Le trop rare Yves Simon revient à la faveur de Génération(s) Eperdue(s), un tribute qui lui est consacré par la jeune scène française d’aujourd’hui. Nous parlions hier de la genèse de ce projet mais aussi de son rôle de « directeur artistique » sur cette compilation. Ne serait-il pas temps d’octroyer pleinement la place que Yves Simon mérite parmi les grands de la chanson française ?
Retour sur un grand modeste qui se raconte…
Vous avez un temps composé pour des artistes comme Annabel Buffet, Claudie Chauvet ou Sylvie Vartan. Si le sort en avait décidé autrement, auriez-vous pu vous satisfaire de n’être qu’ un auteur pour d’autres chanteurs ?
Yves Simon : Non, je ne crois pas. C’était tout ou rien. Le Tout était toujours risqué. En préparant l’IDHEC, quand j’étais au Lycée Voltaire à 20 ou 21 ans, je m’étais dit « Je ne peux penser à faire du cinéma comme réalisateur qu’à 30 ans. » C’était une idée peut être fausse mais je pense qu’elle était raisonnée. Je me suis dit que je n’allais pas attendre jusqu’à 30 ans, c’est-à-dire 09 ans devant moi pour faire un film et ne rien faire pendant ce temps-là, donc j’ai écrit des chansons que j’ai ensuite enregistrées. La parution de mon premier album à 22-23 ans chez Philips est un véritable échec mais il passe quand même un peu en radio, je commence à toucher un peu des droits d’auteur et je trouve cela très agréable forcément. Je me dis, suite à cet échec, qu’il faut que je fasse autre chose. Ce n’est toujours pas un film mais un roman. Cela ne coûte pas cher, on n’a pas d’excuse pour ne pas le faire. Du papier, un stylo à plume et à encre noire. Je fais mon premier roman à 24 ans. Je l’écris en 1969, 1968 m’avait ébranlé, je suis fan de littérature, Boris Vian, Le Clézio, Marguerite Duras, Flaubert. Mon premier roman est publié en 1971 chez Grasset, c’est là aussi que je deviens journaliste à Actuel et Europe 1 car Jean-François Bizot (un des personnages clés de l’histoire du Magazine) a lu ce roman. Il me propose d’intégrer la rédaction de la revue.
Vous avez produit le 45 tours d’un certain Patrick Dewaere
Y.S : C’est marrant que vous me posiez cette question. Figurez-vous que l’autre jour, je passe dans une émission et on me passe une chanson et on me demande si cela me dit quelque chose et je ne voyais plus. Je reconnais vaguement la voix et en fait c’était Patrick. J’ai beaucoup aimé Patrick et on s’entendait bien. Je me trouvais à Amsterdam quand j’ai appris sa mort. J’étais avec ma petite amie là-bas et j’ai beaucoup pleuré. Comme je voulais lire la presse tous les matins, j’étais allé à la gare d’Amsterdam et dans France Soir, Patrick était en pleine page.
Ce 45 tours est né par hasard. Il faut dire que je connaissais beaucoup d’acteurs de ma génération, Depardieu et lui. Avec Depardieu, j’avais quand même commencé à goupiller un film, je voulais adapter au cinéma un de mes romans, L’amour dans l’âme. Gérard était partant pour qu’on le fasse, c’était au moment où il commençait à être connu.
C’est Patrick qui a voulu me connaître parce que Miou-Miou avec qui il avait vécu l’avait quitté pour Julien Clerc. Il voulait savoir ce qu’un chanteur avait de plus qu’un acteur. Il était très malheureux de cette rupture. Il a voulu me voir pour cette raison-là. Il a voulu se faire chanteur pour reconquérir Miou-Miou. J’ai été très touché de cette démarche, on est ensuite devenus très amis. Je suis devenu très ami avec Patrick, avec Gérard, c’était plus distendu. Patrick connaissait aussi Sotha avec qui il a eu une longue relation amoureuse, une des co-fondatrices de la troupe du Café de la Gare. Elle avait écrit les paroles et lui les musiques. De mon côté, mon rôle s’est finalement limité à la production de ce disque. Cela ne nous a pas empêché de beaucoup nous fréquenter dans les dernières années de sa vie.
La dernière fois que l’on s’est vus avec Patrick, l’année de sa mort. On s’est parlés au Festival de Cannes. Il avait eu des histoires avec des trafiquants de drogue à propos de sa petite amie qui se droguait beaucoup, elle était d’ailleurs la petite-fille du dramaturge Jean Anouilh. Je la trouvais très négative avec lui.
