[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]rois temps sont évoqués par Sandro Bonvissuto avec Dedans.
La prison d’abord.
Qu’a fait le narrateur pour y atterrir? Nous n’en saurons rien. Son quotidien y est évoqué, simplement, sans emphase. Les faits, rien que les faits. Le manque d’hygiène, les copains de cellule mais aussi la promiscuité, les promenades, les lettres reçues, les visites des avocats, l’envie de sortir, le désespoir. Des anecdotes, les brutalités des gardiens, leur manque d’humanité.
L’adolescence est le deuxième temps.
L’amitié avec un camarade de classe. Deux adolescents un peu perdus qui s’accrochent l’un à l’autre et décident ensemble de ne pas réussir.
Qu’est-ce que tu as ?
J’ai juré à ma mère de m’asseoir à côté de quelqu’un meilleur que moi.
Et alors ?
Si je lui dis que je suis à côté de toi…
Alors, ne lui dis pas.
Et si elle me demande ?
Dis-lui « je ne sais ». Ça marche.
Bonvissuto fait s’enchaîner les dialogues comme celui-ci. Il analyse aussi cette amitié rétrospectivement; la regrette, elle lui manque.
Aujourd’hui je l’attends dans cette petite gare. Je m’assieds et j’attends qu’il vienne. Il ne tardera pas. Il ne peut pas résister à l’idée que je sois assis ici sans lui. Nous ne savons faire autrement qu’être assis l’un à côté de l’autre. Il va arriver. Il secouera la tête, me regardera avec ces yeux sombres. Puis il me posera une question tout simple.
L’enfance, enfin, pour terminer le roman.
En tout cas, une partie de l’enfance, un moment particulier entre copains plus âgés et une demande particulière au père.
Le narrateur veut se joindre à ses copains plus âgés pour aller avec eux , en vélo. Or, il ne sait pas en faire. Moment de rejet, de tristesse, de souffrance.
Être plus grand dans un groupe d’enfants vous permet vraiment d’exercer un pouvoir absolu et inconditionnel. Pouvoir que, moi, je n’ai jamais eu l’occasion d’exercer.
C’est alors que le père, dur, fait son apparition. Son fils ose lui demander de lui apprendre à faire du vélo et s’attend à un refus. Pourtant le père va s’exécuter. Beau moment d’échange et souvenir qui clôt le roman.
Bonvissuto signe avec Dedans un livre captivant et prenant.
Roman ou réunion de trois nouvelles?
Qu’importe, après tout.
Ces trois chapitres se dévorent. On passe de l’horreur avec la prison et l’enfermement à l’adolescence et ses amitiés exclusives pour terminer par l’enfance, ses souffrances et la présence hautement symbolique du père.
Cette régression dans le temps offre un répit au lecteur qui a commencé par le plus dur, le plus éprouvant. Bonvissuto donne ainsi un livre universel, qui nous parle, nous saisit, nous interroge et résonne fortement en nous.
Dedans de Sandro Bonvissuto, traduit de l’italien par Serge Quadruppani, Editions Métailié, avril 2016