[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]ne certaine Pénélope F. se réveille tous les matins en se demandant « mais que se passe-t-il donc en France ??? »
Addict-Culture, par l’entremise de ses courageux et insouciants chroniqueurs musicaux, tente de lui répondre en partant à la rencontre de l’un de ses nombreux musiciens qui font de notre cher pays un formidable creuset de talent et d’abnégation. Aujourd’hui, et pour la seconde fois, c’est Gu’s Musics qui répond à nos questions à l’occasion de la sortie de son formidable album Happening.
Avant de laisser la parole à Gu’s Musics, regardons de plus près cet Happening, huit titres financés grâce à Microcultures, magnifiquement servis par la production de Christian Quermalet, de The Married Monk, et les mots de Yan Kouton qui composent tous les textes à l’exception d’À Quoi Bon, que l’on doit à Gu’s Musics, lui-même.
Happening reprend le fil d’Aquaplanning mais des incursions vers la pop et les subtiles interventions de Christian Quermalet illuminent l’album, lui donnant une tonalité plus ample, avec, en point d’orgue, le splendide morceau final Sans Fin Rattrapé.
Gu’s Musics s’inscrit dans la haute lignée des grands musiciens français, de Murat à Gainsbourg, de Dominique A à Bashung mais l’ambiance sombre et puissante nous renvoie surtout vers quelques uns des grands groupes indés américains des années 90, Swell en tête (magnifique Nox).
Les morceaux, assez longs, prennent le temps de s’installer et font la part belle aux guitares pour créer un univers de fin de règne, à l’ambiance toute cinématographique, bande son idéale pour le David Lynch de Lost Highway et Mulholland Drive. De l’aérien et mélancolique À Quoi Bon, au plus direct Le Langage Des Choses en passant par le poignant À L’Entour, Gu’s Musics nous propose un splendide album, complexe au premier abord mais d’une richesse évidente et passionnante.
Beachboy
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l est temps de lui laisser la parole :
Lors de notre précédent entretien, tu évoquais le projet d’un prochain album. Happening est désormais bouclé. Tu te sens comment avant le retour du public, stressé ou juste de la bonne adrénaline ?
Un mélange des deux. L’album a été conçu de Mai à Décembre 2016 puis mixé en Janvier 2017. Les choses ont été assez vite finalement. Christian Quermalet est parti de mes démos pour épurer les compositions. Je lui ai laissé une totale carte blanche. Il a ajouté des samples et des parties de claviers. Le résultat, suite à sa touche personnelle, est époustouflant. L’album est en ligne depuis deux semaines et les premiers retours sont plutôt bons. Là, je vais me coller à la promo et j’espère avoir également un bon feedback. Pour répondre à ta question, il y a eu une importante montée d’adrénaline mais j’ai eu du temps pour réaliser les choses donc, bizarrement (et sans prétention), je n’ai pas de crainte vis-à-vis des critiques.
C’était voulu après Aquaplaning de choisir un nom d’album sur un vocable anglais qui rime en « ing » ?
L’idée de départ était d’utiliser le titre pour permettre à divers intervenants de me suivre sur le projet. Il y a en effet chez Happening une idée de suite avec Aquaplaning. Les mêmes conditions techniques avec un enregistrement dans mon propre home studio. En fait, j’ai été confronté à la complexité logistique du featuring mais j’ai conservé le titre Happening avec des chansons plus solaires, plus lumineuses.
Huit pistes, c’est le chiffre idéal ?
En fait, je souhaitais initialement une bonne dizaine de chansons puis il s’est trouvé que les titres étaient assez longs donc au final j’ai préféré rester sur un album d’une quarantaine de minutes. Au-delà, le risque était de le rendre indigeste et puis j’aime ce chiffre 8 et l’ordre des morceaux s’impose bien. L’idée dans Aquaplaning était la densité mais avec Happening il y a plus d’éclectisme.
