[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]oute ma vie
Je n’ai fait que rouvrir
Des fenêtres et des portes claquées
Ni poignées ni serrures
Ne m’ont fait reculer
C’est étrange qu’aujourd’hui
Je me mette à faiblir
C’est ainsi que tu m’as dédicacé ce livre, avec une chanson de Dominique A. Oh, le livre je l’avais lu, je te l’avais même recommandé. Mais je ne l’avais pas dans ma bibliothèque, j’en avais lu les épreuves, qui étaient parties ensuite dans d’autres mains. Il me revient alors, pour ainsi dire, comme un boomerang.
Attraper un chat noir dans l’obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s’il n’y en a pas.
C’est ainsi que débute le livre. Attraper un chat qui n’existe pas, et si ma vie ne consistait qu’en cela. Par l’écriture bien sûr, il s’agit d’attraper l’insaisissable. Dans l’amour aussi, et toutes relations humaines, qu’elles soient amicales ou familiales. Qu’il y ait quelque chose à saisir et à conserver de chaque instant, j’en reste persuadé, mais il serait vain de vouloir nommer, définir et quantifier cette chose que l’on vient d’emmagasiner. Une parole, un geste, une énergie. Un bouleversement a eu lieu, des synapses se sont connectés, une chimie à l’oeuvre qui nous échappe.
Les physiciens font avancer la physique, les mathématiciens avancer les mathématiques, les chimistes la chimie. Ils cherchent, ils trouvent, on repart sur de nouvelles bases. L’écrivain fait-il avancer la littérature ? L’écrivain fait-il avancer la langue ? L’écrivain fait-il avancer le lecteur ? Oui et non. L’écrivain, comme le chat de Schrödinger, est à la fois mort et vivant.
Pour que l’écrivain fasse avancer la littérature, il faudrait au préalable qu’il sache où celle-ci en est réellement. Pour que l’écrivain fasse avancer la langue, il devrait non seulement la connaître sur le bout des doigts, mais connaître ses failles et y plonger. Pour que l’écrivain fasse avancer le lecteur, il faudrait d’une part que ce dernier soit disposé à avancer, et d’autre part que l’écrivain arrive au bon moment, après celui-ci et avant celui-là.
– Tu n’es plus dans la vie.
– La vie est en moi.
– Tu conceptualises.
– J’ai besoin de repères.
– Tu es le repère.
– Tu es mon repère.
Le plus court chemin d’un point A à un point B est d’être déjà au point B.
Toute cette histoire me fait penser à cette chanson d’Étienne Daho (Je pensais ne pas y penser / Oui mais nos pensées nous dépassent) :
À demain !
Le chat de Schrödinger, de Philippe Forest, chez Folio.