Quand on parle de précurseurs d’un certain chanter-phrasé Rap avant l’heure, on évoque souvent Claude Nougaro avec Locomotive d’or ou encore vous avec J’ai rêvé New York mais comme pour Nougaro avec qui vous avez partagé à une période le même directeur artistique Claude Dejacques, on a plus l’impression que c’est le hasard du voyageur qui découvre de nouveaux sons, de nouvelles personnes. Qu’en pensez-vous ?
Y.S : Je fais une petite parenthèse car j’ai l’impression que vous avez lu mes mémoires car dans cette autobiographie, je parle de Claude Dejacques. (Rires). C’était en effet le directeur artistique de Claude Nougaro, de Serge Gainsbourg et de Barbara. Quand il me signe chez Philips après l’épisode du Jeu de la chance. Il a organisé un pot chez lui, ce n’était pas le genre à faire un dîner avec Nougaro, Gainsbourg et Barbara. A 21 ans, 10 jours après avoir signé mon premier contrat, je me retrouve à rencontrer ces trois-là, ce n’est pas rien et je m’en rappelle comme si c’était hier encore aujourd’hui. Barbara m’en a reparlé plus tard, elle me disait que j’étais mignon et que je faisais tout ce que je pouvais pour les intéresser, faire le malin en somme alors que je n’avais encore rien produit à part voir 3 films par jour quand je préparais l’IDHEC. J’avais donc vu pleins de films qu’ils n’avaient pas vu, eux. Je faisais mon malin avec le cinéma russe ou italien, des films rares.
Pour le Parler, il ne faut pas oublier Gainsbourg, c’est plus lui que Nougaro qui a pu m’influencer. Il chante déjà Initials B.B dans un phrasé parler. Il l’avait enregistré à Londres. C’est une chanson qui m’a beaucoup parlé car on peut faire un refrain très mélodique avec ces violons magnifiques. Il fait rimer Pauwels avec eau de Seltz. Je me dis que l’on peut parler des gens que l’on aime et qui nous fabrique. Sans vouloir donner de leçon, je voulais parler de mon propre univers poétique, dans Les Gauloises Bleues, par exemple, il y a déjà Bob Dylan, Rimbaud, Verlaine, Duke Ellington, Boris Vian. Je me dis que des gens qui ne connaissent pas ces noms-là, ces sonorités se demandent « C’est qui Lewis Caroll ? C’est qui Jean-Luc Godard ? C’est qui Jefferson Airplane ? » Qu’ils aillent quelque part chez un libraire ou un magasin de disques ou se renseigner auprès de plus âgés qu’eux pour savoir qui sont ces gens-là qu’ils ignorent. C’était cela mon but. Le parler m’est venu très naturellement. Pour Juliet par exemple, je faisais beaucoup de maquettes à ce moment-là chez Philips chez qui je n’étais plus signé mais qui m’avait gardé un studio avec un ingénieur du son. Je m’entrainais déjà à changer ma façon de chanter. Les chansons que j’ai faites chez Philips je hurlais un peu et là, j’ai fait des essais sur le chanter comme du parler. Les Gauloises Bleues, c’est dit très tout doucement à un micro alors qu’avant j’avais tendance à m’éloigner du micro pour hurler. Ces séances d’entrainement m’ont appris à modifier mon chant et de tout cela a découlé Les Gauloises Bleues ou Au Pays Des Merveilles De Juliet.
Claude Dejacques dit dans une interview de 1965 que l’on peut retrouver sur le Site de L’INA :
« Les débutants c’est une très longue affaire car quand on rencontre un individu, on peut être pris à une certaine brillance, il faut sentir dans un jeune auteur, dans un jeune interprète ce qu’il peut avoir d’intéressant pour un public, soit parce que ses textes sont originaux soit parce que le choix des angles est sympathique, émouvant ou plein d’humour ou alors parce qu’au moment où on les entend il se passe quelque chose au niveau interprétation. Alors là commence un long travail… »
Autre époque sans doute
Que pensez-vous qui a pu toucher Claude Dejacques qui ont découvert votre travail à vos débuts ?
