Nous vous proposons de découvrir L’Iconopop, la nouvelle collection chez L’Iconoclaste qui publie de la poésie avec trois nouveaux recueils : Le dérèglement joyeux de la métrique amoureuse de Mathias Malzieu et Daria Nelson, Des frelons dans le cœur de Suzanne Rault-Balet et Brûler, brûler, brûler de Lisette Lombé.
À la fin de chaque recueil, on trouve ces phrases, comme une manière de lire et de vivre: « Des textes brefs, intimes et percutants. Des formes libres et variées, cris de révolte, récits ou poésie. Une littérature d’aujourd’hui, crue et sans tabou. À lire, à dire, À écouter, à vivre sur scène. » trois recueils pour dire que la poésie n’a jamais été aussi vivante et aussi nécessaire.
Cécile Coulon et Alexandre Bord dirigent cette collection et ils ont accepté de nous accorder un entretien. Nous les en remercions vivement.
[divider style= »solid » top= »5″ bottom= »5″]L’ENTRETIEN
Vous avez chacun d’entre vous un rapport fort à la poésie et à l’activité poétique, soit par l’écriture de recueils poétiques pour Cécile Coulon, soit par la mise en ligne d’un podcast intitulé « Mort à la poésie » pour Alexandre Bord. Est-ce que lancer à deux une collection intitulée L’Iconopop dédiée à la poésie est apparue comme une évidence ?
Alexandre : Une évidence je ne sais pas, mais un cheminement qui s’est fait assez naturellement, oui. Avant d’être libraire, j’ai suivi un Master d’édition, donc j’avais déjà quelques velléités éditoriales il y a une dizaine d’années. Cécile et moi nous sommes rencontrés en 2017 à la Librairie de Paris où je travaillais et la poésie a été notre premier sujet de discussion. Nous avons par la suite poursuivi les échanges et, en 2019, elle m’a proposé de lire en avance son deuxième recueil en cours de préparation, Noir Volcan (Le Castor Astral) et je lui ai proposé d’en écrire la préface, ce qu’elle a accepté ainsi que son éditeur. Lorsque Cécile m’a appelé fin 2019 pour me proposer de créer cette collection pour L’Iconoclaste, je n’ai pas beaucoup hésité.
Cécile : Pas vraiment une évidence, plutôt une très grande chance. De mon côté, il m’a fallu un an, d’abord un refus, puis une nouvelle proposition de collection portée à deux pour que j’ai moins peur. Il y a quelque chose de vertigineux à publier la poésie des autres quand on en écrit et publie soi-même. Et c’est absolument génial.
Le titre du premier recueil du poète et romancier Richard Brautigan s’intitule Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus. Pensez-vous que la publication de recueils poétiques reste en France encore trop confidentielle ?
Alexandre : Attention, cette réponse va être longue. Il y a plusieurs réflexions à avoir sur le commerce de la poésie en France. J’écris le mot « commerce » intentionnellement. Il faut se demander pourquoi la poésie est si peu « populaire » en France aujourd’hui, alors qu’elle l’était jusqu’au milieu du XXe siècle. Répondre à cela pourrait faire l’objet d’une thèse, alors je propose juste quelques-unes de mes intuitions : un nouveau courant poétique rejetant le lyrisme et glorifiant le formalisme et l’expérimentation a commencé à prendre de plus en plus de place à partir des années 1970. Une création qu’on pourrait qualifier de « poésie pour poètes ». Résultat, une création moins compréhensible pour le « grand public ». Ensuite, la poésie est de plus en plus absente des médias traditionnels (presse écrite, radio, télé). On pourrait peut-être l’expliquer par la difficulté d’écrire sur la poésie. Il est très facile pour la « critique littéraire » de parler d’un roman, d’une bande dessinée, d’un essai : il suffit en gros de dire de quoi ça parle, de pouvoir pitcher le livre.
On oublie l’émotion et le plaisir que peuvent procurer la rencontre avec la poésie.
