Au concert de la finale du concours Sosh (pardon my publicity) Les Inrocks-Lab, il vaut mieux faire profil bas quand on a plus de 30 ans. Ou alors se cacher derrière cette main jaune en mousse que le gentil opérateur-partenaire vous a donnée à l’entrée, présumant sûrement que votre arthrose vous empêchait déjà de lever (en vrai) l’index et l’auriculaire pour montrer votre enthousiasme post-pubère.
Donc, avec Laetitia, on est arrivé discrètement au Trianon bien avant que le concert ne commence. On a bu sagement notre cocktail (offert par le gentil marchand de whisky-partenaire) en observant ce public prêt à donner de la voix pour les cinq groupes rescapés de ce concours musical. Et c’est un peu éméchés (à mon âge, on supporte de moins en moins les alcools forts) que nous avons quitté le bar pour entrer dans la salle où les hostilités n’allaient pas tarder à commencer.
Une jeune femme (entre 12 et 25 ans) était sur scène pour présenter la soirée. Ne maîtrisant pas complètement son trac (ça allait s’améliorer au fur et à mesure de la soirée, peut-être avait-elle droit, elle, à plusieurs tickets cocktails gratuits en tant qu’animatrice), elle montrait néanmoins un certain talent à copier ses modèles télévisuelles et une volonté évidente d’appuyer sur les bons mots pour nous faire comprendre que NOUS serions des acteurs essentiels de cette soirée (nous twitterions, nous facebookerions, nous instagramerions… et du résultat final, nous serions les grands dépositaires).
Les choses sérieuses pouvaient commencer. Je regardai Laetitia avec une excitation non feinte, lui glissant à l’oreille que mon dernier concert organisé par les Inrocks datait du 20ème siècle, une époque que la majorité du public de ce soir pensait dévolue aux livres d’histoire.
Sur scène, arrivait Radio Elvis, trio parisien, féru d’un rock lettré (comme nous avait prévenu la présentatrice). Bon les lettres chez Radio Elvis, c’est surtout Saint Exupéry et John Fante. Alors, c’est un peu facile de se moquer, mais à l’heure où tout le monde vous demande sur Facebook quels sont vos 10 livres préférés et que « Demande à la poussière » et ce crétin de « Petit Prince » apparaissent dans neuf classements sur dix on se dit que Radio Elvis est finalement assez représentatif d’une jeunesse lettrée.
Musicalement Radio Elvis, c’est aussi assez référencé. On ne jouera pas au petit jeu du « non mais c’est dingue ce que ça ressemble à… », mais passée une première chanson très bashungienne, on s’est quand-même dit en écoutant le suite avec Laetitia, que « c’est quand-même dingue ce que ça ressemble à Dominique A ». Sinon, c’est un peu naïf, mais ça tient plutôt bien la route. Et ne pas avoir d’humour du tout quand on a une vingtaine d’années, ce n’est sûrement pas définitif, personnellement j’ai commencé à en avoir vers 35 ans.
Après ça, c’est Juliette Armanet qui arrivait toute seule avec son piano. Là on se doutait qu’il y en aurait de l’humour, parce qu’on avait regardé la petite photo de présentation et on s’était dit qu’elle avait, soit de l’humour, soit beaucoup de poils aux bras.
La encore, pas mal de références, pas mal intégrées et surtout une vraie présence sur scène. Un truc qui vous fait dire « ah ouais, elle chante bien et en plus elle est drôle ». Vu qu’on est ensemble depuis pas très longtemps avec Laetitia, je me suis contenté de le penser… personnellement je me méfie beaucoup des mecs qui font rire ma copine donc j’imagine que l’inverse est vrai aussi.
La dernière chanson de Juliette Armanet s’est chantée dans le noir avec un choeur aux lèvres phosphorescentes. D’ailleurs à ce sujet, on voudrait prévenir Juliette que son choriste de gauche (le grand) n’avait visiblement pas très envie d’être là (ou peut-être n’avait-il pas eu le temps d’apprendre la chanson). A ce petit bémol près, son set était vraiment réussi. Les votes s’en sont ressentis puisqu’à ce moment-là, elle était en tête du concours.
Ah oui, parce que je ne vous l’ai pas dit, mais de part et d’autres de la scène, deux écrans affichaient crânement les votes en direct (je voudrais d’ailleurs dire aux organisateurs que lorsqu’on suit les votes, on est parfois distrait par les concerts qui nous empêchent de nous concentrer, mais je compte sur eux pour rectifier le tir la prochaine fois).
Et donc depuis le début, des groupes qui n’avaient pas encore joué, bénéficiaient déjà de votes assez conséquents.
Bref, après une petite pause-prostate, on est revenu dans la salle pour voir le concert de Feu! Chatterton. Ce groupe, j’en ai déjà parlé ici-même et c’est un peu pour eux que je venais.
Feu! Chatterton, tout le monde trouve ça super (l’animatrice nous l’a dit), et je dois dire que tout le monde a raison. Eux aussi, ils ont des lettres (oui ce soir-là, j’ai eu un peu l’impression de repasser mon bac français), mais ils ont surtout un style bien à eux. Déjà faire une chanson sur le Costa Concordia, il fallait le tenter. A l’époque de l’Amoco Cadiz, c’est Alain Barrière qui s’y était collé, et je ne suis pas sûr qu’il aurait été invité par les Inrocks à l’époque. Feu! Chatterton, eux, ils ont tous les droits, parce qu’ils sont bons, parce qu’ils ont une culture musicale qui leur fait tout imaginer en grand et parce que tout le monde leur prévoit un avenir radieux. Et moi aussi !
Et d’ailleurs, ils ont raflé tous les prix de cette soirée.
– Comment, tu nous donnes déjà le résultat, alors que tu n’as même pas rendu compte des sets de Camp Claude et de Beny le Brownies (moi j’aurais dit « Beny le Brownie, mais c’est pas moi qui décide) ???
Ben non, je ne rends pas compte des deux derniers concerts, parce qu’avec Laetitia on était invité chez Yann pour son anniversaire, et que ça ne se fait pas d’arriver bourrés au whisky-pamplemousse à 23h30 en disant « ben désolé, Yann, on arrive un peu en retard à ta soirée parce qu’on voulait absolument savoir qui avait gagné le concours Sosh-Inrocks Lab, mais regarde on t’offre une super main en mousse».
Donc le concert s’est arrêté là pour nous et on était bien content de ce qu’on avait vu.
Et sinon, chez Yann, c’était très sympa, malgré des petites corolles en feuilles de brick un peu difficiles à manger.
Ah bah moi qui croyais que t’avais 34 ans…
Il manque pas un « ) quelque part ?
Sinon oui.
Je compatis , moi-même, la dernière fois que j’ai vu un truc estampillé Les Inrocks, y’avait les Arctic Monkeys d’avant la sortie de leur premier album.
Bon, Les Inrocks, ça n’existait pas au moment de l’Amoco Cadiz. Je le sais, j’avais fait un exposé dessus en sixième. Bon, sinon, brillant et drôle comme toujours.
Vous chipotez Eric Aussudre, il fallait lire bien sûr « Les Inrocks DE l’époque »