[dropcap]I[/dropcap]l se sera écoulé plus de 7 ans depuis le début de ce projet, lorsque tout est parti d’une photo de Marc Riboud, La fille à la fleur prise pendant une manifestation pacifiste contre la guerre du Vietnam à Washington en 1967. Pendant tout ce temps, Lucas Martinez a vécu avec l’image de JanRose Kasmir – la jeune militante sur la photo – jusqu’à ce jour où elle accepte une collaboration sur l’album. Telle une muse, JanRose et surtout son histoire lui ont inspiré les titres qui se retrouvent enfin regroupés sur le premier long format de Jane’s Death, A story of Love. L’album, véritable catharsis, est de ceux qui ne se racontent pas facilement tant il dégage de choses, tel un kaléidoscope déclencheur de mille émotions. Son temps de gestation particulièrement long lui donne une profondeur comme on en retrouve rarement. Les titres forment un ensemble cohérent de début à la fin, une véritable histoire au cours de laquelle le groupe fait exploser les fragrances de psyché et de shoegaze avec en filigrane une nostalgie présente à tous les instants. Jane’s Death signe ici un album magnétique, sensible et très attachant.
Bonjour Lucas, présente-nous s’il te plait Jane’s Death en quelques mots.
Jane’s Death est à la base la re-formation d’un autre groupe qui s’appelle Kids Riot. Tout commence avec ce duo, moi-même et Luka Bertolino, deux potes de La Bouilladisse à côté d’Aubagne. En 2013, on a commencé à faire des jams et des compos qui étaient les prémices de l’album, puis en 2017 on a été en studio avec Jane’s Death en formation “groupe” pour réellement enregistrer le disque.
Tu continues ton autre groupe, Dissonant Nation ?
Non, le groupe s’est arrêté en 2018, après notre deuxième album. On avait plus l’énergie, plus les mêmes envies alors on s’est séparés, mais en bons termes.
Au départ, il y a donc un groupe qui date de 2013/14, avec 2 EPs (Heroin City et Rendez-vous with the devil) sur lesquels on retrouve pas mal de titres de l’album déjà. Qu’est ce qui vous a poussés à en faire un LP ?
En fait, dès le départ on fantasmait sur le fait de faire un album, qu’on voyait comme un aboutissement. On voulait en faire un objet collector, un vinyle bien sûr, mais pourquoi pas aussi un film ou un livre-vinyle. Ce qui s’est passé, c’est qu’étant donné que c’est un concept-album, même les morceaux de l’EP tournent autour d’un même thème et d’une histoire commune. Il était donc obligatoire de garder ces morceaux qui font partie de l’esprit de l’album. Mais contrairement à l’EP, l’album a un début et une fin, le tout sur 40 minutes de musique. Les 2 EPs ont été faits en home studio, avec des samples et des sons complètement différents, on peut les écouter comme des singles mis bout à bout alors que l’album offre une véritable cohésion. On est rentrés en studio et on a joué les morceaux avec des vrais musiciens en mettant de côté les boîtes à rythmes. On voulait vraiment retranscrire l’énergie des compos avec l’aspect live et un son unifié du début à la fin.
Est-ce que le line-up, désormais à 5 musiciens, a changé des choses ?
Oui, au départ on était deux, même si en concert on passait à 4. Mais tout se faisait avec des guitares folk, un tambourin et un batteur même s’il ne faisait que taper sur un tom basse. Désormais, on est 5 avec un son plus rentre-dedans et des guitares électriques.
Tu t’es déjà beaucoup exprimé sur la jeune fille à la fleur, JanRose Kasmir, comment as-tu décidé de le prendre comme thème central de votre musique depuis 7 ans désormais, et plus particulièrement pour ce premier album ?
Tout ceci est venu à moi à une période de ma vie assez difficile, je sortais de l’adolescence. Dissonant Nation marchait bien, mais ce n’est pas pour autant que je vivais bien le reste. Je me suis accroché à cette personne de JanRose, à son état d’esprit. C’était pour moi un exutoire, renforcé par la mélancolie des riffs de Luka Bertolino. Je me suis un peu retrouvé – je pense – dans ce son-là. Dissonant Nation c’était plus pop, alors que là je me retrouvais dans le « dark side » en quelque sorte. Pour te répondre, j’ai mis tellement d’énergie dans ces compos après coup que je ne pouvais pas m’en détacher tant que le disque n’était pas sorti.
Est-ce que la période du Flower Power, de la guerre du Vietnam, c’est quelque chose qui t’intéresse plus particulièrement ?
