Aujourd’hui l’équipe des chroniqueurs littéraires vous propose de revenir sur les ouvrages qui les ont marqué au cours du premier trimestre de cette année. En espérant que vous y trouverez de quoi passer commande chez votre libraire préféré !
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– Les choix de Mag –
Connemara – Nicolas Mathieu
Paru chez Actes Sud, Février 2022
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[dropcap]Q[/dropcap]uatre ans après avoir reçu le Goncourt pour Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu revient avec un nouveau roman, Connemara, sorti en février dernier aux éditions Actes Sud.
Un pari gagné haut la main pour l’auteur qui nous propose un roman juste et touchant d’une qualité exceptionnelle. L’histoire s’ancre une fois de plus dans sa Lorraine natale, entre Nancy et Cornécourt et déroule le portrait d’une France entre-deux, celle de 2017, l’avant Macron et la crise des gilets jaunes, celle des Lacs du Connemara qui menace à tout moment d’exploser !
À travers les personnages d’Hélène et de Christophe, Nicolas Mathieu cristallise les désillusions de l’adolescence, les espoirs qui étaient en nous et nous échappent quand la quarantaine pointe le bout de son nez. C’est avec l’énergie du désespoir que les protagonistes tentent de faire revivre leurs meilleures années. Hélène est proche de la quarantaine, a réussi à tous les niveaux, un poste à responsabilités, de l’argent, une famille, mais l’essentiel lui échappe, le bonheur. Christophe, lui, est une ancienne gloire du hockey, le garçon dont toutes les filles rêvaient, comme Hélène, dans les années 90. Le hasard finit par les réunir, faisant ressurgir en eux la nostalgie du passé.
Bien plus qu’un simple roman social, Connemara est la voix de toute une partie de la France, celle de la province, plutôt rare dans la littérature française. Avec justesse et sensibilité, Nicolas Mathieu nous invite à nous questionner sur ce qui a du sens dans nos vies : « On dit que la vie, c’est une folie / Et que la folie, ça se danse » dit la chanson, à méditer !
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Requiem – Gyrðir Elíasson traduit par Catherine Eyjólfsson
Paru chez La Peuplade, Février 2022
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[dropcap]L[/dropcap] Dernier volet d’une trilogie initiée en 2018 avec Au bord de la Sandá et La fenêtre au sud en 2020, Requiem de Gyrðir Elíasson, paru en février 2022 aux éditions La Peuplade, complète un cycle consacré à la solitude et la création artistique.
Après avoir exploré l’univers pictural, celui de l’écriture, l’auteur, d’origine islandaise, explore à présent celui de la musique à travers le personnage de Jònas.
Jònas quitte Reykjavik pour s’isoler dans un village à l’est de l’Islande, loin de sa vie de rédacteur de slogans publicitaires et de sa femme Anna, avec laquelle rien ne va plus. Ainsi, il peut se consacrer à sa plus grande passion, traduire le monde qui l’entoure en notes de musique, que ce soit le crépitement du feu, le sifflement d’une bouilloire ou encore le ronronnement du réfrigérateur. Il consigne tout précieusement dans un carnet moleskine, jusqu’à ce qu’il égare celui-ci au creux des bois. Dans ce Requiem en forme de repli sur soi, Jònas laisse libre court à ses mélodies intérieures, tantôt lucide, tantôt mélancolique, il entreprend une reconstruction en se recentrant sur l’essentiel : prendre du temps pour soi… Un petit bijou contemplatif et poétique !
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Une chambre au soleil – John Braine traduit par Sarah Londin
Paru chez Éditions du Typhon, Janvier 2022
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[dropcap]D[/dropcap]epuis sa création il y a tout juste trois ans, la maison d’édition du Typhon, basée à Marseille, ne cesse de nous proposer des œuvres de grande qualité à travers deux collections : Les hallucinés, consacrée aux littératures de l’étrange et Après la tempête, dénichant des textes méconnus et hautement recommandables. C’est dans cette dernière que le roman de John Braine, Une chambre au soleil, est publié le 20 janvier 2022, soit 65 ans après sa sortie en Angleterre, sous le titre original Room at the top.
Une volonté des éditeurs, Yves et Florian Torrès, de nous faire découvrir le mouvement littéraire des Angry Young Men qui a vu le jour dans les années 50/60 en Angleterre ; en atteste une partie de leur catalogue consacré à des auteurs issus de la même école : John Wain avec Hurry on down et Frappe le père à mort (Prix Mémorable des libraires du réseau Initiales), ainsi que Keith Waterhouse avec Billy le menteur.
Des grands textes qui prennent leur source dans l’Angleterre du nord de l’après-guerre et qui donnent la parole aux laissés pour compte et à une jeunesse en colère, réclamant une vie plus juste.
