Nous vous avions présenté cette 12e édition du Festival du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS 2019) à son ouverture, et voilà le moment de parler palmarès.
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Octopus d’or et Méliès d’argent du meilleur long-métrage fantastique européen
In Fabric de Peter Strickland (Grande-Bretagne)
Loin de la première robe rouge maudite des années 90 (le petit Red Evil Terror de Tobe Hooper), cette robe-là ne transforme pas celle qui la porte en bombasse fatale mais est elle-même une tueuse dotée d’une certaine forme de conscience. Dans une époque où l’acte de consommation est de plus en plus moralisé, la question d’achat de vêtement prend ici un sens tout à fait étrange. Objet filmique à part, In Fabric n’est pas sans rappeler la forme d’un giallo, dont la bande sonore semble elle-même animée de sa propre conscience.
Hallucinant, comme le magasin d’où vient cette robe mortelle, Dentley and Soper’s, sorte d’enfer du corps trop célébré et totalement déshumanisé, tenu par un horrible vieil homme salace, dans un ensemble révélant, souvent en humour, l’aspect sordide de cet univers de superficialité. Au cœur de cette folie, une comédienne qui n’est pas une habituée des films de genre, Marianne Jean-Baptiste et la plus insolite des versions de Gwendoline Christie.
Les deux prix que Peter Strickland reçoit ici saluent une expérience des sens absolue, sa vision.
Le film est prévu en salles le [mks_highlight color= »#dce6ed »]20 novembre[/mks_highlight].
Mention Spéciale
Little Joe de Jessica Hausner (Autriche, Allemagne, Grande-Bretagne)
L’autrichienne Jessica Hausner a préféré écrire ce film de genre dans l’efficace et concise langue de Shakespeare, et présenter sa propre vision de l’humain parasité jusqu’à son remplacement. Le principe des Body Snatchers y est ici sondé dans un rythme down tempo, dans une mise en scène hypercentrée sur les couleurs et le mystère du silence. Alice (Emily Beecham, prix d’interprétation féminine pour ce rôle à Cannes) est une mère célibataire et phytogénéticienne qui vient de concevoir une fleur destinée à des voies thérapeutiques car, une fois bien nourrie et respectée, elle exhale son pollen et rend son propriétaire heureux, littéralement.
Baptisée Little Joe, la plante s’avère remplir parfaitement son office. Mais les personnes qui sont à son contact et hument son parfum ne sont pas seulement plus heureux. Ils ne sont plus eux-mêmes. Les changements de comportements et incidents qui en découlent sont petit à petit tus, et bientôt l’espoir de pouvoir présenter la plante à une foire en des milliers d’exemplaires devient le but ultime de chaque membre de l’équipe d’Alice. Même les plus réfractaires deviennent subitement prêts à tout pour parvenir à présenter le plus de fleurs possible à plus d’humains.
Au sein du laboratoire, Alice fait doucement partie des « résistants », déchirée entre l’envie de porter sa création à la postérité et les doutes qui naissent en voyant son propre fils changer de comportement. Car, en enfreignant les règles de son labo, elle avait subtilisé une fleur pour l’offrir à son fils… devenant par là-même, et sans le savoir, complice de l’expansion du « problème ».
Le scénario vaut vraiment par son côté subversif et une réalisation très précise, réussissant à pousser l’aspect de déshumanisation hors de ses tranchées préconçues de l’horreur façon invasion silencieuse. La photo y est aussi superbe, imposant une distance esthétique à ce récit, et répondant à une volonté nette d’abolir l’effet spécial de l’action seule. Ici, tout est soupesé, réfléchi, pondéré. Tout comme l’esprit transformé de celui qui a sniffé du pollen amélioré. Les émotions sont atténuées aux seules positives.
Alors… on voit Little Joe et on aime.
Little Joe sort le [mks_highlight color= »#dce6ed »]13 novembre 2019[/mks_highlight] en France.
Prix du Public
The Room de Christian Volckman (France, Belgique)
Le public strasbourgeois a plébiscité The Room, et je dois avouer ne pas du tout partager cet engouement. Mais pitchons d’abord.
Un jeune couple (Olga Kurylenko et Kevin Janssens) débarque dans leur toute nouvelle maison, ou plutôt toute nouvelle vieille maison à retaper, quelque part dans un trou perdu de l’état de New-York. Ils emménagent et commencent à déblayer pour prendre possession des lieux de cette maison très XIXe. Pièces gigantesques, plafonds hauts, fenêtre immenses, bref, on n’est pas des agents immobiliers.
Et voilà que derrière un amoncellement de meubles se cache une porte. Et derrière cette porte bizarre, à la serrure encore plus bizarre, se trouve… une pièce. Vide.
Étrange dans une baraque farcie de mobilier divers, semblant sorti de toutes les époques. Un soir, par accident, Matt comprend le secret de la pièce. Quand on y fait un vœu, il s’y réalise. « Ah si seulement j’avais une paire de skis de fond » chtoooiing apparaissent les dits skis de fond.
Alors, autant dire que, dans leur vie, d’un coup d’un seul, tout change. Jusqu’au moment où le seul vœu qu’il ne fallait pas faire est émis dans la pièce magique.
