[dropcap]C[/dropcap]hienne est une œuvre littéraire, pas un simple témoignage sur le viol et l’emprise d’un père violent sur ses filles. Ce qui fait résonner le propos est sa construction stylistique. C’est un texte autofictif, qui s’inscrit dans la lignée des autres écrivain-e.s ayant participé-e.s à ce genre littéraire. Mais il résonne particulièrement par sa force de frappe. Car Marie-Pier Lafontaine a construit ce texte comme une vengeance. C’est un combat où elle tente par fragments de tuer le père. Il y est décrit comme un monstre, il n’a pas d’échappatoire pour y trouver une rédemption. Chaque recoin du livre est une lutte à mort contre lui.
Je voudrais écrire cette fois où il a failli me tuer. Où il a « perdu le contrôle ». À croire que tous les autres jours, il se maîtrisait. C’était une question de sang. S’arrêter avant que le sang coule. C’était ça que ça voulait dire, dans ma famille. Être « en contrôle ».Marie-Pier Lafontaine
Marie-Pier Lafontaine raconte une enfance que l’on imagine avec peine. On se cache souvent la cruauté de la violence. Son texte nous rappelle qu’il existe bel et bien des êtres capables du pire vis-à-vis des filles et des femmes. Grâce au mouvement Me Too, on considère mieux la parole des victimes, mais ce sont des idées vagues. Avec Chienne, la violence est montrée crûment, sans pouvoir y échapper. Seul le blanc entre les blocs de textes nous donne l’illusion de respirer.
Avec ce premier livre, Marie Pier Lafontaine laisse une empreinte forte dans la littérature québécoise. Bien qu’elle exprime avoir voulu faire un roman plus dense, les fragments qui composent son texte produisent un effet plus puissant encore. Nous ne sommes pas dans un récit narratif et loin d’une biographie. Chaque bloc de textes est un coup de poing lancé contre la violence inhérente du patriarcat et donc de ce père-monstre.
Si on ne peut considérer Chienne que par le choc de cette violence décrite, on peut aussi apprécier l’écriture féroce de Marie-Pier Lafontaine. Ses phrases sont des lames, qui blessent autant celle ou celui qui les lit, que le prédateur désigné. Le blanc de la page n’est pas du silence mais une chambre d’écho qui fait résonner ce qui est dit. L’autrice ne propose pas d’alternative, on est obligé de lire cette description d’une violence absurde, systémique. Pourtant, nous sommes redevables à l’écrivaine de nous ouvrir les yeux.
Marie-Pier Lafontaine produit un livre impressionnant par sa maîtrise et s’inscrit dans une lutte salutaire contre la violence des hommes. Son livre en devient un témoin incontournable pour mieux la comprendre. Au-delà de la littérature, il y a l’enjeu de société, de ne plus laisser sous silence des enfances comme celle qu’a vécu l’autrice. Ce que l’on doit souhaiter est que Chienne puisse inciter à ne plus se taire, à écouter et à changer la société.
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Chienne de Marie-Pier Lafontaine
Le nouvel Attila, septembre 2020
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Image bandeau : Gabriella Scali