Une chambre soleil, c’est l’histoire de Joe Lampton, un jeune homme issu de la classe ouvrière, qui fuyant sa ville d’origine, Dufton, tente de devenir quelqu’un dans la ville prospère de Warley. Il travaille à l’Hôtel de ville en qualité de comptable et rêve d’intégrer la haute société locale. Grâce à son charme, il n’a aucun mal à séduire ce microcosme pour tenter de se faire une place au soleil. Sorte de Bel-Ami anglais, il est tiraillé entre son désir de réussite et sa lucidité sur ce milieu qui méprise les classes inférieures. Un roman fort qui jette un regard sans concession sur les rapports de classe. À noter que David Bowie a classé ce roman dans sa liste des livres qui ont changé sa vie. Ce qui n’est pas anodin, puisque ce mouvement a influencé toute une génération d’artistes anglais, des Beatles, en passant par Pulp, Fontaines D.C., Ken Loach, Tony Richardson… liste non-exhaustive et un roman à découvrir au plus vite !
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– Le choix de Cécile –
Diables gardiens – Erri De Luca et Alessandro Mendini traduit par Danièle Valin
Paru chez Gallimard, Janvier 2022
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[dropcap]Q[/dropcap]uand textes et illustrations dialoguent de façon espiègle cela donne un livre absolument réjouissant, Diables gardiens, où Erri de Luca et l’architecte Alessandro Mendini (décédé en 2019) laissent jaillir, en miroir, leurs talents respectifs. Alors que dans un exercice de légende ou dans celui de l’illustration, le texte et l’image luttent fraternellement pour la prééminence, ici, comme le proposent les auteurs, « les hostilités sont suspendues ». Inspirées par les dessins d’un enfant dyslexique, les magnifiques planches de Mendini épurées ou foisonnantes de couleurs et de lignes, deviennent une surface de projection pour l’imaginaire du romancier, qui s’appuie sur elles pour ouvrir un chemin narratif.
L’oeil navigue du dessin au texte et réciproquement, mais ce jeu de face à face laisse aussi une grande place au lecteur. Interpellés par le texte et stimulés par le dessin nous voyons notre propre imaginaire prendre aussi la course et s’enfuir dans les méandres de nos propres fantômes intérieurs. On fait dans l’ouvrage de bien belles rencontres, Camus, Don Quichotte ou Saint Paul pour ne citer que ceux-là, et l’on revient sur les thématiques qui sont au coeur de l’oeuvre de De Luca, la guerre et l’engagement politique, la compassion et l’indifférence, la place qu’on peut encore donner à nos morts quand ils reviennent de ce « qui n’est pas un sommeil [mais] une insomnie ».
Mais ces dessins et ces textes nous racontent surtout des histoires, et attestent que chacune a besoin d’un point de départ, qu’elle naisse dans le reflet d’une flaque d’eau ou la courbe d’un nuage. De Luca et Mendini interprètent dans cet opus une belle fugue à deux mains, où l’un nous conte l’histoire du dessinateur qui dessine une main avec l’autre tandis que l’écrivain met l’accent sur l’analphabétisme de celle de ses mains qui ne sait pas écrire. Les deux artistes complices nous ramènent en tout cas, pour notre plus grand plaisir, vers cet état d’innocence ou tout est encore possible. »
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– Les choix de Yann –
Axiomatique – Greg Egan traduit par Sylvie Denis, Francis Lustman, Ellen Herzfeld, Dominique Martel et Francis Valéry
Paru chez Le Bélial, mars 2022
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[dropcap]G[/dropcap]reg Egan est australien et publie Axiomatique en 1995 mais le recueil ne sera traduit et publié en France qu’en 2006. Immédiatement considéré comme un livre majeur dans le domaine de la SF, Axiomatique est aujourd’hui devenu un classique absolu. Saluons donc l’initiative des Éditions du Bélial d’en proposer une nouvelle édition, premier volume de l’intégrale des nouvelles de celui que certains considèrent comme l’auteur de science-fiction le plus important du XXIème siècle (dixit Stephen Baxter, autre grand auteur de SF).
