[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n marge, Georges Franju l’a été, probablement à son corps défendant. Inassimilable aux grands courants qui ont traversé le cinéma français du XXe siècle, le cinéma de Franju se caractérise entre autres par une sorte de permanence, de présence sous-jacente, d’obsessions durables. À commencer par son désir de Fantômas, un personnage qui le fascinait et qu’il ne pourra jamais porter à l’écran, laissant le héros masqué à un André Hunebelle qui en fera le succès qu’on connaît, avec la complicité de Jean Marais et de Louis de Funès… au grand dam d’un Georges Franju qui ne partageait pas, c’est le moins qu’on puisse dire, cette vision « grand public » du héros maléfique. C’est sans doute pour cela qu’il se rabattra sur le personnage de Judex, cousin de Fantômas, auquel il donnera vie en 1963 avec son film éponyme…
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La filmographie de Franju est étonnante par sa diversité et sa richesse : 8 longs métrages entre 1958 et 1974, une quinzaine de courts métrages et documentaires, sans compter les téléfilms et épisodes de séries auxquels il a collaboré. De cette filmographie, on retient souvent Les yeux sans visage (1960), film devenu culte, avec la présence aussi lumineuse qu’éthérée de la délicate Edith Scob, accompagnée de ce vieux briscard de Pierre Brasseur, et Judex (1963), hommage à Louis Feuillade scénarisé par le petit-fils de Feuillade, Jacques Champreux, et par Francis Lacassin, qu’on connaît mieux en tant qu’auteur, journaliste et spécialiste de BD. On sait moins le rôle considérable joué par Georges Franju auprès d’Henri Langlois, avec lequel il co-fondera la Cinémathèque. Ce dernier écrira d’ailleurs à son propos : « (…) il est le seul metteur en scène insolite de ce temps. Il est aussi le seul, depuis Vigo, à soumettre l’objectif à sa vision, à lui ôter toute participation involontaire. L’œuvre de Franju ne peut donc qu’enthousiasmer ceux qu’enchante le pouvoir qu’il leur donne de voir enfin êtres et choses tels qu’ils sont, dépouillés de la buée des traditions et des conventions. » (Henri Langlois, Ecrits de cinéma, Flammarion / La cinémathèque française).
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Le dictionnaire est donc une approche parfaite pour mieux cerner la personnalité de ce cinéaste hors norme. Frantz Vaillant, documentariste et biographe, s’est ainsi laissé la liberté d’explorer sous toutes ses facettes la personnalité de Georges Franju et les multiples chemins qu’il a empruntés tout au long de sa carrière. Jean-Pierre Mocky a préfacé le livre, soulignant d’emblée la singularité du cinéaste et de son parcours, tout en dressant du cinéaste un portrait mi-figue, mi-raisin… Les entrées, de « Académie du cinéma » à « Zone d’influence », permettent de resituer Franju dans le contexte foisonnant du cinéma français de l’époque, et également de se replonger dans l’histoire même de ce cinéma. On dit souvent que ce sont les rencontres qui déterminent la carrière d’un artiste, quelle que soit sa discipline. C’est encore plus vrai pour Georges Franju et ceux qui ont croisé son chemin. Ainsi Charles Aznavour jouera le rôle très noir d’Heurtevent, l’aliéné épileptique, dans La tête contre les murs et recevra l’Etoile de Cristal pour son interprétation en 1960; il connaîtra la même année ses premiers succès en tant que chanteur…
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Au fil des pages, on croise avec émotion le grand Freddy Buache, formidable directeur de la cinémathèque de Lausanne, décédé en mai de cette année, dont l’épouse Marie-Magdeleine Brumagne publie en 1977 un beau recueil d’entretiens, Georges Franju, entretiens et aveux (L’Âge d’homme). Plus surprenante, l’apparition de… Walt Disney en tant que fan des courts métrages de Franju ! On apprend aussi avec un brin d’émotion la relation d’estime qu’entretenaient Georges Franju et Marguerite Duras, et on regrette du coup que leur projet de film commun sur le sujet des nord-africains à Paris n’ait pas pu voir le jour.
Sous couvert du classement alphabétique qui caractérise un dictionnaire, ce livre se rapproche en fait d’une biographie sensible de Georges Franju. Tel un peintre du pointillisme, Frantz Vaillant compose, par petites touches, le portrait de l’artiste, jouant avec couleurs chaudes et couleurs froides pour ce maître du noir et blanc, avec le clair et l’obscur. Au final, le lecteur n’a plus qu’une envie: voir ou revoir la filmographie de Georges Franju.
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Georges Franju – Le dictionnaire d’une vie de Frantz Vaillant
Paru chez Marest Éditeur, octobre 2019
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Cet article m’a vraiment donné envie de me plonger dans la filmo de Franju !
Merci Velda pour l’éclairage !
Merci à toi Jen, si j’ai atteint cet objectif-là, je suis contente!