[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#2da4c2″]U[/mks_dropcap]n livre qui fait du bien comme un album des Beatles.
Retrouver Gilles Marchand, dont on a tant aimé Une Bouche sans Personne et Un Funambule sur le Sable, c’est comme retrouver un ami, un vrai. Retrouver les sourires, la folie, et une sensibilité qui transcende la douleur, la solitude et la mélancolie pour lui donner la grâce des contes, de ce fantastique qui affleure à la surface du réel quand on pose sur lui un regard d’enfant rêveur.
Des Mirages plein les Poches est un recueil de nouvelles. Pourtant, à voir les histoires qui défilent, on a l’impression d’une grande homogénéité, d’une grande fluidité. De cette nostalgie et de cette magie qu’il attache aux objets, à ce qu’ils finissent par représenter pour des personnages qu’on approche tous par l’intimité (chaque récit est à la première personne). L’un d’eux va reconstituer son enfance en retombant sur les meubles qui l’ont jalonnée dans une brocante de plus en plus nostalgique, un autre se mettra en quête de chaussures qui courent vite ou de slips qui font bien l’amour, un autre encore élèvera comme un père une lampe sur laquelle il aura reporté tout son désir de transmission.
Il y aura des guitares, de la musique toujours, beaucoup. En fait c’est un livre qu’on lit comme on fredonnerait un album qu’on aime. Il en a le rythme, la nonchalance aussi. La mélancolie également, plus prononcée sans doute que dans ses textes plus longs. Et toujours cette tendresse, cette manière d’éclairer la détresse des Noël ratés, des enfances maltraitées, des chagrins d’amour dont on ne se remet jamais vraiment. Cette pudeur et cette élégance à ne pas appuyer là où ça fait mal, à transformer les larmes en envolées oniriques.
Et trouver la force de sourire. La force de croire aux mirages. La force de prendre ses rêves pour la réalité.
Parfois il a des trouvailles hilarantes comme cette nouvelle où l’auteur se justifie tant dans les notes de bas de pages qu’elles finissent par tout envahir. Il dit tout du regard de Gilles Marchand, ce livre, fait d’histoires qu’il a fait paraître d’abord chez Antidata, mais qui trouve grâce à cette édition des forges de Vulcain toute leur unité et toute leur cohérence.
On songera sans doute à Boris Vian, mais il arrive que dans son humour, sa justesse, et sa sensibilité, on songe à John Fante ou bien sûr à Romain Gary et à l’enfance malicieuse et préservée de La Vie Devant Soi. On le suit, comme on déroule un fil, on se laisse porter. On voit des super-héros ou des acteurs mythiques, des solitudes accoudées aux comptoirs des cafés, des fêtes foraines cauchemardesques, des naufrages…
On referme le livre plein de cette poésie dont il est le bel écrin. Le regard chargé de beaux mirages.
Des Mirages plein les Poches de Gilles Marchand
Éditions Aux Forges de Vulcain – octobre 2018