[dropcap]C[/dropcap]omplexe, ambitieux, solaire et tragique. Formidable premier roman paru aux éditions Mémoire d’encrier et signé Catherine Blondeau (550 pages d’une écriture dense), Débutants croise plusieurs destins mais traite avant tout de la minorité, du racisme et d’interprétations hâtives, poussées par l’Histoire et la nature humaine.
Nue, la vérité peut blesser. Quiconque en fait l’expérience n’a d’autre choix que de l’assumer, à la vie à la mort. Sur les traces du passé, Nelson, un archéologue venu de Johannesburg pour inaugurer en Dordogne le musée national de la Préhistoire, va en faire l’amère expérience. Déraciné, à fleur de peau, il se révèle meurtri par une enfance bousculée au temps de l’apartheid.
Ainsi donc, de quelques apartés nourris sur le racisme colonial, en confidences lâchées sur les motivations d’une colère sourde à l’encontre de grands penseurs officiels et blancs, le chercheur sud-africain saisit l’occasion qui lui est donnée de s’exprimer, pour dénoncer des représentations rupestres éhontées et l’aveuglement calculé des Européens sur le sujet. « Sapiens est sorti d’Afrique, tout le monde sait ça », lâche-t-il devant un parterre médusé lors de la cérémonie inaugurale, marquée par quelques réactions sarcastiques.
Autant de considérations qui, le temps de son séjour en France, ne vont pas contribuer à faciliter son accueil sur les terres périgourdines, si ce n’est par d’autres exilés eux-mêmes.
Dès lors, il faudra toute la délicatesse et l’attention, entre autres, de Peter, traducteur anglais installé dans le village de Meyrals depuis 15 ans, pour cadrer le tempérament de feu de l’archéologue, incarnation de l’étranger peinant à se faire discret au cœur d’une région aussi magnifique que méfiante.
Homosexuel, épris d’amour pour Marcus, Peter est l’un des personnages clef du roman. Pour lui comme pour Nelson, une rencontre va tout changer. Celle de Magda, jeune femme polonaise à la beauté insaisissable, qui n’aura de cesse d’apaiser l’un et de tourmenter l’autre.
Elle tient une maison d’hôtes et cuisine admirablement. Son affaire tourne, excitant les jalousies. Mais sa gaieté et sa volonté d’indépendance se révèlent plus fortes que toutes ses peines sous-jacentes. Jusqu’au drame final, point d’orgue d’une liberté impitoyablement bafouée par la violence et la haine de l’Autre.
Nelson, Peter, Magda : trois personnages aux facettes multiples et au cœur maintes fois transpercé par les aléas de la guerre, du combat politique et… de l’amour, dont il est aussi beaucoup question dans cette fresque authentique et terriblement prenante qu’est Débutants.
En effet, magnifiés et transcendés par leurs sentiments contradictoires ou réciproques, les protagonistes nouent des pactes d’amitiés, s’aiment à la folie, revendiquent leur désir sexuel.
Roman très documenté à la lecture exigeante, Débutants est l’œuvre d’un autrice dont on mesure l’engagement personnel à l’égard de causes et de convictions qui lui sont chères et personnelles.
C’est assurément pour cela que Catherine Blondeau, qui fut directrice de l’Institut Français d’Afrique du Sud à Johannesburg puis attachée culturelle à Varsovie, avant de diriger Le Grand T, théâtre de Loire-Atlantique, réussit le pari de nous happer et de nous inciter à vivre, tels les Magdaléniens à leur époque, en harmonie avec ce monde.
Question d’alignement des planètes. Les blanches avec les plus sombres. Les plus lointaines avec les plus proches…
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Débutants de Catherine Blondeau
Éditions Mémoire d’encrier, 2 octobre 2019
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Image bandeau : Reinhard Jahn /Wikimedia Commons