Alexandre Bord
Beaucoup de lecteurs et lectrices se sont détourné.e.s de la poésie à la fin de leur scolarité. Je pense que l’enseignement de la poésie dans le primaire et le secondaire est catastrophique. Dans un premier temps, on nous demande d’apprendre par cœur et de réciter devant la classe, ce qui peut être une épreuve difficile, humiliante parfois, pour certains enfants. Après, on nous incite à décortiquer les textes, compter le nombre de pieds, de vers, chercher les rimes, les césures, les diérèses, etc… Et on oublie l’émotion et le plaisir que peuvent procurer la rencontre avec la poésie. Imaginez un peu qu’on enseigne la bande dessinée ou le cinéma de la même façon : ces arts seraient nettement moins populaires.
Et puis il faut dire que les grands éditeurs généralistes qui publient de la poésie ne la considèrent pas comme un enjeu commercial, mais le font pour le « prestige », le « catalogue ». Alors que ces maisons d’éditions ont les moyens financiers de défendre et promouvoir la poésie, elles ne le font pas. En revanche, il y a en France de nombreuses maisons d’édition plus petites, plus modestes, pour lesquelles la poésie est la principale activité. Et ces gens-là déploient une énergie considérable pour la promouvoir.
Pour finir, il y a aussi le piège des subventions et des bourses : certains livres publiés sont remboursés avant la publication. Il n’y a donc plus de nécessité vitale de les vendre puisqu’on n’en a pas besoin pour rester à flots.
Ces pistes posées, non exhaustives et je le confesse un peu approximatives, je réponds à votre question : oui, je pense que la publication de poésie en France est trop confidentielle, mais ce n’est pas une fatalité.
La poésie elle se promène partout où elle veut depuis toujours.
Cécile Coulon
Avec cette nouvelle collection, vous proposez des livres-objets, qui mélangent texte et image. L’image est d’ailleurs déclinée autant par le collage, la photographie que par les jeux de typographie. Est-ce important de rappeler que le livre est avant tout un corps de papier ?
Alexandre : Bien sûr ! Le livre qu’on nous annonce en déclin depuis des années est d’une grande vitalité car il nous permet tant de choses ! C’est un support incroyable qui permet l’hybridation, il faut jouer avec ça.
Cécile : Il se trouve aussi que les trois premiers textes reçus ont été envoyés avec des illustrations, des images, des collages. Ce ne sera peut-être pas forcément toujours le cas, mais on veut proposer ce genre de support, où l’expression est libre et multiple.
Dans un poème, Raymond Carver donne le conseil suivant : « Sers-toi des choses qui t’entourent. » Chacun des quatre poètes de la collection L’Iconopop, Lisette Lombé, Suzanne Rault-Balet, Mathias Malzieu et Daria Nelson, lesquels viennent d’ailleurs d’horizons, très différents parlent de personnes et de thèmes qui les entourent, résultant aussi d’une pratique poétique où certains poèmes sont postés en ligne. Aviez-vous envie dès le départ en créant cette nouvelle collection de faire sortir la poésie de son rang en la rendant plus proche, plus quotidienne et aussi plus accessible, d’où le terme de «pop» présent dans le terme de la collection ?
Alexandre : Oui, oui, oui, mille fois oui. Ce sont trois autres poètes qui m’ont guidé dans cette voix. Nicanor Parra, poète chilien, écrivait un manifeste remarquable en 1963 dans lequel il déclarait la poésie comme « article de première nécessité ». (Vous remarquerez qu’en ce moment, c’est assez drôle). J’ai lu ce manifeste dans « Mort à la poésie ».
Le deuxième poète qui m’a influencé est James Noël qui dans son recueil Des poings chauffés à blanc (Bruno Doucey) déclarait que « la poésie peut améliorer la vie ». Et enfin, Seyhmus Dagtekin dans son manifeste Sortir de l’abîme (Le Castor Astral) nous propose une vision politique, émancipatrice, voire révolutionnaire de la parole poétique. Un texte formidable. Il n’y a pas de raison que la poésie soit absente de la « pop culture », ce n’est pas un gros mot.
Cécile : Je ne sais pas si je veux sortir la poésie « du rang », je crois que le principe même de la poésie est de ne pas être dans un rang. Ce rangement, il est surtout éditorial, scolaire. La poésie, elle se promène partout où elle veut depuis toujours.
