[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]ans ce roman de Jean Hegland, la fin du monde tel qu’on le connaît arrive si doucement que l’on pourrait avoir l’impression de l’avoir manquée. Pas de cataclysme racoleur, pas d’épidémie foudroyante. Dans la forêt, c’est d’abord le récit des lampes qui s’éteignent quelques minutes par jour, puis quelques heures, pour ne plus jamais se rallumer. Petit à petit, le quotidien se délite, l’essence vient à manquer, les avions ne décollent plus. Chacun se retrouve isolé, à épuiser les réserves de nourritures stockées chez soi.
C’est un roman qui parle magnifiquement bien de deux soeurs et de leur père, de leur (sur)vie dans la forêt, au coeur d’une maison et d’une nature qu’il faut apprivoiser. Encore adolescentes, les deux jeunes femmes vont voir leurs préoccupations rapidement différer de celles de leurs « vies d’avant », pour entrer brutalement dans le domaine plus terre à terre de la nourriture, de l’eau et des prédateurs divers et variés. Nell et Eva font face au bouleversement de leurs vies en se raccrochant à leurs passions respectives : la danse et la lecture de l’encyclopédie familiale.
Assez en marge de romans post-apocalyptiques où tout espoir est vain, (oui La Route de Cormac McCarthy c’est à toi que je pense), Dans la forêt fait presque office de manifeste pour une décroissance raisonnée. Bien qu’il ne soit pas exempt de moments très rudes, de questionnements perturbants ainsi que du spectre toujours présent de la mort, on ressort de ce roman serein.e, comme après une intense averse d’été. C’est également un texte dur et touchant sur les noeuds complexes qui nous lient au sein d’un foyer.
Les éditions Gallmeister commencent très bien l’année 2017 , en nous livrant un texte poignant aux notes oniriques. On plonge au coeur d’une forêt sauvage, recelant autant de ressources que de danger. C’est très beau, et c’est à ne pas manquer.
Dans la forêt, de Jean Hegland. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josette Chicheportiche, Gallmeister, janvier 2017.
Crédit photo : Caleb George