[dropcap]I[/dropcap]l y a cette sensation de beauté et d’âpreté qui se mélangent. La douceur des Aurores Boréales au froid glacial des hivers qui ne semblent jamais s’arrêter.
Il y a cette jeune fille, Inuite, qui a onze ans puis dix sept ans. Qui peu à peu oublie le langage de ses ancêtres puisque la colonisation est passé par là et aime tout emporter avec elle bien souvent. Et pourtant, il y a les ancêtres partout, les morts, les âmes, qui virevoltent, souffrent, cherchent, à pénétrer les corps. Pénétrer les corps… Comme ces hommes qui ont trop bu et abusent des femmes, filles, enfants. Comme ces professeurs qui aiment glisser leurs mains sous les bureaux. Ces mâles. Ce Mal…
Inspire les petites peurs elles se changent en doutes en mots en idées en colère en haine en violence.
Expire les grandes peurs et les grands mots ils te retombent à l’intérieur c’est facile d’être ensevelie sous nos miroirs.
Inspire les petites peurs elles se chuchotent un chemin vers ta tête observe-les dis-leur merci d’avoir essayé de te protéger.
Expire la reconnaissance pour la beauté lovée dans tes instincts pour le courage d’aimer les petites peurs.
Inspire la dureté de l’amour inspire le parfum récompensé récolte et mange mâche avale dévore tout le bon et l’amour qu’on te donne.
Expire le calme en reconnaissance de la beauté lovée dans le courage qu’il faut pour ne pas fuir l’amour.
Tanya Tagaq
Il y a ces gosses qui jouent à fumer des clopes, sniffer du butane dans des lieux désaffectés. Ces gosses qui se vengent. Qui se battent. Se chamaillent. Ces gosses si gosses et pourtant…
Cette amie, cette cousine, ce renard dans la vie de la narratrice. Cette innocence fragile. Et cette folie de l’âge. Folie inconsciente ou bien lucide.
Il y a ces amours contrariés, ces attirances du corps et de l’âme. Qu’importe le sexe. Homme ou femme. Elle aime et désire. Car il y a les sensations au creux du ventre qui s’animent. Et percutent le sexe de cette adolescente. Les premières jouissances. Mais elle, elle ne jouira jamais aussi bien que par la nature. Qui la pénètre et l’emporte avec force. Le rayonnement vert des Aurores Boréales qui s’engouffre. Elle leur appartient comme elle appartient à ses ancêtres.
Il y a les dix sept ans et les battements qui s’animent dans son ventre. Les jumeaux. La maternité qui se profile. La déviance. La méfiance. La vieille Helen et sa douceur. La naissance où le bien et le mal s’entrechoquent. Y aura-t-il un gagnant ?
Il y a les deuils à faire et la vie à mener. Étrange, différente quand on ressent si fort les cris de la Terre. Saccagée par la main de ces semblables…
Il y a l’enfance, partout, qui peu à peu s’échappe…
Il y a la nature, partout. Dans la nuit qui ne semble jamais se terminer et sous le soleil de minuit. Personnage à part entière. Animal. Végétal. Entier. Mais pour combien de temps encore…
Il y a cette sensation hallucinante et hallucinée de ce qui se dessine devant nos yeux. Une réalité sèche, cruelle doublée d’un onirisme, d’une étrangeté hypnotisante. Il faut oser se laisser porter au risque de se perdre totalement dans autant de cette superposition de réalisme et de surnaturel. Il faut oser, se glisser, aux côtés de cette narratrice et accepter de voir le monde, son monde, avec ce regard aiguisé, poétique, mystérieux et presque chamanique.
Tanya Tagaq par la magnifique traduction de Sophie Voillot, hypnotise son lecteur par une écriture brute, rude, précise. Une écriture qui perce la nuit comme les cris d’un loup et fend la glace. Qui milite, pour les femmes, pour ce qui a disparu. Pour celles et ceux qui ont disparu. Pour ce qui est en train de disparaître…
Croc fendu, un livre à nul autre pareil où les fragments de vie se mêlent aux fragments de poésie et aux illustrations de Jaime Hernandez. Un mélange étonnant et envoûtant. D’une immense beauté et d’une profondeur marquante.
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Croc fendu de Tanya Tagaq
traduit par Sophie Voillot
Bourgois éditeur, mars 2020
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Image bandeau : Vincent Guth / Unsplash