[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ba1616″]A[/mks_dropcap]près Obia, salué par la critique, couronné par de nombreux prix, le retour de Colin Niel était très attendu sur les tables des librairies. Étonnamment, dans ce nouvel opus, notre auteur délaisse le roman policier de facture ethnologique et d’aventure que nous avions eu l’habitude de lire dans les précédents livres, notamment Les hamacs de carton ou encore Ce qui reste en forêt, quittant la Guyane et la forêt d’Amazonie pour nous emmener, cette fois-ci, dans un polar rural, poisseux et glacial, situé dans les Causses.
Nous sommes en plein hiver, sur la vaste plaine aride où règnent un froid mordant et une certaine désolation. Il n’y a pas grand monde qui vit ici, la nature a imposé sa loi. Une femme a disparu, on a retrouvé uniquement sa voiture près d’un sentier de randonnée. La police est dans l’impasse, l’enquête patine. Personne ne parvient à trouver une piste afin de savoir ce qu’il est advenu de cette personne. Nous allons suivre cinq personnages, Alice, Joseph, Maribé, Armand et Michel. Ils sont tous reliés par la disparition d’Evelyne Ducat. Chacun va alors prendre la parole, donner sa version des faits et faire avancer l’intrigue jusqu’à ce qu’elle prenne une tournure inattendue…
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ba1616″]C[/mks_dropcap]olin Niel orchestre un magnifique roman choral, remarquablement construit, il connaît sa partition du bout des doigts, nous ballote, distille des indices dont nous croyons à chaque fois qu’ils vont nous permettre de recomposer le puzzle ; mais ce serait trop simple.
Ce qui frappe dans ce roman, c’est la part de solitude plus ou moins grande qui touche les personnages et qui donne libre cours à tous les penchants, les déviances mais aussi à la vulnérabilité, la crédulité qui peut les plonger dans l’embarras, voire induire des situations dangereuses. En filigrane, l’auteur développe une analyse sur les rapports humains : une fracture s’est installée entre les individus, des frustrations s’installent, des désirs inaboutis provoquent des comportements qui les transforment en victimes potentielles.
Il faut saluer la qualité d’écriture de notre auteur qui parvient à poser en quelques paragraphes un décor naturel si dur qu’on se rend compte qu’il affecte les personnages dans leur chair. Prenons Joseph par exemple, qui vit seul depuis plusieurs années, et semble très affecté par la disparition de sa mère. La vie âpre avec les bêtes a fait de lui un être renfrogné, avare en parole, le rapport aux autres qu’il a peu l’habitude de voir est compliqué, et lorsqu’il s’exprime son idiome est froid, brutal. Colin Niel se fait quelque peu sociologue, le climat et l’isolement façonnent les caractères et donnent alors du grain à moudre à son intrigue parfaitement ficelée.
Seules les bêtes de Colin Niel paru chez Le Rouergue collection Noir, janvier 2017