[dropcap]O[/dropcap]n se souvient encore de son précédent roman, Par les écrans du monde, dans lequel Fanny Taillandier faisait entendre une voix nouvelle, originale et décalée, décrivant le monde à travers un prisme légèrement déformant. Sa pertinence, associée à un certain cynisme, y faisait merveille et, bien loin d’une production littéraire souvent fade et formatée, offrait un texte réjouissant malgré sa noirceur intrinsèque. Sous-titré Empires, I, ce roman trouve aujourd’hui une continuité avec Farouches (Empires, II).
Elle aimait que le monde soit fluide, que des solutions existent aux problèmes qui se manifestaient : elle aimait le droit pour cette raison, parce qu’il prévoyait les problèmes comme des éléments du plan général (…) Et ce qui l’agaçait était que les humains n’étaient généralement pas à la hauteur de la théorie. Les humains merdoyaient. »Fanny Taillandier
Se livrant ici encore à une légère distorsion du réel, Fanny Taillandier imagine la Ligurie, une région qui s’étend entre Marseille et Gênes, membre de l’Union, au sein de laquelle ont disparu les anciennes frontières nationales (qui peuvent cependant être réactivées si nécessaire). Dans cette région côtière, la population se partage entre familles dépendant d’une économie souterraine (entendre « contrebande ») et des foyers nettement plus aisés ayant trouvé un cadre de vie correspondant à leurs désirs.
C’est le cas de Jean et Baya dont la splendide villa domine la Méditerranée et qui y coulent des jours paisibles. Mais l’équilibre qu’ils semblent avoir trouvé se trouve insidieusement ébranlé par des incidents mineurs dont la répétition et l’accumulation commencent à se montrer préoccupantes. Tandis que s’affrontent en ville des bandes rivales, le couple voit son jardin régulièrement mis à mal par des sangliers et une étrange inconnue emménage dans les environs.
Fanny Taillandier excelle à dépeindre le morcellement de la normalité, l’intrusion de l’étrange dans le quotidien, l’inlassable usure des empires. Plus encore ici que dans son roman précédent, elle instille une atmosphère imprégnée d’une inquiétude diffuse, qu’alourdit la chaleur régnant sur la région. Elle offre surtout, dans la continuité de son œuvre, une réflexion autour de l’urbanisation de la nature par l’homme ainsi que sur le pouvoir dont celui-ci a tendance à se croire investi. Roman du doute et du malaise, Farouches confirme brillamment la capacité de son autrice à ouvrir des brèches dans le sentiment de supériorité propre à l’espèce humaine et prolonge avec brio ce cycle des Empires dont on ne peut qu’espérer qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin.
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]
[one_half]
Farouches de Fanny Taillandier
Éditions du Seuil, 19 août 2021
[button color= »gray » size= »small » link= »https://www.seuil.com » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Site web[/button][button color= »blue » size= »small » link= »https://www.facebook.com/editions.seuil/ » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Facebook[/button][button color= »pink » size= »small » link= »https://www.instagram.com/editionsduseuil/?hl=fr » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Instagram[/button][button color= »green » size= »small » link= »https://twitter.com/EditionsduSeuil?ref_src=twsrc%5Egoogle%7Ctwcamp%5Eserp%7Ctwgr%5Eauthor » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Twitter[/button]
[/one_half][one_half_last]
[/one_half_last]
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]
Image bandeau : Jeremy Bishop / Unsplash