[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#993300″]S[/mks_dropcap]aul est à une impasse de sa vie. Il est en cure. L’alcool, les vieux démons, le passé qui ne se résout pas, sont autant de parpaings qui l’empêchent de continuer son existence. Lui, l’indien Ojibwé taiseux habitué à endurer en silence, doit se raconter, refaire le fil de sa vie pour en dénouer les nœuds coulants. Alors soit, il parlera.
Son récit commence à la petite enfance, teinté de rites ancestraux, d’une vie dans la nature précaire et d’une peur animale des services sociaux blancs qui viennent enlever les enfants. Son frère est pris. Sa mère ne s’en remet pas. Peu à peu, il se retrouve seul avec sa grand-mère, au cœur d’une forêt habitée par ses ancêtres. Mais l’hiver vient et avec lui la mort. Saul se retrouve orphelin et pour lui commence l’enfer. Il vivra des années dans un orphelinat aux allures de pénitencier où les maltraitances sont la règle et où les enfants meurent en silence.
Seule lueur d’espoir dans cette obscurité constante, une amitié qui se tisse avec l’un des prêtres éducateurs qui lui enseigne le hockey. Saul revit en pratiquant ce sport, pour lequel il est doué, très doué. Mais le Canada n’est alors pas enclin à accueillir un joueur natif, un « baiseur de squaw » et Saul devra faire face au racisme sauvage en tentant de se tenir debout sur une glace de plus en plus violente à son égard.
En lisant ce texte, odyssée nerveuse d’un homme qui n’a pour seul tort que d’être né Ojibwé, on pense forcément aux Étoiles s’éteignent à l’Aube, précédent chef-d’œuvre du regretté Richard Wagamese.
On y retrouve la même langue brute, effilée comme un silex, dont les mots qui s’entrechoquent donnent à voir des étincelles pour éclairer l’obscur. On retrouve cette présence de la chair, des sensations, du froid aussi vivifiant que meurtrier. On retrouve bien sûr aussi le triste destin des indiens Ojibwés et cette dignité si forte parmi les âmes brisées. Car, comme le roman précédent, jeu blanc est avant tout une ode à celles et ceux qui savent rester debout.
Et puis, il y a quelque chose en plus, un texte qui va plus loin, qui ose aller sur des sentiers qu’on évoque rarement en littérature, ou alors en misant sur le pathos. Ici la langue est simple, sauvage et limpide, on nomme la souffrance telle qu’elle est, et la résilience peut alors, peu à peu, être envisageable. Saul nous invite à regarder la vie en face et, coûte que coûte, à se l’approprier car, après tout, il n’y a que ça à faire.
Comme toujours avec Richard Wagmese, on ressort un peu groggy d’un mélange de réalisme social cru et de mystique amérindienne. On est bringuebalé entre un rapport entre les hommes aussi dur que limité et un rapport à la nature quasi infini. On est appelé à voyager loin et à rencontrer des personnages taillés dans des bois noueux.
On est aussi souvent chaviré par des émotions qui jaillissent sans crier gare. C’est une drôle de potion, unique, reconnaissable entre mille, et elle remue autant qu’elle guérit.
Jeu Blanc de Richard Wagamese
Éditions Zoe – septembre 2017
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Si vous aimez Wagamese, vous aimerez sûrement André Bucher, entre terre et ciel, un frère de littérature des écrivains amérindiens, un écrivain dans la nature, un écrivain des grands espaces, planteur d’arbres. Vous connaissez ? (Le mot et le reste, Sabine Wespieser éditeur, Éditions Denoël)
http://andrebucher.tumblr.com
https://lemotetlereste.com/auteur/andre_bucher
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