[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es éditions Zones sensibles ont fait paraître une remarquable traduction de Hilarotragœdia. Premier livre publié dans son pays et coup de maitre de Giorgio Manganelli, écrivain italien, qui avec le Gruppo 69, a voulu dynamiser la littérature qui paraissait traîner les guêtres d’une passivité volontaire. Ici point de personnages et de linéarité, l’auteur effectue un geste stylistique avec puissance et rigueur. À l’inverse du roman classique, nous sommes joyeusement perdus dans des gloses, notes et fragments narratifs dont nous déchiffrons les thèmes : la mort, l’angoisse ou encore la « nature descensionnelle » de l’Homme.
C’est un livre inclassable mais aussi un véritable labyrinthe dans un sens à peine métaphorique. Les parois sont faites dans un style baroque, la langue avalant toute notion de perception. Perdu et parfois sonné, le lecteur que nous sommes voudrait qu’un professionnel, comédien ou autre lecteur récite ce texte pour nous soulever à l’extérieur, nous faire échapper de ces sables mouvants. Il semble pourtant sûr que dès les premiers pas dans ce livre, nous ne puissions en ressortir. L’avancée se fait et tandis que nous avons reconnu l’Hadès, un passage semble libératoire, nous ôtant toute pesanteur.
C’est un passage qui donne un aspect intime au livre, celui d’un fils qui parle de sa mère. Le chaos se tempère, le style devient plus sobre. Puis arrive cette phrase qui semble la porte de sortie du labyrinthe, la clé qui nous en fera sortir :
Y est esquissé le concept fondamental qui dit que le bégaiement est intrinsèque à la véritable éloquence.
La lecture se fait maintenant comme apaisée. Le corps du lecteur est dans cette lévitation «descensionnelle». Refermant ce livre, nous avons éprouvé notre pesanteur pour mieux nous en extraire. Pouvoir magique qu’une littérature aussi solide que celle de Giorgio Manganelli peut réaliser.