Y.S : Je ne sais pas à vrai dire mais il a raison, je pense qu’il y a quelque chose à voir avec la sincérité, je ne sais pas si c’est l’originalité car cette originalité dans les mots, je ne l’ai pas encore trouvé à cette époque-là. Quand mes disques ont commencé à avoir du succès chez RCA, la maison-mère Philips a voulu ressortir un disque en forme de compilation des disques que j’avais enregistrés chez eux. Ils m’avaient demandé l’autorisation mais j’avais mis un commentaire en quatrième sur l’album en disant que cela ressemblait à des pages d’essai d’un carnet de brouillon pour des chansons à venir. Cela me faisait plaisir de les entendre et je ne les reniais pas sauf que pour moi, mon travail de chanteur a commencé avec Les Gauloise Bleues et Au Pays Des Merveilles De Juliet. Je ne regrette pas ces chansons mais je pense qu’elles ont peu d’intérêt car elles sont avant tout des brouillons.
Léo Ferré disait dans « Il n’y a plus rien » en 1973 :
« Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie.
Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche. »
Qu’en pensez-vous ?
Y.S : Je suis d’accord bien sûr. Je pense toujours que si Rimbaud était venu dans les années 60, 70 ou 80, il serait chanteur, en fait de travailler avec la musique. J’ai par exemple du plaisir à LIRE Gainsbourg, je dis bien LIRE. Je pense que l’on peut dire de certaines personnes qui sont nos contemporains, même de 12 ans plus âgé que c’est un maître dans l’art de la chanson même s’il s’en défendait et qu’il disait que c’était un art mineur, ce qui n’est pas du tout mon avis. On en a beaucoup parlé lui et moi. Je me rappelle avoir passé une nuit avec lui dans le même hôtel à Luxembourg. Je l’avais invité à une émission de télévision que l’on enregistrait pour RTL. On a raté le dernier avion, on a passé la soirée puis la nuit à discuter, il m’a montré dans sa mallette noire en cuir Vuitton un manuscrit d’au moins 500 pages . Il me l’a donné pour que je le parcours cette nuit-là avant de reprendre l’avion le lendemain-matin… 500 pages que je n’ai jamais vu publiées. Un an après en 1980 est sorti Evguénie Sokolov. Je suis étonné que ce pavé ne soit pas sorti. Je le raconte aussi dans mon autobiographie où il disait « Ca c’est pour Gallimurche ». Je l’ai revu après, je n’ai jamais pu lui demander pourquoi ce n’était pas le manuscrit que j’avais tenu entre les mains et que j’avais parcouru qui ne parlait pas du tout d’Evguénie Sokolov qui est, si ma mémoire ne me joue pas des tours, l’histoire d’un pétomane. Je n’ai jamais su ce qu’était devenu ce manuscrit, je me dis qu’on le saura peut-être un jour par Charlotte ou Jane, par héritage. On retrouvera peut-être un inédit de Serge Gainsbourg que je n’ai toujours pas vu venir.
Vous n’avez cessé de faire des allers-retours entre la chanson et la littérature. Pourquoi avoir choisi un jour de ne vous consacrer qu’à la littérature ?
Y.S : Quand j’ai eu le prix Médicis et celui des Libraires mais surtout le Médicis en 1991, j’avais 47 ans, je me suis dit que la chanson et la musique, c’est quelque chose pour la jeunesse. J’ai eu toute ma génération avec moi quand j’avais 29 ans avec Au Pays Des Merveilles De Juliet et pendant 10 ans, j’ai sorti de manière très fidèle un disque par an en plus d’écrire des romans. Ce n’était pas rien. Comme j’étais très pointilleux sur le son, la musique et les instruments, cela me prenait au minimum 3 mois de chaque année pour faire un disque. Je ne parle pas ici du temps mis à composer, ça c’est assez rapide. J’en suis donc arrivé à cette conclusion que la musique était un truc pour la jeunesse et qu’il était temps de faire ses adieux sans le faire officiellement et rester dans le domaine de la littérature. Avec le recul, je pense que j’ai eu tort car c’était un équilibre. Je me suis, quelque part, déséquilibré après 1991 avec douze ans sans disque. La musique plus la littérature, c’était mon équilibre, mon ADN. J’étais le seul à faire cela, à avoir des prix littéraires et des prix pour les chansons, à vendre et être dans les Hits-parades et dans les Best-sellers de littérature. J’aurai dû continuer dans cette voie mais je ne l’ai pas fait. Je ne regrette rien, c’est comme ça.
