[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]’une façon ou d’une autre, il fallait que je me remette à l’espagnol. On ne sait jamais. Tu te préparais déjà à partir en Argentine, je tentais comme je pouvais de me mettre dans l’ambiance. Un poète Argentin, voilà ce qu’il me fallait. C’est peu de dire que Roberto Juarroz a fait le job. J’aurais pu te parler de Juan Rodolfo Wilcock mais il m’a fait moins d’effet, et j’avais moins de plaisir à le lire en espagnol. Je ne vais pas te faire croire que je comprenais tout mais l’avantage d’une édition bilingue est justement de t’épauler. Il est tout à fait possible de tricher et de ne lire que la traduction, mais j’aime bien me confronter à une langue, à sa sonorité. J’ai tenté avec le roumain, l’allemand, le polonais, l’arabe (bon, là, c’était du charabia mais je regardais tout de même la graphie).
La poésie de Juarroz est très singulière. Elle est à mes yeux comme une succession de raisonnements mathématiques, des équations posées et résolues devant le lecteur. La « verticalité » induite dans ces textes est le mouvement d’une succession logique, une pierre qui tombe se fracasse au sol. Il y a à la fois quelque chose de très rassurant à le lire car l’harmonie est la structure, mais une certaine angoisse peut poindre si l’on s’aperçoit que l’imprévu n’a pas toujours sa place dans toute cette histoire. Et notre histoire, est-elle organisée ou chaotique ?
Si je te fais la lecture en espagnol tu risques de grincer des dents, je manque d’exercice. Ce sera donc en français, selon la traduction de François-Michel Durazzo. Et je vais t’en lire quatre étant donnée ta frustration de ces derniers jours quand je ne t’en lisais que deux.
Il fait nuit, il n’y a plus de métro, mais je veux te rejoindre. La distance qui nous sépare est-elle plus grande ou plus petite ?
On va parler maintenant de la perpendiculaire de la pluie, mais si on remplace la pluie par un regard, comme on remplacerait x par y, quel devient le résultat ?
Pour quelle raison existes-tu ? Qui se heurte à toi ? Et moi, de qui (de quoi) suis-je l’obstacle ?
Pour terminer, réfugions-nous dans l’inaperçu.
Nous parlions de pluie qui tombe, en voici une autre.
À demain.
Dixième poésie verticale, de Roberto Juarroz, traduit de l’espagnol par François-Michel Durazzo, paru chez José Corti.