Ils sont quatre personnages perdus, aussi différents que peuvent l’être des hommes et des femmes entre eux et pourtant indissolublement liés au sein du Royaume de Gonçalo M. Tavares, maître de l’absurdité, de cette littérature de l’au-delà du réel qui glace autant qu’elle invite à une réflexion profonde sur notre modernité et ses insaisissables béances. Dans ce nouvel opus du cycle Royaume, L’os du milieu, qui parait en cette rentrée littéraire, le plus talentueux et déstabilisant écrivain de la scène littéraire portugaise nous invite à un tableau social en quatre actes, un pour chacun de ses protagonistes.
Il y a d’abord le vieux Kahnnak, assassin cynique en fuite et terreur de sa maison où les femmes murmurent dans son dos. Il a toujours été du côté de la déviance. Il est peu convaincu par la fiction que représente la société qui tente de nous faire croire à l’illusion d’un monde ordonné par les lois et qui oublierait la biologie des humains, qui oublierait ce que c’est qu’être vivant, qui oublierait qu’il y a deux façons d’échapper au danger, « en étant plus humain ou plus animal« . Il y a aussi Maria Llurbai la femme adultère trop belle, rejetée par sa famille et qui erre affamée et désirante à la recherche de celui qui a causé sa perte. La troisième figure de cet équipage est un médecin, Albert Mulder, un médecin qui regarde les yeux aveugles de ses jeunes patients mais qui regarde plus encore leurs corps tandis qu’eux ne peuvent pas voir les yeux pervers qui voient plus qu’ils ne devraient. Mais dans ce jeu de vision il y a un troisième angle au triangle celui de la sœur d’Albert qui regarde celui qui regarde les garçons, et qui se tait. Enfin pour clore ce carré il y a Vassliss Rânia, boucher de profession qui semble s’obstiner à couper de la viande pour permettre à son frère fou de jouer plus tranquillement du violon.
« Kahnnak ramassa la partie principale des ruines de la tasse ; en miniature, c’était la Rome antique qui se trouvait là, ce qui avait survécu de robustes empires, de vies magnifiques ; la partie principale qui résiste au temps se dessine fortuitement, une erreur peut laisser la vie sauve au mesquin et enterrer celui qui l’instant d’avant donnait encore des ordres.
Ce qui restait de la tasse avait un format impossible à prévoir la minute précédente. Les transformations guerrières infligées à la matière le stupéfièrent au point qu’il en fronça les sourcils et demeura ainsi durant plusieurs secondes, interdit. »
─ Goncalo M. Tavares, L’os du milieu
Alors bien sûr ces quatre existences fracassées vont se croiser, partager leurs errances et leurs absurdes trajectoires dans un récit baroque, inventif et qui ouvrent des portes à l’infini. Car en effet lire Gonçalo M. Tavares, c’est à chaque fois faire une expérience de lecture unique, se confronter avec des idées, des points de vue que vous n’avez jamais eus, que vous n’auriez sans doute jamais osé avoir, et recevoir en pleine face des giclées de sens et de non sens mélangées. Les textes de Gonçalo M. Tavares, mettent en scène des « bestioles humaines » qui comme le professeur d’épistémologie qu’il est, s’interrogent vainement sur les conditions de possibilité de leurs vérités. On voudrait tout noter dans ses livres, tout retenir, tant chaque page recèle de petits pavés dans la mare qui viennent agiter avec bonheur et intérêt la surface de nos consciences trop lisses.
Les petites farces crues ( on urine beaucoup, le sexe côtoie de façon obscène la faim qui tenaille les hommes, la viande est par essence en putréfaction) mais aussi à la poésie souvent bouleversante de Gonçalo M. Tavares, sont au premier chef des livres politiques. Des livres qui disent où nous en sommes, des pouvoirs iniques, des mains parfois tendues ou pas, et surtout de ce que nous sommes devenus « à l’ère de la technique » comme le titrait un précédent et exceptionnel volume du Royaume. Elles exhibent des êtres en fuite, de ceux qui ont parfois renoncé au monde, renoncé à partager l’avenir de cités conçues pour les forts. Elles confrontent les hommes à la Nature qui ne ment pas et à leur impuissance terrible. « Être vivant c’est ne pas connaître la solution » nous dit l’auteur dans une écriture ramassée, poussée jusqu’à l’os, et qui nous dévoile le monde tel qu’il est peut-être, si on avait l’absurde courage de le débarrasser de ses inutiles affects, de tous ses mensonges et ses stratégies de dissimulation.
« Le progrès est un récit, bien sûr, une succession d’événements qui percutent des héros, ou l’inverse; et le héros, immortel, le héros résiste, il sort plus fort de chaque épreuve, mais l’héroïne c’est la cité, la cité comme premier et dernier réduit du progrès, de ce qui s’est fait et pensé de mieux, l’unique protagoniste du récit. Parce que l’individu, isolé, qui par mesquinerie et avarice n’a reçu qu’un seul nom, cet humain, lorsqu’il est confronté à la force, quelle qu’elle soit, est seul comme était seul un homme d’il y a dix mille ans: il ne pourra pas se défendre avec des phrases. »
─ Gonçalo M. Tavares, L’os du milieu
Alors ça va loin, très loin, aux limites de notre compréhension, dans un univers sans compromis et sans fard qui surprend autant qu’il bouscule le lecteur. L’os du milieu, texte court et dense est une excellente manière de pénétrer l’univers du grand écrivain qu’est Gonçalo M. Tavares et un nouveau territoire de son incroyable Royaume. Assurément un de mes plus forts coups de cœur de cette rentrée 2024 !
L’os du milieu de Gonçalo M. Tavares
Traduit Dominique Nédellec
Viviane Hamy Éditions, 4 septembre 2024
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