[dropcap]C[/dropcap]e qu’il faut de nuit, premier roman de Laurent Petitmangin que publie La Manufacture de Livres est une histoire d’hommes. Oh, pas de gros durs qui descendent des whiskies au saloon, ni des mecs virils mais sensibles qui échangent sur leur incompréhension des femmes en mangeant le sanglier qu’ils viennent de chasser, mais seulement un père et ses deux fils. « La moman » est morte, emportée par le cancer. Il faut se serrer les coudes. Fus, l’aîné, doué au foot, moins à l’école, supplée l’absence et s’occupe de son cadet, Gillou. Le père jongle avec ses astreintes à la SNCF, sa cellule du Parti et ses enfants qu’il aime plus que tout.
Fus s’arrache sur le terrain. Il tacle. Il aime tacler. Il le fait bien, sans trop démonter l’adversaire. Suffisamment vicieux quand même pour lui mettre un petit coup. Parfois le gars se rebiffe, mais Fus est grand, et quand il joue il a un air mauvais. Il s’appelle Fus depuis ses trois ans. Fus pour Fußball. À la luxo. Personne ne l’appelle plus autrement. C’est Fus pour ses maîtres, ses copains, pour moi son père. Je le regarde jouer tous les dimanches. Qu’il pleuve, qu’il gèle.
Auteur
Une vie, trois vies, qui se forgent bon an mal an sur cette absence. Puis Fus ramène des copains à la maison. Propres sur eux. Polis. Un peu trop. Le père le devine vite, les nouveaux amis de son fils sont d’extrême-droite. Pour lui, le syndicaliste, l’homme engagé, c’est un abîme qui s’ouvre, et c’est sa parole qui y sombre. Car dès lors le silence s’installe. Gillou, qui s’apprête à entrer à Sciences Po, est le lien ténu qui unit encore un peu Fus et son père. Ni l’un ni l’autre n’est prêt à faire le pas qui pourrait combler ce vide, et le poison infuse.
Il n’y a rien de spectaculaire dans le roman de Laurent Petitmangin, pas de grandes envolées ni de longs discours. Des vies ordinaires, en fin de compte, quand bien même elles finissent par verser dans le fait divers. Pourtant, l’auteur nous offre là un livre poignant sur l’incapacité à communiquer, sur la douleur de l’absence et, en filigrane, sur la difficulté à se projeter ailleurs. C’est toute la question qui se pose autour de la possibilité qui s’offre à Gillou de poursuivre ses études à Paris et donc, d’une certaine manière à s’extraire de sa condition ou, du moins, de la place qui lui semblait naturellement assignée. C’est en fin de compte celui qui justement reste, Fus, qui se coupe réellement des siens et dérive.
Pourtant, derrière l’absence de mots, derrière l’incompréhension, l’amour est toujours là et, peut-être, il permettra d’arriver à une forme d’absolution.
Laurent Petitmangin avance sur un fil. Le risque est grand avec un tel sujet, de verser dans le misérabilisme d’un côté, le moralisme de l’autre. Il se contente de suivre sa voie, c’est-à-dire de raconter une histoire et de présenter des personnages sans juger, sans non plus se poser en donneur de leçons. S’il ancre cette histoire dans des lieux qu’il connaît (ce qui, d’ailleurs, lui permet de faire un très intéressant travail sur la langue), elle pourrait en fin de compte se dérouler dans une multitude d’autres endroits ; la manière dont ce drame intime et bouleversant touche à l’universalité le permet.
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Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin
La Manufacture de livres, Août 2020
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