Voilà un an je vous parlais du formidable premier tome de la nouvelle trilogie de Frédéric Paulin. En février dernier, c’était le deuxième tome qui nous laissait pantois. Aujourd’hui je finis le troisième tome et j’en reprendrais bien pour quelques uns. Mais il faut savoir finir et là, Paulin ne fait pas semblant dans Que s’obscurcissent le soleil et la lumière. Ça tue, ça disparaît, ça se suicide, ça prend un couteau dans le cœur, ça souffre de Parkinson et tout ça entre deux portes, rapidement, en quelques mots. L’auteur liquide ses personnages, ceux qu’on a suivis sur près de mille pages. Pas tant d’émotion dans le choix de les expédier si vite, juste l’Histoire collective qui avance au milieu des histoires individuelles. Ces dernières se terminent mais l’Histoire elle, continue, broyant tout sur son passage.
Et au milieu de tout cela, du Liban ou des élections présidentielles françaises et des pauvres journalistes otages, se pavanent Chirac, Mitterrand ou encore Pasqua. La grotte d’Ouvéa aussi, en quelques lignes dans le récit. Et surtout la manière dont Chirac et ses amis tentent d’instrumentaliser cet événement/ces événements afin de tenter encore de gagner les élections. Car il semble que la libération des otages ne suffira pas. Tout est prétexte à la politique : les otages, la grotte, les assassinats ou les attentats.
« Paris est vraiment devenue une ville folle, où les attentats se succèdent aux assassinats, où un jeune homme se fait matraquer à mort par des policiers dans l’entrée d’un immeuble du Quartier latin.
Et Élise a raison: Mitterand et Chirac jouent avec le feu pour se maintenir au pouvoir.
Ils jouent avec le feu, et leurs concitoyens, clients d’un grand magasin, étudiants, otages, risquent d’être immolés sur cet autel d’une ambition sans frein. »
─ Frédéric Paulin, Que s’obscurcissent le soleil et la lumière
La guerre au Liban trouve aussi une sorte d’épilogue. Un nouveau président arrive au pouvoir mais tout cela est mauvais pour les chrétiens d’Orient. Michel Nada, un des personnage présent dans les trois tomes a fini par retourner dans son pays, abandonnant la politique française. Lui et son frère croiseront sur leur route un autre des personnages des trois livres, pour en finir de manière dramatique mais presque logique tant la souffrance est grande et doit cesser un jour.
À ce titre, on se demande quel personnage peut prétendre avoir souffert le plus : hésitation entre Dix-neuf et Zia pour ma part. Peut-être bien mes deux favoris des trois livres.
Comme quoi même si l’Histoire est en marche, Paulin a pris soin de concocter de grands personnages.
« Le Liban, ce grand bordel.
Le Liban qui n’en finit pas de se faire la guerre. Les alliances, les mésalliances, les contre-alliances, les fausses alliances. Qui peut encore tenir la chronique de cette guerre?
Dès qu’il pose un pied dans la ville, Dix-neuf a l’impression de s’enfoncer dans les sables mouvants de l’Histoire, là où les historiens, au mieux, parleront de zone grise, s’entendront pour ne pas entrer dans les détails, préfèreront euphémisme ou passer sous silence l’indicible. »
─ Frédéric Paulin, Que s’obscurcissent le soleil et la lumière
Au final, cette nouvelle trilogie de Frédéric Paulin est une somme impressionnante sur l’Histoire du Liban, sur les ingérences d’autres pays, sur le combat de certains, mené à tort ou à raison, sur une certaine politique française.
Ça se lit parfois comme un polar et d’autres fois, selon les pages comme un livre d’Histoire, comme une documentation très serrée d’un moment dans le monde du Liban.
C’est tout le temps passionnant.
Certains verront ou liront du Ellory, de mon côté certains passages évoquent David Peace. Éternel débat d’ailleurs entre ces deux grands auteurs.
Difficile sans recul de choisir entre cette trilogie et celle de Benlazar. On attendra quelques années, relisant les deux, peut-être. Ce dont on est certain cependant, c’est que les deux feront date.
Quel sera le prochain projet de Paulin ? On est curieux de savoir mais après tout peu importe, là aussi une chose est sûre, ce-ces nouveau-x livres, on les lira.



