Quel titre ! Quel écho peut-il avoir en 2024, quelques années après la sortie physique aux éditions Aux Forges de Vulcain de ce livre de révolte. Peu d’espoirs malheureusement et si on se réfère à l’histoire écrite par Marie-Fleur Albecker, cette révolte anglaise se termine dans le sang après avoir suscité un grand engouement.
« … c’est l’histoire des soulèvements des gens ordinaires, c’est une histoire de terres, d’injustice, de liberté, de foi et d’horizons perdus.»
─ Marie-Fleur Albecker, Et j’abattrai l’arrogance des tyrans
L’autrice, professeur d’Histoire-Géographie s’empare d’une tentative de révolution par les paysans anglais en 1381 et nous offre un livre à la fois politique et éminemment féministe à travers la figure de Johanna Ferrour. Femme parmi les hommes, elle se révèle à elle-même et préfère mourir plutôt que de renoncer à ses convictions. Elle sera une des seules à survivre à la fureur du Roi.
Au-delà de l’aspect politique, des descriptions du pourquoi de la révolte, ce qui frappe en premier dans ce court roman, c’est l’écriture de Marie-Fleur Albecker. Moderne, vive, vulgaire s’il le faut parfois et surtout extrêmement percutante. Des passages à la fois tragiques et comiques nous arrachent dans le même moment des sourires, de la souffrance et nous amènent à la réflexion.
« Ils sont tous du commun, pourquoi donc un paysan français voudrait-il attaquer un paysan anglais ? Parfois, les puissants réussissent à leur faire croire qu’il s’agit de leur survie, mais soyons raisonnables deux minutes, si on y réfléchit sérieusement, qu’est-ce qu’un paysan français en a à branler, de son homologue anglican ? Non, on ne leur demande par leur avis, on la leur bombarde, la guerre; On part à la conquête d’autres territoires. On : les puissants, les nobles, les riches, ceux qui font la guerre. Simpliste ? Si je puis me permettre, c’est fou ce simplisme qui fait que ce sont toujours les mêmes qui parlent de « simplisme », et bizarrement ce ne sont pas eux qui se cassent le dos à biner les chips ou à nettoyer nos chiottes. »
─ Marie-Fleur Albecker, Et j’abattrai l’arrogance des tyrans
On comprend assez vite que tout cela va mal tourner malgré l’enthousiasme quasi général des petites villes, petites campagnes anglaises qui se lancent à l’assaut de la grande ville, Londres, et de son Roi, soit disant si mal conseillé qu’il soumet ses paysans à une existence extrêmement difficile. La figure du Roi, détenant un pouvoir divin, n’est quasiment pas égratigné par les anglais… et pourtant, c’est lui qui par mépris et/ou vengeance les anéantira.
« Voici venu le moment crucial qui sépare l’émeute de la révolte : on a cassé deux-trois pots, bris » des vitrines au coin de la rue et laissé quelques cadavres sur le carreau, ça fait la mesure pour un accès de colère comme il y en d’ailleurs eu les années passées. Ça, c’est business as usual. Encore une manif avec trois-quatre éborgnés par les flics. »
─ Marie-Fleur Albecker, Et j’abattrai l’arrogance des tyrans
Parfois, Marie-Fleur Albecker prend le ton d’une chroniqueuse, au sens gionesque du terme, à tel point qu’elle utilise le terme dans son roman. Elle raconte, elle tranche et prend parti à la fois. Et plusieurs passages deviennent ainsi irrésistibles. On les lit et les relit. Ils marquent. Politique disions-nous mais aussi féminisme :
«Elle a parfois voulu tenter d’expliquer à William en quoi il est absolument, totalement, désespérément vain (des adverbes peuvent être ajoutés ici à satiété) de tenter de faire jouir une femme en la ramonant avec sa bite. Il s’agit, tout simplement, d’un acte vaguement (voire très, dépendant de la taille de l’engin et des dispositions physiques et d’humidité de la femme engagée) désagréable par essence;»
─ Marie-Fleur Albecker, Et j’abattrai l’arrogance des tyrans
Depuis Et j’abattrai l’arrogance des tyrans, Marie-Fleur Albecker a publié deux autres romans, toujours Aux Forges de Vulcain. Après cette lecture vivifiante, revigorante et passionnante, on va s’empresser de les trouver et de plonger dans Ni seuls, ni ensemble et Une maman parfaite.
Ouiiiii. Il est également sorti en poche chez points, même si on j’aime d’amour Les Forges.