Un peu bâti pour être livré en support vinyle avec deux faces de quatre titres chacune ?
Je n’ai pas songé initialement à sortir le disque en vinyle mais à réception du CD je me suis dit en effet que ce format s’y prêterait. Une idée de vinyle rose si les ventes le permettent…
À ton sens, qu’est-ce qui différencie Happening d’Aquaplaning ?
À la base, je ne calcule pas. Les compositions sortent du bout de mes doigts, les structures ne venant qu’après. La grosse différence vient surtout de mon cadre personnel qui a changé, la faculté alors de composer dans d’autres directions et cette liberté d’aller là où je voulais. Pour Aquaplaning j’avais calqué ma musique sur les textes de Yan Kouton. Cette fois-ci, c’est la musique qui a été le point de départ avant d’aller chercher les textes de Yan.
Comment t’es venue la décision de solliciter tes fans via le crowdfunding ?
C’est tout simple. J’ai d’abord démarché les labels. Certains m’ont répondu mais les quelques retours étaient négatifs. J’ai donc décidé de partir dans l’autoproduction mais en faisant appel à Microcultures. Sincèrement, leur soutien m’a permis d’être accompagné dans ma démarche. C’était une prise de risque tout de même pour un inconnu avec un budget relativement bas. J’ai eu peur de ne pas y arriver mais surtout la chance d’avoir une centaine de contributeurs permettant aujourd’hui la réalisation de l’objet. Avec du recul, je me dis que Microcultures m’aura permis une évidente liberté dans la conception des choses.
Pour un album solo tu t’es plutôt bien entouré avec notamment le concours de Christian Quermalet dont tu évoques la large participation sur le disque. Peux-tu nous dire comment la rencontre a eu lieu et ce qu’il a apporté au projet ?
La rencontre musicale s’est faite lors d’un concert de The Married Monk en 1996 à Poitiers. Je suis depuis toujours fan de ce groupe et du travail de Christian. Il y a quelques années nous avons pu échanger via Facebook (à ce jour nous n’avons pas encore pu nous croiser physiquement). Il y avait une volonté réciproque de travailler ensemble bien avant le projet de financement. Au début, il devait juste s’occuper du mixage du disque puis, finalement, c’est une production artistique complète qu’il m’a apporté.
Pour les paroles, c’est à nouveau Yan Kouton qui est à l’écriture. Peut-on parler d’un lien quasi gémellaire entre vous deux ?
Sans volonté de nous fixer au même niveau, je compare notre travail comme celui issu du schéma entre Alain Bashung et Jean Fauque. Yan a plus de 7000 poèmes en stock. Je suis amoureux de sa poésie, elle me parle. C’est une matière noble que j’ai pu intégrer dans mes chansons puisqu’il a eu la gentillesse de me laisser puiser dans son œuvre. La fusion dans notre travail est complètement naturelle.
Tu es tout de même derrière l’écriture d’un titre (À Quoi Bon).
Ah oui, il y a une vraie histoire avec cette chanson. Elle a été écrite en 1993 à une époque où elle devait sortir alors que mon ancien groupe était en contact avec Lithium. Je suis heureux finalement de la sortir de l’ombre. C’était logique, voilà pourquoi elle a été réarrangée et intégrée à Happening.
Sur ce titre en particulier, on sent une tentation d’aller encore plus loin vers une pop légère grâce notamment au dédoublement du chant.
C’est plus un retour aux sources. D’ailleurs ma voix aigüe est un rappel de mon ancienne tessiture. L’idée avec le doublement du chant était de faire le lien entre aujourd’hui (avec mon timbre plus grave) et les choses qui se sont passées il y a vingt ans.
Revealed qui ouvre magistralement le nouvel opus est gonflé par des nappes synthétiques et une ambiance proche des compositions d’un groupe comme Archive. As-tu eu conscience de ce résultat lors de la création du titre ?