Vous mettez l’accent dans cette collection sur le fait que les poèmes ont vocation à être lus à haute voix, à l’image du recueil de Mathias Malzieu et Daria Nelson qui proposent un spectacle autour de ces poèmes, ainsi que Lisette Lombé, slameuse qui interprète ses poèmes. Est-ce une manière de rendre à la poésie sa musicalité et sa force d’évocation ?
Alexandre : Comme je le disais, il est beaucoup plus difficile de « résumer » ou « pitcher » la poésie. La meilleure façon de donner envie d’en lire passe par la lecture à voix haute. Quand cela peut se faire sur scène c’est encore plus fort. Il était pour nous impensable de créer cette collection sans penser à ses déclinaisons orales, audio, scéniques.
Le couple formé par Mathias Malzieu et Daria Neslon dans leur recueil Le dérèglement joyeux de la métrique amoureuse rappelle que l’écriture poétique trouve son origine dans le désir physique et amoureux, à l’instar de poèmes tels que Ton cul est un cœur de pirate ou Poème pour ton cul qui s’ouvre par ce vers : « Ton cul est une religion ». On retrouve ici l’influence de la poétesse Rupi Kaur qui dans son recueil Lait et miel écrivait : « J’ai pour l’écriture / soit de l’amour/ soit du désir sexuel / soit les deux ». Écrire un poème, c’est donc avant tout une expression du désir ?
Alexandre : Je ne sais pas si on peut résumer l’écriture de poésie à l’expression du désir. Toutes les émotions peuvent être motrices de l’écriture : la peine, la colère, la joie, etc… Je crois que nos trois premiers livres reflètent plutôt bien cette palette d’émotions.
Cécile : J’ai tendance à croire que le désir est le moteur de tout !
Le recueil de Suzanne Rault-Balet, Des frelons dans le cœur, fait coexister poésie et photographie. Un dialogue s’installe avec le lecteur entre ces deux arts, laissant ce dernier libre ou non d’associer le texte à l’image. Comment s’est construit ce recueil avec l’autrice ? Qu’est-ce que permet l’image que ne permet pas le texte ?
Alexandre : Nous avons d’abord découvert les textes de Suzanne avant ses photographies. Donc, dans un premier temps nous avons préparé le livre comme un recueil de poèmes « classique ». Jusqu’au jour où Suzanne nous a montré ses photos. Et là, il y a eu comme une évidence, il fallait repenser le livre dans son ensemble car les émotions suscitées par les photos étaient complémentaires à celles suscitées par les textes. Nous avons donc tout remis à plat pour penser ce livre « hybride ». Je pense que l’image augmente l’expérience de lecture, décuple les sensations. Je ne vais pas parler à leur place mais lorsque Suzanne prend des photos, que Lisette et Daria font des collages, elles expriment des émotions différemment que par l’écrit, tout simplement.
La poésie revêt également une force contestataire et émancipatrice, à l’instar du recueil de Lisette Lombé intitulé Brûler, brûler, brûler. Écrire revêt ici une urgence et une nécessité abrasive, renvoyant au titre du recueil. N’oublie-t-on pas que la poésie est avant tout un acte politique, un geste de résistance ? Et par la même un geste de libération ?
Alexandre : Oui. La poésie est comme tout art : elle peut tout dire. Elle peut être drôle, sentimentale, contemplative, politique, etc. Lisette Lombé a commencé à écrire pour monter sur scène, son premier geste créatif est militant. Mais au fur et à mesure, son écriture se déploie sur d’autres thématiques.
Cécile Coulon, dans votre recueil Noir Volcan, vous exprimiez la chose suivante : « Je me cache derrière mes poèmes / parce qu’ils sont plus forts / que moi. » Éditer des poèmes, est-ce une autre manière de se cacher derrière quelque chose qui est plus fort que vous ?
Cécile : Le langage est toujours plus fort que tout. Le langage des autres est séduisant, bouleversant, et rien de mieux qu’une nouvelle rencontre, non ?
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Très curieuse de connaître qql parutions inédites chez l’Iconopop.
Merci.
Agnès