Dans ma grande bonté, je vous propose de passer en revue Intra Naos, impressionnant second album des Italiens d’Altar Of Perversion sorti en début d’année. Bon, vous vous en doutez, avec un nom pareil, vous n’aurez pas affaire à un groupe d’italo-disco mais plutôt des bûcherons psychopathes un tantinet vénères après s’être heurté le petit orteil sur le coin d’une patte de table n’ayant rien à foutre là.
Maintenant, pour situer un peu le groupe, à l’origine, il s’agit d’un trio, formé en 1997 par Laran aux fûts, Calus au chant et aux guitares et Rexor Velthasclan à la basse. Si vous observez bien, le bassiste ayant un blase à plus de cinq lettres, il fut prié de dégager illico pour incompatibilité grammaticale. À l’heure actuelle, vous l’aurez compris, le trio ne se résume plus qu’à un duo. Mais, comme je vous sais très observateurs, vous avez également remarqué qu’entre la création du groupe et la sortie d’Intra Naos, se sont écoulés plus de vingt ans. Vingt ans pour sortir deux disques, on ne peut pas dire qu’en matière de créativité musicale, les Italiens aient été en surrégime ces deux dernières décennies.
Parce que, outre un titre en 2005 et un EP en 2006 (Adgnosco Veteris Vestigia Flammae), même en fouillant un peu leur discographie annexe, entre From Dead Temples (sorti en 2001) et Intra Naos, sous le nom de Necromass, les gars n’ont sorti en tout et pour tout qu’un album en 2013 (Calix.Utero.Babalon) et un EP en 2015 (Ordo.Equilibrium.Nox). Une activité de guedin, je vous dis.
Il n’empêche, à l’écoute de ces six titres, d’une durée totale approchant les deux heures, une constatation se fait : qu’ils aient attendu trois ou trente ans, Intra Naos, en matière de Black Metal, est un des albums les plus impressionnants de ces dernières années. À ranger pas loin du The Dreaming I, d’Akhlys.
Une œuvre au noir, dense, intense, offrant très peu de répit, sorte de péplum hystérique de près de deux heures alternant phases transitionnelles ambient, accélérations pour maintenir l’attention, quelques phases acoustiques pour reposer l’auditeur avant de repartir sur les chapeaux de roue. Le duo joue vite, fort, de façon désespérée, usant de toutes les possibilités s’offrant à eux, allant du grunt au chant clair, de la mise en avant d’arpèges sur des guitares tendues à l’extrême, tout est mis à profit pour que l’attention ne se relâche jamais, que le son enveloppe l’auditeur et l’entraîne dans les bas-fonds.
Pour cela, les Italiens vont développer une ambiance très oppressante, à la limite de la claustrophobie, nous emmenant aussi loin que possible dans la violence (le second tiers de She Weaves est un modèle de construction, alliant émotions et tension, aussi éprouvant qu’émouvant, allant toujours plus loin dans l’extrême) tout en ayant en tête de ne pas nous perdre d’un point de vue mélodique. C’est mené de main de maître et, pour reprendre l’analogie faite plus haut, ressemble furieusement à un péplum auquel il ne manque aucun ingrédient. Vous y trouverez absolument tout : le sang, la sueur, les larmes, le grand spectacle, quelques moments d’intimité, de la virilité, des combats épiques et même une fin ambiguë (Folk ? Ambient ? Apaisée ? Tendue ?).
Bref, de quoi tenir en haleine pendant près de deux heures avec un grand disque brutal mais très fin dans son déroulement, aussi progressif qu’épique, piochant les références un peu partout (Akhlys donc, Black Sabbath sur l’intro de Subcosmos, Daubuz pour cet équilibre entre ambient et métal) mais ne ressemblant qu’à lui-même.
En clair, il aura peut-être fallu attendre près de vingt ans pour que ce nouveau disque voit enfin le jour mais si vous recherchez un album de métal exigeant et jusqu’au-boutiste, n’allez pas plus loin et procurez vous illico Intra Naos d’Altar Of Perversion, meilleure référence 2018 en la matière.