[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]ans le cadre de l’Atlantique Jazz Festival, le label Constellation de Montréal a traversé l’océan pour venir illuminer les nuits brestoises.
En ce chaud samedi d’octobre, dans la salle du Vauban, Jason Sharp et Adam Basanta d’un côté et Eric Chenaux de l’autre ont fait la démonstration éclatante de l’originalité et de l’éclectisme de cette maison fondée par Ian Ilavski et Don Wilkie en 1997.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e canadien Jason Sharp est un joueur de saxophone basse, instrument impressionnant qu’il manipule avec dextérité, on pourrait même dire que c’est de tout son corps qu’il joue, de sa voix jusqu’aux battements de son cœur.
Croisé auprès de Land Of Kush ou Ratchet Orchestra, il a depuis publié deux albums en solo, tout d’abord A Boat Upon Its Blood en 2016 et cette année, l’excellent Stand Above The Streams sorti en février dernier.
Sur ce dernier disque comme sur scène, il est accompagné d’Adam Basanta, musicien expérimental, spécialiste des sons électro acoustiques et installations audiovisuelles. Sur les planches, de par sa gestuelle et sa manière de déplacer ses objets pour amplifier les sons, Adam tient aussi bien de l’équilibriste que du joueur de bonneteau à qui on aurait confié une bulle d’air.
l’alchimie physique des 2 artistes est tout simplement impressionnante, semblant même se fondre en une seule personne dans les moments les plus intenses du concert. Entre free jazz et drone, la musique de Jason Sharp s’échappe de l’expérimental pour se faire hypnotique et addictive. Le bruit devient rythme, l’étonnement du début laisse place à la fascination.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a soirée se poursuivit avec Eric Chenaux, américain dorénavant installé à Paris, dont nous avions parlé ici à l’occasion de la sortie de son excellent Slowly Paradise sorti en mars denier.
Après avoir assisté au concert de Jason et Adam parmi le public, le voilà qui prend la scène, avec sa guitare pour seule compagnie ou presque, et annonce comme à son habitude le programme à venir, à savoir 6 ou 7 chansons qui feront la part belle à son dernier album.
Il nous offrit ainsi, entre autres, de superbes versions de Slowly Paradise, An Abandoned Rose et surtout de Wild Moon, moment de grâce pour clôturer une magnifique soirée. Il n’oubliera pas non plus de nous gratifier d’un des meilleurs morceaux de son génial Sloppy Ground paru en 2008, à savoir Have I Lost My Eyes.
Fragile et agile, toujours sur le fil, Eric Chenaux trouve le juste équilibre entre expérimentations et simplicité porté par sa magnifique voix claire et une technique qui ne fait pas dans l’esbroufe.
Il semble en effet faire corps avec sa Gibson, extension naturelle de son être, sachant aussi bien la triturer que la caresser avec un doigté phénoménal. Eric Chenaux nous a offert encore un superbe moment de douceur expérimentale par ses chansons d’amour à l’étrange beauté.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ette double affiche est particulièrement bien vue pour illustrer toute la palette artistique de Constellation. Jason Sharp et Eric Chenaux voyagent dans deux univers complètement différents, entre fureur et calme mais se rejoignent par une approche viscérale et naturelle de leur musique, qu’ils conçoivent avec maestria sans frontières ni préjugés.
En effet, du jazz au drone, de l’expérimental à l’art pop, le label a toujours mis en avant des musiciens libres et authentiques, Godspeed You Black Emperor ! et Do Make Say Think en porte étendards d’une maison aussi accueillante qu’impressionnante et qui sut recevoir des artistes comme Tindersticks ou Vic Chesnutt.
L’année 2018 confirme la largeur d’esprit et l’ouïe fine des montréalais puisque, outre Stand Above The Streams et Slowly Paradise, ils nous ont offert entre autres les forts recommandables Pissing Stars d’Efrim Manuel Menuck et Quieter de Carla Bozulich.
En attendant la sortie très attendue dans quelques jours d’Entanglement, le nouveau disque de Jessica Moss, cette rentrée chez Constellation confirme cette tendance avec la parution coup sur coup de deux très beaux disques.
Commençons donc par le retour de Sandro Perri, qui a enfin donné enfin suite à Impossible Spaces avec In Another Life, petit bijou de pop ambient, drôle d’objet avec une face A uniquement constitué du long morceau titre tout en douceur et circonvolutions soyeuses.
la face B est tout aussi étrange et belle, se déclinant sous la forme d’un Everybody’s Paris en 3 parties, chacune interprétée par 3 chanteurs différents, Sandro, bien sûr mais également André Ethier des Deadly Snakes et Dan Bejar de Destroyer. Superbe !
Dans un style totalement différent, passons ensuite à Daqa’Iq Tudaiq, encore plus récent puisque sorti le 05 octobre, du duo libano-canadien Jerusalem In My Heart.
Radwan Moumneh et Charles-André Coderre mélangent musique arabe traditionnelle et avant-folk électronique, reprenant ainsi en première partie un classique égyptien Ya Garat Al Wadi, ici dénommé Wa Ta’atalat Loughat Al Kalam avant de proposer quatre morceaux originaux où voix, bouzouki et percussions électroniques s’entremêlent dans un maelstrom émotionnel au charme sombre. Fascinant !