Ce sont donc 18 nouvelles qui sont ici proposées, autant de variations hallucinées sur l’homme et son devenir. Car, aussi solides que soient les théories scientifiques qui sous-tendent chacun des textes, c’est l’humain qui reste au centre des préoccupations d’Egan. Doté d’une imagination qui semble ne connaître aucune limite, l’auteur élabore des fictions vertigineuses qui, chacune à sa manière, évoquent l’homme de demain. Que l’on parle de manipulations génétiques, de la conception d’un virus foudroyant ou de nouvelles drogues capables de modifier la réalité, le corps et l’esprit humains sont ici soumis à rude épreuve. Mais ce qui fait la vraie force de ce recueil majeur, ce sont les interrogations qu’instille Egan dans ses nouvelles. Questionnant sans relâche, l’éthique et la morale, il parvient à aborder des sujets aussi universels que l’identité, la mémoire ou l’intelligence artificielle et donne de nos possibles futurs une vision inquiète. On n’a pas trouvé mieux pour illustrer Axiomatique que cette célèbre citation de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Riches, intelligentes et sensibles, ces nouvelles impressionnent et donnent le tournis. Vertigineux, on vous dit !
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L’invention du cinéma – Luc Chomarat
Paru chez Marest éditeur, mars 2022
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[dropcap]D[/dropcap]epuis quelques années qu’on le pratique, on sait la propension de Luc Chomarat à envoyer ici et là ses petites flèches à l’humour souvent irrévérencieux, gentiment provocateur, toujours très drôle. Après nous avoir gratifiés en 2018 (et déjà chez Marest) d’ Un petit chef d’oeuvre de littérature dans lequel il dégommait allègrement quelques figures, le voici de retour avec ce court essai sur L’invention du cinéma dans lequel il trouve, pour notre plus grand plaisir, de nouvelles cibles.
Autant le dire tout de suite, si vous êtes fan de Rohmer, armez-vous de patience et d’indulgence ou reposez immédiatement ce livre … Pour les autres, vous apprécierez sans aucun doute ces pages au sein desquelles se croisent, dans le désordre et sans aucun sens de la chronologie, les frères Lumière, Méliès, Ozu, Hitchcock ou George Lucas. Luc Chomarat, en bon cinéphile qu’il est, s’y montre particulièrement inspiré et le plaisir qu’il a pris a écrire ce livre se ressent à chaque (très) court chapitre. Entre irrévérence et érudition, L’invention du cinéma trouve naturellement sa place au sein du catalogue Marest et apporte un peu de légèreté bienvenue en ce début d’année.
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Au paradis je demeure – Attica Locke traduit par Anne Rabinovitch
Paru chez Liana Lévi, Février 2022
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[dropcap]A[/dropcap] Après trois titres parus à la Série Noire entre 2011 et 2018, Attica Locke a rejoint le catalogue de Liana Levi au sein duquel, après le très remarqué Bluebird, bluebird, elle propose aujourd’hui Au paradis je demeure, nouvelle apparition du Ranger noir Darren Matthews. Particulièrement sensible aux questions raciales qui secouent son pays depuis les origines, l’autrice confronte ici une communauté de Blancs pauvres et racistes, membres pour certains d’une confrérie suprémaciste, à des indiens caddios installés sur les mêmes terres depuis des années et un vieil homme noir, descendant d’esclaves.
Si ce roman est une telle réussite, c’est sans aucun doute parce que son autrice, en s’appuyant sur un solide fond historique, soigne autant son intrigue que ses personnages. En s’abstenant de tout jugement et d’un manichéisme réducteur, elle rend particulièrement crédible cette nouvelle enquête de Darren Matthews, Ranger dont les problèmes et les doutes personnels vont compliquer la mission. Profondément humain, Au paradis je demeure n’en est pas moins une peinture critique de la société américaine contemporaine dont elle pointe certains travers sans prendre de gants. À ce titre, le roman constitue un cocktail parfait d’histoire, d’humanité et de noir, une réussite indéniable.
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– Le choix de Christelle –
Les années sans soleil – Vincent Message
Paru chez Seuil, 7 Janvier 2022
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« Chacun d’entre nous se souvient où il était quand ça a commencé, ou plutôt quand il a compris que ça n’était pas anodin, que ça ne toucherait pas que les autres, que c’était parti pour durer. »
[dropcap]U[/dropcap]ne phrase d’ouverture on ne peut plus explicite pour ce quatrième roman de Vincent Message, une des premières oeuvres de fiction post-confinement à voir le jour.
En effet l’histoire d’Elias Torres, libraire écrivain, et de sa famille, contraint de fermer boutique et de rester cloîtrés à la maison pour cause de pandémie à peine mentionnée, nous ramène à notre passé tout proche, celui du Covid 19.
Pour pallier à l’angoisse et l’inactivité, il va s’intéresser à une période de l’histoire considérée comme une des pires, celle où le soleil a cessé de briller, au XVIe siècle.
Cet épisode de confinement, avec ses contraintes et ses peurs mais aussi sa liberté, évoqué par l’auteur, amène le lecteur à s’interroger sur ses renoncements, le sens de sa vie et ce qu’il peut en faire, le tout de façon lumineuse.
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