Vous dites que vous ne respiriez plus l’époque ? Avez-vous le sentiment de mieux respirer celle d’aujourd’hui ?
Y.S : Oui mais parce qu’il faut avoir des dispositions. En même temps, quand on a écrit des disques de 1973 à 1991, cela fait presque 20 ans. Tout cela fatigue, les concerts aussi. On est même fatigué de soi. Je me souviens de ce livre d’Alain Ehrenberg, La Fatigue De Soi. J’ai connu la fatigue d’être Yves Simon si je peux m’exprimer à la manière d’Alain Delon à la 3ème personne. J’étais peut-être fatigué d’être chanteur et donc pas de mon activité d’écrivain.
On fête aujourd’hui mai 1968 avec une part de nostalgie comme si cette époque était plus excitante que celle d’aujourd’hui. En 1973, vous parliez pourtant déjà des « vieux écrans de 1968 » dans Au pays des merveilles de Juliet. Que reste-t-il de mai 1968 aujourd’hui ?
Y.S : C’est vrai pour Au pays des merveilles de Juliet. Quand je la chantais en concert, je disais même « Les très vieux écrans de 1968 ». Je ne voulais pas que mai 1968 me colle à la peau. Pour l’expérience et pour moi-même, j’ai pensé que c’était un mois exceptionnel, le mois de mon anniversaire et de ma fête. Ce mois de mai 1968 a été exceptionnel, quand on peut vivre un tel événement une fois dans sa vie, on est rempli pour longtemps d’images et de choses que l’on n’oublie plus surtout. Le lendemain, le surlendemain. Je me préparais en chantant à une autre vie que celle d’avant de 1968 d’où ce pourquoi des « Vieux écrans de 1968 ». Je n’avais aucune nostalgie, j’étais surtout rempli d’une sorte de bonheur, de plaisir, de plénitude pendant tout le mois de 1968 où par exemple, c’est mieux de vivre avec des slogans comme « Il est interdit d’interdire » que ceux de Lustucru qui vendait des œufs ou des pâtes. « Il est interdit d’interdire », « Sous les pavés, la plage », cela a été quelque chose de politiquement fort. Quand je parle de ma génération éperdue, c’est cette poésie éperdue de voyages, de vouloir connaître d’autres pays. Je crois que j’ai voyagé sur les 5 continents. Quand je compte le nombre de pays où je me suis rendus, ne serait-ce qu’une semaine ou 15 jours, cela fait 52. Mes nuits d’insomnie, au lieu de passer mes nuits en Amazonie, je compte les pays que j’ai visités (Rires)… Je pense d’abord l’Europe puis l’Amérique du Nord puis celle du Sud, ensuite l’Asie. Je compte et garde les chiffres et dans mes moments d’insomnie, j’en reviens toujours à ce chiffre de 52 pays.
Pour Mai 1968, il reste à la fois beaucoup de choses et peu de choses dans notre société d’aujourd’hui. Certains se sont perdus. Qu’a-t-on conservé de la Révolution française bien que 1968 soit une révolution sans fusil et sans prise de pouvoir sur un autre pays ? Ce n’est pas une guerre mais un chemin vers un autre art de vivre, une autre façon de penser. Les rapports avec le sexe ont beaucoup changé à ce moment-là, les rapports parents-enfants ont aussi changé mais comme dans toutes les révolutions, il y a eu des voies pourries. Quand les enfants sujets deviennent les enfants rois, ce n’est plus très bien. J’étais sidéré par le bruit qu’il y avait dans les cours quand j’étais invité dans des lycées dans les années 80 pour parler de littérature et de chanson. Je me disais « Ce n’est pas possible, c’est ça la liberté. » La liberté de 1968 au sens très large est devenu un bordel ou un chaos. L’idée de départ, ce n’était bien entendu pas ça.
On a hérité avec mai 1968 de son lot de mauvaises choses mais il y a d’autres choses que l’on n’oublie pas. Rien que le sexe et c’est déjà quelque chose, cela a beaucoup changé et cela reste dans ce changement. Il faut dire que l’anti 1968, cela a été le SIDA. Ce n’est pas que cela a rééquilibré les choses mais c’est un peu comme si il y avait un pouvoir divin qui disait « Vous vous êtes éclatés en 1968, je vais remédier à ça. » Je ne crois pas à tout ça mais cela ressemblerait de loin à une pièce de théâtre cosmique qui fait qu’à sexe libre arrive une maladie comme la Peste.
