[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd9933″]C[/mks_dropcap]omme le premier roman de Victor Jestin La Chaleur, paru aux mêmes éditions Flammarion, Jour de courage de Brigitte Giraud est le récit de la journée décisive d’un adolescent. Mais ici le caractère décisif de ce jour de courage se révèle plus ample par les résonances qu’il éveille chez le lecteur. Brigitte Giraud y dévoile en effet, par l’intermédiaire de son personnage Livio et de son intimité, une personnalité historique méconnue. Le Jour de courage est celui de l’exposé de Livio en cours d’histoire. Il va s’exposer, et la fiction de son côté expose, par un effet miroir, une réalité historique.
Le sujet sur lequel Livio a travaillé est Magnus Hirschfeld qui créa en 1919 l’Institut de sexologie à Berlin. Ce médecin, précurseur dans son domaine, va connaître l’obscurantisme de la période nazie. Le 10 mai 1933, les ouvrages de la bibliothèque vont être brûlés. Cet autodafé pourrait être le sujet principal de l’exposé du jeune homme. Madame Martel, la professeure, le voudrait bien mais Livio se concentre principalement à démontrer l’aspect novateur des recherches de Hirschfeld, premier homme à étudier la transidentité, qui a lutté pour le droit des homosexuels ou plus largement pour ce que l’on appelle maintenant les droits LGBT.
Cet exposé devient celui du dévoilement de l’intimité du personnage, un « coming-out » inconscient. En plaçant sa fiction dans un milieu où ce sujet persiste à être tabou, Brigitte Giraud provoque un basculement dans la lecture qu’en fait chacun-e. On assiste nous aussi à cet exposé plutôt brillant, car Livio maîtrise pleinement son sujet. Notre probable méconnaissance de la personnalité de Magnus Hirschfeld est tout aussi mise à jour que l’homosexualité du personnage. C’est donc subtilement que la romancière fait fonctionner sa fiction pour faire persister notre mémoire historique.
Il y a un au-delà du roman, celui que la lectrice ou le lecteur va créer. Magnus Hirschfeld se reflète dans l’intimité de cet adolescent. Nous percevons alors toute la douloureuse histoire des luttes LGBT qui même aujourd’hui restent fragiles. Quand dans ce Jour de courage est évoqué ce qui se passe en Tchétchénie, cela creuse un peu plus notre désarroi et notre révolte. Brigitte Giraud s’empare de la fiction pour mieux inscrire dans notre mémoire ce qui ne doit pas être oublié. Elle nous enjoint alors à partager le courage de son personnage et de ceux-celles qui luttent pour éviter le pire.
Jour de courage de Brigitte Giraud
Paru aux éditions Flammarion le 21 août 2019