En l’an de grâce 2014, décembre pour être plus précis et le 15 pour l’être encore plus, sortait en loucedé, sans être véritablement prévu pour cette fin d’année, l’excellentissime Black Messiah de D’Angelo. L’album, chroniqué en ces lieux, fit figure d’événement mondial majeur, fila des sueurs froides aux chroniqueurs musicaux les forçant à bousculer leur traditionnel top établi six mois à l’avance et éclipsa, de par son rayonnement, toutes les sorties prévues à ce moment là.
Le même mois de la même année (et comme chaque année par ailleurs), à peine le calendrier de l’avent entamé, il est de tradition, quand on est chroniqueur ou qu’on a rien d’autre à foutre (ce qui parfois revient au même), de ne plus écouter aucune nouveauté et d’occuper son temps de cerveau disponible à se récurer les conduits auditifs avec les sorties des onze mois précédents afin de déposer un bilan digne de ce nom.
Bref, en 2014, sortir un disque en décembre, c’était comme se faire hara-kiri avec D’Angelo pour vous achever. Classe, certes, mais aucune chance d’émerger après même de façon posthume.
C’est donc dans ce contexte plutôt hostile qu’est sorti le 1er décembre dernier The Light premier album de Fvnerals, trio de Brighton composé de Syd Scarlet à la guitare, Antoine Mansion à la batterie et Tiffany Strm aux chants et synthés. Pour la petite histoire, le groupe, formé en 2013, sort rapidement un EP (The Hours dans lequel il pose les bases de The Light), se met en veille jusqu’à l’été 2014 et enregistre ensuite pour leur propre label Eerie Echoes, ainsi que Throne Records, le très beau The Light.
Musique lente et majestueuse, grave et d’une beauté diaphane, The Light, pour faire simple, invoque l’esprit des corbeaux des années 80 (le Faith de The Cure en tête), le Slowcore de Low (première époque, celle de I Could Live et The Curtain Hits), ainsi que le Dark Folk d’un Tenhi. Le disque, sorti initialement en vinyle, développe sur les deux faces toutes les nuances de gris possibles et imaginables. La première, si elle commence par un Oath atmosphérique et lourd, flirtant avec le Funeral Doom, lève peu à peu le voile et laisse entrer l’espoir (sans pour autant accélérer le rythme) à mesure que les morceaux se dévoilent, chaque fois plus lumineux, et ce jusqu’au magnifique Shine. La seconde quant à elle va a contrario de la première; commençant par un Tiga tirant vers le clair/obscur, la suite vire peu à peu au gris anthracite avec un Closer habité, l’album s’achève sur un The Light en deux parties. L’une Dark Ambient/Drone éthérée, musicale et martiale, l’autre plus pesante, fantomatique, pourrait faire penser à une relecture Dark et sous valium des Cocteau Twins.
Bref, vous l’avez compris, The Light s’adresse à un public bien ciblé et nostalgique des années 80 (jusqu’à la pochette de l’album, très sobre). Pour l’apprécier, il faudra passer outre cette rythmique lourde et lente très inspirée par le Funeral Doom, les références évidentes à la Cold Wave (The Cure, Cocteau Twins, etc…) ou au Slowcore. Mais aussi référencé soit-il, les qualités mélodiques de The Light sont bel et bien présentes (trois morceaux se détachent du lot avec pour sommet Shine, classique quasi-immédiat) et Fvnerals excelle, sur toute la longueur de l’album, à créer des atmosphères prenantes et passionnantes et ce, sans moments faibles. Bref, tout y est parfaitement maîtrisé et augure d’une carrière passionnante et remarquable si Fvnerals a la bonne idée, la prochaine fois, de virer son manager en charge des plannings de sortie. Parce que lui, plus que tout autre, à les condamner ainsi à l’oubli, mériterait de faire un tour à Guantanamo écouter l’intégrale mashed-upé d’Hervé Vilard et Jive Bunny en boucle.
Sorti chez tous les disquaires nostalgico-mélancolico-neurasthéniques le 1er décembre 2014