film d’aventures trépidant non pas sur tout le globe mais dans un quartier, celui de Chinatown et plus précisément ses bas-fonds. Ensuite, en rendant hommage au Wu Xia (film de sabre asiatique) et à Tex Avery, il va montrer au spectateur qu’il n’est pas seulement un réalisateur sérieux, spécialisé dans les films d’action, d’épouvante mais qu’il maîtrise parfaitement les codes de l’humour et que sa cinéphilie ne s’arrête pas qu’au western (pour info, Big Trouble est une transposition de Zu, Les Guerriers De La Montagne Magique du génial Tsui Hark). Enfin, l’idée de génie de Carpenter est d’avoir fait de Jack Burton, personnage principal de son film, un anti-héros parfait. Un beauf sûr de lui, complètement à l’ouest, absent de toutes les scènes d’action, incapable de réussir quoi que ce soit volontairement, spécialisé dans les répliques (“J’étais prêt dans le ventre de ma mère”. “Tu sais ce que ce vieux Jack Burton dit toujours dans ces cas là ? -Jack qui ? – Jack Burton, moi ! … et merde”) et les raisonnements tellement nuls (ses réflexions à bord de son trans-porc express sont pas piquées des hannetons) qu’ils en deviennent cultes. Bref, à bien y regarder, tous les ingrédients étaient réunis pour faire de Big Trouble un énorme succès : action, magie, humour, romantisme, histoire rocambolesque, personnages attachants.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]V[/mks_dropcap]ous devinez la suite : bide monumental car décalage trop important. Trop tard pour les grands films d’aventures (Indiana Jones c’était en 1981 et 1984), trop en avance pour les films de sabre (Tigre Et Dragon, ce sera en 2000), héros pas assez viril pour les films d’action ( en 1986, Stallone cartonnait avec Cobra, Schwarzy avec Commando et Chuck Norris avec Delta Force). En somme, dans les faits, Carpenter avait tout faux. La postérité infirmera pourtant cette sentence : le film devient culte, inspirera les créateurs de jeux vidéo (Mortal Kombat s’inspirera de deux personnages de Big Trouble : David Lo Pan pour Shang Tsun et un des trois éléments, le tonnerre, pour Raiden) et sera, ou non, l’objet d’un remake ou d’une suite avec Dwayne Johnson (en tous les cas, il en était question en 2015). Et puis, au-delà de certains faits objectifs, il faut avouer que Big Trouble est jubilatoire de bout en bout, truffé de scènes hallucinantes (le combat aérien au sabre, la difficile acceptation de la mort, involontaire, de Lo Pan par un de ses fidèles servants, la virilité de Burton mise à mal après avoir embrassé Gracie), de répliques absurdes (« tout est dans les réflexes« , « qu’est ce qu’il y a d’écrit ? l’enfer des ébouillantés ! tu rigoles ? ouais y a écrit défense d’entrer » ou encore « je connais une grenouille dans une fable qui a explosé pour moins que ça« ) et bénéficiant d’une excellente interprétation (Kurt Russell, que Carpenter retrouve pour la quatrième fois, est parfait en beauf Américain de base).
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]ême si Carpenter gardera un très mauvais souvenir de cette expérience Hollywoodienne, le faisant se tourner ensuite vers la production indépendante avec toute la rage et la pertinence qu’on lui connaît (le prophétique They Live par exemple), Big Trouble est et restera à mes yeux un des films les plus marquants de sa carrière. Un de ceux que je peux revoir avec le même émerveillement qu’à treize ans, au moment de sa sortie, sans me lasser (je confesse l’avoir vu plus de vingt fois. Facile). Ce n’est certes pas un chef-d’œuvre, il a pas mal de défauts, reste très connoté 80’s, mais il tisse avec le spectateur un lien très particulier, empreint de tendresse, de jubilation et d’émerveillement. Lien qui laisse un souvenir durable dans sa mémoire. Au point que 35 ans plus tard, j’en parle toujours avec la même émotion.