Non, pas vraiment, même si c’est sans doute dommage. Je me suis intéressé à cette période plus à travers les artistes : Jimi Hendrix et plus généralement les artistes de Woodstock. Je suis aussi un grand fan de cinéma, alors je l’ai vue à travers Kubrick – Full Metal Jacket et des films comme ça. C’est plus mon amour pour le vintage qui résonne dans le fantasme de cette photo.
Il y a quelque chose qui me sidère dans le disque, c’est la palette musicale que vous couvrez, du psychédélique au shoegaze, en passant par l’indie. Vous êtes assez loin de la britpop style Arctic Monkeys comme sur les titres Who Killed the President et South of France sur Agitato Charismatic de Dissonant Nation. Vous dites avoir beaucoup écouté Slowdive et My Bloody Valentine. Il y a d’autres artistes qui vous inspirent ?
Je suis un grand fan de Brian Jonestown Massacre, ça me fait péter les plombs. J’adore vraiment un disque comme Spacegirl and other favorites. J’aime aussi bien Dan Croll, The Horrors et puis évidemment Ty Segall avec son album Manipulator pour la douceur des guitares.
Le nom du groupe fait référence à Jane, héroïne fictive mais donc on ne peut s’empêcher de faire le lien avec JanRose Kasmir. Allez-vous pouvoir vous en détacher à l’avenir ou vous faites juste un one-shot pour clore le dossier et ça en sera fini de Jane’s Death après cet album ?
C’est déjà clair dans nos têtes, le prochain album ne sera pas autour de JanRose. On ne changera pas de nom car on a l’impression qu’il nous colle bien à la peau et qu’on a trouvé le bon équilibre. On trouve cool qu’il s’intègre bien dans l’histoire de ce premier disque. L’idée est de faire ensuite des morceaux qui reprennent la patte, ou plutôt les pattes : cold, minimaliste, ou plus rock comme Milky Way, tout en sortant de ce thème-là. On a plein de morceaux dans les tiroirs et on va en écrire de nouveaux de toutes façons. Ce disque a été un travail gigantesque et psychologiquement très difficile. J’ai vraiment envie de m’en détacher et partir sur de nouvelles bases. En plus, en guise de clin d’oeil, on est fans de Sonic Youth et l’on s’est rendus compte qu’il y avait le même nombre de lettres que dans Jane’s Death, donc on ne change pas de nom !
On parle de la pochette, sublime vraiment, créée par un Belge qui a déjà travaille pour King Gizzard and The Lizard wizard et Oh Sees je crois. Comment s’est faite la rencontre ?
Elle a été créée par Elzo Durt, qui a aussi travaillé pour La Femme. On s’est rencontrés via Parade, groupe où Marine et Mathieu jouent également. Jules, le chanteur de Parade, m’a conseillé de l’appeler pour la pochette. On lui a donné quelques éléments, des visuels puis il a fait le montage tout seul.
J’imagine que vous êtes toujours en contact avec JanRose puisqu’elle a écrit un poème qu’elle dit sur « A Story of Love » ?
Elle a eu des petits problèmes de santé donc j’essaie de ne pas trop la solliciter. On a été contact en début d’année pour le poème, mais depuis c’est plus espacé d’autant plus que le décalage ne facilite pas les choses.
On l’a dit, vous êtes de la région de Marseille et les membres de Jane’s Death ont collaboré à pas mal de groupes différents, il y a une vraie scène ici ? Quels sont les courants et les groupes par exemple avec lesquels vous avez des échanges ou avec qui vous êtes potes ?
Il y a toujours eu une scène rock, mais on a perdu La Machine à Coudre qui était un point clé du rassemblement des rockeurs, et qui a disparu avec l’histoire de la rue d’Aubagne. Oui, Marseille a une scène rock et contrairement à ce que certains pensent, il n’y a pas que le rap. Il reste des lieux comme La Friche où j’ai vu Brian Jonestown Massacre notamment. Sinon on échange avec des groupes, comme Glitch, Seppuku et SOvOX.
Vos projets pour Jane’s Death justement ?
On a un concert à la Guinguette Sonore le 3 septembre à Istres. Mon projet c’est de caler d’autres dates sur septembre et octobre. On voudrait aussi sortir des nouveaux singles pour continuer sur la lancée de l’album, avec des nouveaux titres.
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Jane’s Death
A Story of Love
Autoproduit, juin 2021
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Crédit photo bannière : extrait du clip A Story of Love feat. JanRose Kasmir