Effectivement, c’était une volonté de partir sur quelque chose d’épique. C’est la seconde démo que j’ai réalisé, avec une prise de conscience assez rapide de sa nature. Ce morceau introduit en fait la raison pour laquelle je continue de faire de la musique. La thématique abordée est comme un coup de tête en ouverture… Une force, une puissance tout en étant planante !
Le Langage des Choses sonne très rock. Là encore tu sembles explorer quelques influences d’un autre genre.
Le titre est à la fois rock mais aussi très pop. C’est la première démo que j’ai écrite. Je n’ai pas recherché à ressembler à autre chose. Je suis incapable de dire à quel groupe ceci peut ressembler. Cette chanson est linéaire. Il y a eu un gros travail d’arrangement de Christian dessus, avec notamment l’ajout de synthé. C’est la chanson la plus directe du disque.
Autre morceau que j’ai trouvé remarquable dans sa construction, c’est Le Séjour Des Peines. À la première écoute (sans doute trop rapide) j’ai ressenti quelque chose de statique et finalement c’est devenu l’une des pistes que je me passe le plus car il y a une progression qui flirte avec l’hypnotisme. Le morceau d’ailleurs s’étire et je lui trouve une juste durée sur sa longueur, ni trop ni pas assez. Peux-tu m’en dire plus sur ce ressenti pas forcément direct dans ta musique ?
Ce que tu décris est également le ressenti que j’ai eu lors de son écoute finale. Là encore, un gros apport de Christian sur les épurations de la démo avec un beat plus lourd mais aussi l’ajout d’une seconde voix qui ont fortement participé au côté hypnotique de la chanson. Le morceau est long même si sa durée est presque parfaite. Un titre plus complexe à aborder mais, là encore, réside la beauté du texte qui nous emporte…
J’ai cru comprendre que tu préparais un clip pour le titre Nox. C’est important aussi pour toi l’image ?
Oui c’est important le rapport à l’image. L’artwork du graphiste Julien Jaffré est un habillage parfait de l’album. Un univers proche du mien. Pour le clip, qui sera réalisé par Rodolphe Albarede, c’est également bien parti pour coller au ton de la chanson, outre le fait d’être un moyen de faire participer certains contributeurs. L’idée est, en tous les cas, fameuse mais je n’en dis pas plus…
Des projets pour la scène ?
Un showcase est prévu à L’Étiquette (caviste dans le 4ème arrondissement de Paris – ndlr) même si la date n’est pas encore planifiée. Je vais même te confier un scoop, Christian Quermalet devrait vraisemblablement m’accompagner pour ce set. Pour le reste, c’est très difficile lorsque tu n’as pas de tourneur et puis, j’ai la volonté de garder sur scène l’esprit électrique de l’album mais il faut que je travaille encore pour aller dans ce sens. J’ai une vie extérieure et ça pourrait être vite épuisant donc le projet de live est en gestation mais il va aussi falloir que je voie comment l’album sera reçu. Sur ce point je reste donc dans l’expectative même si, au fond de moi, j’en ai la volonté.
Pour conclure cet entretien, une question à me poser ?
(Rires) Comment positionnes-tu mon album dans le spectre de la chanson française ?
Je te situe dans un ensemble d’artistes imprégnés de musique anglophone mais qui parviennent à magnifier la langue française dans des chansons à fort potentiel émotionnel. D’ailleurs, j’ai cette chance depuis que je collabore pour le webzine Addict-Culture de découvrir des nouveaux musiciens dans cette veine. Je pense notamment à Baden Baden, Erik Arnaud, Matthieu Malon…
Je suis donc heureux de participer à cet élargissement dont Dominique A fut sans doute l’un des précurseurs avec, comme tu le dis, cette fameuse touche émotionnelle. Il a tout de même permis une ouverture sur des chansons différentes. Une formation de pop anglaise mais avec des textes en français.
Propos recueillis par Ivlo Dark
Le jeu concours est désormais clôturé.
L’heureux gagnant a été alerté par notre équipe.