[dropcap]C[/dropcap]inq dans tes yeux raconte le quartier du Panier à Marseille, raconte Stress et ses amis, Nordine, Djamel, Ange, Kassim, Ichem. Il raconte le temps qui passe et qui embarque tout sur son chemin : les lieux, les amitiés, les amours.
Pendule nostalgique entre le passé et le présent, l’histoire est racontée par Stress, arrivé enfant avec sa mère Fred au Panier, en 1982. A l’époque, elle quittait l’Alger où elle venait de passer cinq ans à enseigner. Mais la situation politique devenait trop tendue alors Fred choisit Marseille pour y poser ses valises et pas n’importe quel quartier mais le Panier, dans la partie comorienne.
Comment je me calme ? On mange des focaccias à 12 euros, on boit des bières à 7 euros et vous me parlez de gentrification ? Mais c’est nous la gentrification, putain !
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Jolie mise en abîme du passée, Stress le raconte tout en travaillant sur un documentaire dont le but serait de faire revivre le monde aujourd’hui disparu de son quartier d’enfance. Prétexte pour pouvoir rester immergé dans les souvenirs balayés à présent par les nouveaux arrivés (les Venants) qui ont remodelé le lieu à leur image ?
T’es allé au Panier dernièrement ? Tout a changé. De leur jeunesse, il ne reste plus rien. Maintenant quand on me parle de la gentrification de la Plaine, honnêtement ça me fait sourire. Prends une photo de classe dans une école maternelle du Panier aujourd’hui et une photo de la même école il y a trente ans et tu verras ! Pratiquement plus aucun Arabe ou Noir. C’est comme si on avait effacé un écosystème, tranquille, en silence.
Le narrateur ne mâche pas ses mots, sa langue est vive, tranchante, les répliques fusent et le style est résolument cinématographique. Mais derrière tout ça il y une telle détresse qu’il est impossible de ne pas la ressentir, partagé entre le rire et les larmes devant les souvenirs évoqués, la description de l’évacuation des habitants historiques du quartier, « priés » de bouger vers les Quartiers Nord et la périphérie et les déboires que Stress traverse dans le présent, boiteux réalisateur réduit à filmer des mariages et à contempler la nouvelle jeunesse marseillaise plus branchée tu meurs.
Les descriptions détaillés du quartier « d’avant », des quatre cent coups des copains, de leurs virées à la plage, sur la Corniche, des vies de chacun de ses amis venus des quatre coins du monde, alternent avec des scènes d’une Marseille toute neuve, d’un Panier « hipsterisé » et blanc, et des flashs d’une vie d’adulte blasé et paumé.
J’ai beaucoup aimé Cinq dans tes yeux pour sa mélancolie omniprésente, pour la gouaille de Stress, pour cette Marseille que je ne connais pas mais qui vit les mêmes drames humains et urbains que de nombreuses autres grandes villes. Pour la musique qui rythme chaque chapitre et pour les nombreuses couleurs, cultures, coutumes cachées entre ses pages. Je l’ai refermé avec un énorme pincement au cœur : lisez-le, vous verrez !
Enfin, tout ça c’est de la nostalgie, et la nostalgie ça emmerde tout le monde, sauf celui qui raconte, ça lui file un coup de jeune.
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Cinq dans tes yeux d’Hadrien Bels
Éditions de l’Iconoclaste, août 2020
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Image bandeau : Photo by Tim Marshall on Unsplash