[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#E68079″]T[/mks_dropcap]out fout le camp ! Même les jours. Tant mieux pour nous, amateurs de BD, d’histoires insolites et bien ficelées. Pour notre héros du jour, en revanche, prénommé Lubin, voilà qui ne constitue pas forcément une bonne nouvelle. Ainsi va la vie. En tout cas, ainsi va la vie de Lubin Maréchal.
Jeune et bel artiste talentueux, amoureux de Gabrielle, entouré d’une bande d’amis indéfectibles, le garçon croquait l’avenir à pleine dents. Mais voilà qu’il ne vit plus… qu’un jour sur deux. Il y a là comme un espace-temps manquant dans son emploi du temps, pourtant bien rodé jusque-là.
En réalité, les jours où Lubin n’a plus aucune prise sur son destin, c’est qu’un autre a pris sa place. Lequel lui ressemble physiquement trait pour trait. Toutefois, sa personnalité, ses goûts, ses comportements, ses choix de vie sont différents. À tel point que l’on comprend bien, à la fin, que seul l’un des deux finira par s’en sortir. Mais lequel et pourquoi ? Une (pas si drôle) situation que nous sommes invités à détricoter, au fil du temps qui passe, inexorablement.
Avec Ces Jours Qui Disparaissent, roman graphique de 200 pages, Timothé Le Boucher situe son histoire à mi-chemin entre le thriller, la fable poétique et le récit fantastique. C’est fascinant et très bien fait. On s’inquiète du sort réservé au personnage principal. On s’amuse de scènes de vie ubuesques – comme lorsque Lubin se réveille le matin au côté d’une femme qui n’est connue, jusqu’alors, que de son alter ego. On est horrifié aussi de constater à quel point ce jeune homme sympathique à l’avenir prometteur, se fait progressivement voler sa vie, à vrai dire non sans raison.
[mks_col]
[mks_one_half]
[/mks_one_half]
[mks_one_half]
[/mks_one_half]
[/mks_col]
Au cœur de l’histoire, il y a aussi la relation d’abord distante, puis passionnelle et déchirante, de Lubin avec Tamara. Elle se décline surtout dans la seconde partie du livre. Et véhicule une vraie force émotionnelle, en ce sens que nous devenons le témoin impuissant de ces jours qui s’effilochent et qui ne laissent plus qu’une place épisodique à leur souhait de vie partagé.
Au début, nous les découvrons jeunes et sportifs, libres et indépendants. Plus tard, puis bien plus tard encore, nous les retrouvons vieillissants mais toujours aimants. C’est à ce point touchant que c’en est même cinématographique. La construction du récit, les seconds rôles, nombre de détails participent à ce sentiment. Il y a là-dedans quelque chose de L‘Étrange Histoire de Benjamin Button, ce film fantastique américain réalisé par David Fincher (2008), qui nous offre lui aussi une traversée amoureuse et fantastique à travers les âges.
Côté graphisme, l’ouvrage manque un peu d’éclat, de caractère. Mais on se fait à cet univers, qui nous permet d’entrer plus directement dans l’histoire, sans filtre.
Au final d’ailleurs, la critique ne s’y est pas trompée, qui a souligné la qualité d’ensemble de cette bande-dessinée : lauréate des BDGest’Arts 2017 dans la catégorie meilleur récit court, elle a également obtenu le Prix des libraires de BD au dernier festival d’Angoulême.
Des récompenses en pagaille qui, ajoutées à cette critique positive d’une grande pertinence et d’une formidable qualité rédactionnelle 😉 , ne peuvent que vous inviter à lire Ces Jours qui Disparaissent (et à liker, liker toujours et liker encore cette chronique, la 10e du genre pour Addict-Culture) !