The Room est un peu comme une maison témoin. Un montage global, rapide, pour donner une structure proche de ce que devrait être un véritable bâtiment, avec une déco superficielle. En résumé, ici on a une idée marrante au départ, mais qui ne l’est jamais vraiment, et finalement qui pèse lourd côté pénible. Hormis les incohérences dans lesquelles plongent automatiquement les scénarios de ce genre, le plus gênant des défauts reste celui de la facilité préférée en permanence. Difficile à trouver, toute cette empathie qu’on est sensé développer pour supporter ce couple au fur et à mesure du développement des obstacles, alors qu’il faut faire un réel effort pour croire en eux dès le début (les efforts un peu trop visibles d’Olga Kurylenko sont sacrément crispants).
Bref. Il voulait un financement à la taille de ses espérances, pour se permettre une poignée d’effets et une distribution internationale, hors du difficile sentier français, Christian Volckman a sûrement signé un film carte de visite qui le fera peut-être connaître sur le sol étranger. Ainsi que ses œuvres picturales visibles dans le film.
Sortie en salles côté Belgique (pays de coproduction) prévue le [mks_highlight color= »#dce6ed »]6 novembre[/mks_highlight].
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Grand Prix Crossovers
Dogs Don’t Wear Pants de J.-P. Valkeapää (Finlande, Lettonie)
La proue du film est bien la thématique du deuil et sa difficulté.
Juha (Pekka Strang) est un homme désincarné depuis la mort brutale de sa femme. Chirurgien, il tait sa douleur quotidiennement dans le contrôle de l’exécution de sa vie, son statut de père, et recherche la présence de sa femme qui l’obsède dans de pathétiques petits moments désespérés. Par hasard, en accompagnant sa fille se faire percer la langue, il tombe sur une salle SM et une dominatrice appelée Mona (Krista Kosonen). Ainsi commence sa nouvelle découverte, la possibilité de se faire asphyxier et reproduire ainsi le fugace dernier moment qu’il a connu avec sa femme, alors qu’il tentait de la secourir de la noyade.
Le détour par la douleur, l’autopunition, aussi incroyable que ce chemin soit pour lui, celui qui maîtrise tout, est la seule véritable voie qui vaut d’être encore en vie. Et face à lui se tient une femme maîtresse qui recherche le contrôle de la douleur, de l’émotion, vivant une parfaite dualité entre son exercice nocturne et sa profession de kiné. Assistance et torture.
Ces deux-là se trouvent donc pour le pire et pour le pire. Mais attention, ce film, dramatique et touchant, ne tombe jamais dans la caricature. Car quand il s’agit de sexualité hors norme, difficile de ne pas se laisser aller au jugement, au gloussement. Le travail photographique y est, comme prévu, un de ses points les plus positifs et la distance esthétique protège son sujet. Notre recherche de perte de soi dans l’acte sexuel prend des formes multiples, et certaines se passent dans la douleur, l’humiliation, répondant à la base animale de nos corps.
Nous ne sommes pas tous prêts à prendre en compte les différences qui nous animent, à faire face à la contrainte d’être. Ainsi plusieurs réactions ont fusé à la fin de la séance, questionnant l’utilité de montrer certaines pratiques. Alors que l’exhibition n’est jamais le moteur de ce film, évidemment dur, difficile, parce que branché directement à la douleur (et donc au plaisir) de Juha.
Noirceur à la couleur du latex, dialogues qui claquent à la manière d’un fouet, exécution de rôles au biseau, Dogs Don’t Wear Pants est une réussite mais qui ne rencontre pas la tragédie qu’un Cronenberg aurait pu conduire jusqu’à la folie. On peut regretter de voir Jukka-Pekka Valkeapää retrouver le chemin dominant et rassurer le chaland.
Le film court les festivals (vient d’obtenir le prix de meilleur Film Fantastique au Slash Festival de Vienne) jusqu’à sa sortie officielle finlandaise le [mks_highlight color= »#fcd265″]1er novembre[/mks_highlight] 2019.
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Cigogne d’or du meilleur film d’animation : Ex æquo
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J’ai Perdu mon Corps de Jérémy Clapin
(France)
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Away de Gints Zilbalodis
(Lettonie)
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Mention spéciale du jury
L’Extraordinaire voyage de Marona de Anca Damian (Roumanie, France)
Une sélection assez réussie pour cette 12e édition, et s’il ne fallait retenir qu’un rendez-vous un seul parmi tous les événements qui ont ponctué ce FEFFS 2019, admettons qu’avoir eu le courage d’organiser une séance « secrète », à savoir un lieu de projection et un film mystère jusqu’au dernier moment, mérite une mention plus que spéciale !

Les organisateurs avaient donné rendez-vous à 20 heures à 500 personnes avec pour seule indication, celle de prévoir des vêtements chauds. Alors que tombe la nuit, cinq bus affrétés pour l’occasion se remplissent de personnes dont on masque les yeux pour faire persister le mystère jusqu’au lieu d’arrivée, un bois à la scénographie qui fait deviner immédiatement de quel film il s’agit : Le Projet Blair Witch (dont on fête les 20 ans cette année).
La séance en immersion de l’année ! Chapeau à Daniel Cohen et ses partenaires d’avoir osé, la barre est haute pour la prochaine édition. Alors, à l’année prochaine !