Génération(s) éperdue(s) fait-elle écho à des générations perdues ? Vous percevez-vous comme le membre d’une génération privilégiée qui a encore connu les idéaux et les idéologies ? Qu’est-ce qui manque au monde d’aujourd’hui selon vous ?
Y.S : Oui bien sûr, les idéologies se sont vite brisées sur les murs de la réalité et qu’en même temps que l’on grandissait, je pensais que l’on avait eu une jeunesse exponentielle, c’est-à-dire à la fois jeunesse du monde, d’un monde d’après-guerre avec les Trente glorieuses et notre propre jeunesse à nous. Ces deux jeunesses qui étaient exponentielles en étant mêlées l’une à l’autre. C’est très très fort et très difficile à exprimer car c’est quelque chose de tellement excitant, de tellement en accord avec le monde. On n’était pas encore totalement en accord avec la nature mais avec le monde dans lequel on vivait. Le monde n’était pas un ennemi. Cela a été très fort et finalement on en parle peu car quand on voit ce qu’on eut les jeunesses d’après nous, le SIDA puis la fin des Trente glorieuses, la fin de deux jeunesses qui se sont exponentialisées en somme, les générations qui ont suivi ont presque vécu une vieillesse du monde, une fatigue du monde. Quand il y a fatigue, il y a ralentissement de l’économie, chômage et tout cela ne porte pas à une jeunesse qui est encore avec le monde.
Que pensez-vous de la jeunesse d’aujourd’hui ? Vous reconnaissez-vous dans cette jeunesse ?
Y.S : Pas tellement. Quand on les voit de loin, on se dit « Ouh lala », quand on voit les résultats scolaires en comparaison avec les autres pays pour la lecture ou pour les mathématiques. Cette jeunesse de France est mise à mal. Ils ne sont pas très bons à l’école. Quand on côtoie des artistes comme ceux que j’ai rencontrés pour Génération(s) Eperdue(s) ou que je vois l’émergence des Start up. Quand on voit les deux Prix Nobel de Littérature récents pour Le Clézio et Modiano, je suis content d’être leur ami. C’est Tahar Ben Jelloun qui m’a fait rencontrer Le Clézio que je n’avais toujours pas rencontré. Deux ans après mon Prix Médicis, on a fini par se rencontrer et il m’a parlé de mes chansons. C’était une très belle soirée. Il y a la fille Le Clézio dans le Groupe Juniore qui participe à la compilation et qui reprend Les Héros de Barbès.
Ce que j’ai appris de cette génération à leur contact c’est qu’ils étaient cultivés mais ce n’est pas la même culture que moi. Je vois qu’ils sont toujours très innovants, que l’Amérique reste un miroir aux alouettes et les attire mais qu’ils reviennent souvent. C’est pour cela que j’ai mis un S à Génération(s) Eperdue(s) car eux-aussi sont éperdus d’amour, pas de sexe peut-être, mais je crois aussi pour en avoir beaucoup parlé avec les garçons de voyages. Le Low Cost fonctionne aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas dans mon adolescence. J’ai trouvé quelques similitudes et puis ils créent des sons, des mélodies. Je pense à des artistes comme Feu! Chatterton ou Juliette Armanet, je pense aussi à Radio Elvis ou Moodoïd qui vient de sortir un nouveau disque. Christine & The Queens, c’est un autre exemple, elle est devenue en un an une star du monde de la chanson. Je n’ai pas été déçu mais au contraire très agréablement surpris en les rencontrant.
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Génération(s) Eperdue(s) est sorti le 27 avril 2018 chez Because. On y retrouve Christine & The Queens, Clou, Flavien Berger, Soko, Moodoïd, Juliette Armanet, Radio Elvis, François And The Atlas Mountains et bien d’autres. Ajoutons aussi que l’on retrouve sur un second cd les retrouvailles émouvantes et lumineuses de Yves Simon avec son public pour un Live à l’Olympia en 2008.
Les Editions Flammarion ont également sorti un livre qui porte le même titre que la compilation et qui regroupe l’intégrale des textes de chansons de Yves Simon.
Un grand merci à Marc Desse et Nicolas Comment ainsi qu’à Paul Lucas et l’équipe de Because.
Un immense remerciement à Yves Simon pour sa bienveillance et sa disponibilité.
Interview : Greg Bod
Crédits photos : Nicolas Comment