[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]etite question pour introduire cette nouvelle chronique : comment conserver une visibilité quand on est un « groupe » officiant dans le metal underground depuis plus de vingt ans (ce qui s’apparente en quelque sorte à l’underground de l’underground) ?
La réponse est assez simple : en se renouvelant à chaque album, en alternant les propositions tout en conservant son identité. Si je pose la question c’est parce que jusque là, c’est toujours ce qu’avait fait Blut Aus Nord. Proposer, en suivant son instinct, de nouvelles alternatives à son métal déviant.
Avait.
Parce qu’avec Deus Salutis Meae, la donne a quelque peu changé.
Pour être honnête, depuis que je suis Blut Aus Nord, soit The Work Which Transforms God, c’est la première fois qu’un de leur disque me laisse aussi perplexe. Première fois que j’ai cette sensation d’entendre le groupe faire du surplace, se répéter. Si certains de leurs albums/Eps frisaient parfois la redite (notamment le split avec Aevangelist, Codex Obscura Nomina), il y avait toujours un élément qui vous surprenait. Ici curieusement, et c’est là que se joue l’effet de surprise, rien ne surprend. Blut Aus Nord fait du Blut Aus Nord, point. Les nouveaux convertis avec la trilogie 777 seront quelque peu déçus, le groupe privilégiant la dissonance aux mélodies ; les anciens également, pour les mêmes raisons, cherchant le renouvellement mais ne trouvant finalement qu’une sorte de redite des anciens épisodes.
L’affaire pourrait être pliée rapidement mais le cas BaN est plus complexe et mérite qu’on se penche un peu plus dessus
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]i on y regarde d’un peu plus près, Vindsval et sa bande ont, depuis Ultima Thulée et jusqu’à maintenant, constamment évolué d’un disque à l’autre avec une ambition toujours plus grande. Chaque disque répondait au précédent de façon à ne pas se répéter. MoRT par exemple était une réponse malsaine, tordue, puisant dans le dark ambient à The Work, Odinist prolongeait d’une certaine façon l’esprit de MoRT mais en présentant un visage plus abordable, presque pop en regard de la radicalité de son prédécesseur. Memoria Vetusta II puisait dans l’approche mélodique d’Odinist mais faisait montre d’une grande ambition, développant ses atmosphères, emmenant son métal sur le terrain du progressif allant jusqu’à rendre hommage à des groupes comme Emperor. Et il en va ainsi sur les albums suivants, le groupe évoluant vers une clarté étonnante, abandonnant même le grunt au profit d’un chant clair sur le dernier volet de la trilogie 777, jusqu’à devenir presque abordable pour le néophyte sur Memoria Vetusta III à la fois mélodique et progressif.
Chaque disque évoluait à sa façon vers plus de lisibilité, comme si, sans pour autant perdre son identité, l’essence de Blut Aus Nord se diluait dans la lumière à chaque nouvelle sortie.
Dans ce cadre, Deus Salutis Meae semble faire office de retour aux sources pour Vindsval, l’opportunité d’affirmer que si le spectre musical de Blut Aus Nord s’élargit à chaque sortie, il n’en n’oublie pas moins ce qui fait sa spécificité : une musique qui puise ses racines dans la noirceur, la dissonance et l’inconfort. Forcément, ce recadrage identitaire passera par un sentiment de répétition, Vindsval puisant dans toute sa discographie pour former le matériau qui constituera Deus Salutis Meae : ce sont des interludes évoquant Odinist, Memoria Vetusta II ; des solos dissonants comme dans The Work, MoRT, des chœurs renvoyant à 777 (sur Ex Tenebrae, Abisme), une ambiance malsaine, poisseuse nous projetant dans MoRT, ou encore l’utilisation des synthés, aussi présents que sur 777.
D’où une inévitable frustration à l’écoute de ce « nouvel » album, renforcée également par la brièveté de celui-ci (dans la forme, Deus Salutis Meae n’est pas sans rappeler Odinist). De là à se dire qu’attendre trois ans pour écouter au final sept morceaux frisant la redite sur une toute petite trentaine de minutes, c’est un tantinet décevant, il n’y a qu’un pas que chacun peut aisément franchir.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]N[/mks_dropcap]éanmoins, ne pas oublier une chose : nous sommes en présence de Blut Aus Nord, groupe qui a derrière lui une longue carrière, une personnalité à nulle autre pareille et surtout une capacité à torcher des albums complexes, mélodiques et suintant la folie par tous les pores.
Pour bien appréhender Deus Salutis Meae, il faut passer outre cette première impression, écouter, réécouter jusqu’à s’imprégner des ambiances proposées. Certes, elles sont proches de ce qu’a toujours fait Vindsval mais le Bas-Normand sait composer des chansons ou plutôt sculpter des atmosphères. Sur un black metal anthracite, à la limite du speed (Revelatio) ou sur un doom/indus dépressif (façon Procession Of The Dead Clown sur Abisme), il fait montre d’un talent rare pour parvenir à extraire des mélodies de cet amas de fange, ce cloaque musical, ayant toujours en ligne de mire le dark ambient malsain de MoRT. Il en résulte un album où prédomine la dissonance, autant dans les solos de guitares (sur Apostasis), que les riffs (Metanoïa) ou encore les chants (le très malsain et flippant Impius), à la fois sacré (dans cette résonance mystique présente sur certains morceaux) et impie (ces vocaux triturés à l’extrême, qu’on pourrait très bien interpréter comme des hallucinations auditives de schizophrène en pleine crise d’angoisse) maniant constamment le feu et la glace.
C’est donc sans surprise cette fois-ci, mais comme à l’habitude chez Blut Aus Nord, c’est excellemment fait, aussi puissant que malsain et enfin, avouons-le, Vindsval n’a pas son pareil pour conclure ses albums. Souvenez-vous, c’était Procession sur The Work, Clarissima Mundi Lumina sur Memoria Vetusta III, l’Epitome XVIII sur Cosmosophy, là c’est Metanoïa qui ferme le bal de façon magistrale, épilogue résumant à lui seul le contenant de Deus Salutis Meze et le concluant sur une note impressionnante.
Maintenant il ne reste plus à espérer que le recentrage effectué avec Deus Salutis Meae s’avérera une pause nécessaire pour repartir vers d’autres contrées qui n’attendent qu’à être explorées.
Wait and see comme disait l’autre.
Disponible depuis le 27 Octobre chez Debemur Morti ainsi que chez tous les disquaires Français en pause.